On assiste un peu partout dans le monde depuis 2023 à une montée en puissance inédite des stratégies de sécurité économique et de défense commerciale qui se traduit par la multiplication des outils juridiques dans l’arsenal de l’Union européenne. Dans cette chronique, Jean-Marie SALVA et Dimana TODOROVA, avocats au barreau de Paris et Bruxelles, Cabinet DS Avocats, nous expliquent tout.
Les élections américaines du 5 novembre diront si les USA basculent ou non dans la guerre commerciale et entrainent le reste du monde derrière eux. Le candidat Trump affiche, en effet, sa volonté d’un découplage quasi complet avec la Chine visant à lui refuser le bénéfice de la clause de la nation la plus favorisée, doublé d’un passage des droits de douane à 60% sur les importations chinoises et à 10% sur toutes les autres. Une mesure qui se traduirait par une vraie entreprise de dynamitage de l’OMC, car les partenaires commerciaux ne manqueraient pas de riposter. En temps normal, ces excès, même émanant de la 1ère puissance économique mondiale, auraient pu être circonscrits. Le problème est qu’ils s’inscrivent dans un contexte propice à une escalade des tensions économiques entre Chine et puissances occidentales, comme en témoignent du côté européen, la guerre engagée avec la Chine à coups d’enquêtes antidumping et antisubventions, ainsi que l’arsenal dont l’UE s’est dotée en 2023.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Le 42ème rapport annuel sur la défense commerciale de l’Union européenne publié fin septembre confirme une évolution de la politique commerciale européenne. 141 mesures étaient en vigueur à fin 2023 (120 mesures définitives antidumping et 21 mesures compensatoires) couvrant 91 produits originaires de 26 pays tiers. La Chine est visée par 82 de ces mesures. En matière d’antidumping et antisubventions, l’UE a ouvert deux fois plus d’enquêtes qu’en 2022, soit 12 enquêtes traduisant un retour à la situation antérieure. Comment s’explique ce changement de politique européenne ?
D’abord, par l’ouverture ex officio d’une enquête majeure, c’est-à-dire de la propre initiative de la Commission et en l’absence de plainte émanant de l’industrie européenne. Il s’agit de l’enquête contre les importations de véhicules électriques à batterie neufs en provenance de la Chine. Ouverte le 4 octobre 2023, cette enquête, vient de se conclure ce 29 octobre 2024 par l’imposition de droits compensatoires définitifs atteignant jusqu’à 35,3% de la valeur des produits importés.
La réaction de la Chine ne s’est pas fait attendre. Elle a ouvert 3 enquêtes contre l’Union européenne visant des produits alimentaires français : le brandy, visant surtout le cognac français (le 30 novembre 2023, moins de deux mois après l’enquête européenne), le porc (le 17 juin 2024) et les produits laitiers (le 21 août 2024). L’escalade ne s’arrête pas là. Après les consultations demandées par la Chine dans l’enquête sur les véhicules électriques le 14 août 2024, la Commission n’a pas tardé à demander auprès de l’OMC l’ouverture de consultations. Elle l’a fait le 23 septembre 2024 au sujet de l’enquête chinoise sur les produits laitiers. L’exposé des motifs est limpide : la demande de la Chine « s’inscrit dans le cadre d’une série d’enquêtes chinoises contre les produits européens à peine quelque mois après l’ouverture de l’enquête européenne sur les véhicules électriques. L’UE s’inquiète de l’émergence d’un schéma de fraude aux mesures de défense commerciale … ». De plus, une décision du 24 septembre 2024 propose de généraliser la pratique des mesures d’enregistrement qui permet en cas d’adoption de mesures antidumping ou antisubventions de leur donner un effet rétroactif. La Commission a déjà mis en œuvre cette décision, en adoptant le 25 octobre 2024, 12 règlements d’exécution soumettant à l’enregistrement les importations de divers produits dans des enquêtes visant dans la majorité la Chine.
Autre cause du changement de politique européenne : une volonté de lutter davantage contre le développement, du côté des exportateurs, des pratiques de contournement et d’absorption (celles consistant à diminuer leurs prix pour « absorber » les droits supplémentaires). La Commission dénonce des stratégies de contournement de plus en plus en complexes, qui vont bien au-delà des pratiques habituelles dite de « l’usine tournevis » ou du simple transbordement.
Preuve de ce changement de cap : la Commission a ouvert le 18 octobre dernier une enquête visant certains systèmes d’électrodes en graphite originaires de Chine. En l’espèce, c’est l’assemblage sur le territoire de l’Union de pièces dont la transformation en Europe n’est pas suffisante qui est assimilé à un contournement, cette transformation n’ayant aucune autre justification économique que l’imposition des droits antidumping existants. Mais le renforcement de la politique européenne ne se limite désormais plus au cadre traditionnellement imparti par l’OMC. Il se manifeste dans d’autres voies.
2023 a vu naitre dans l’arsenal européen trois nouveaux instruments qui pourraient jouer un rôle majeur à l’avenir : le FSR, l’IPI et l’anti-coercition.
FSR : aborder les subventions étrangères sous un nouvel angle
Le règlement sur les subventions étrangères, entré pleinement en vigueur le 12 octobre 2023, permet à la Commission d’enquêter sur les soutiens financiers accordés par des pays tiers à des entreprises ayant une activité économique dans l’UE et de corriger si besoin leurs distorsions en cas d’acquisition d’une entreprise ou d’appels d’offre supérieurs à certains seuils. Dans un rapport du 22 févr. 2024 « Règlement sur les subventions étrangères - 100 jours depuis le début de l’application de l’obligation de notification Concurrence FSR », la DG Concurrence a souligné que les notifications enregistrées sont très supérieures aux prévisions de la Commission sachant que beaucoup visent des transactions intra-UE.
La 1ère enquête approfondie a été ouverte le 22 janvier 2024 contre une société chinoise ayant répondu à un appel d’offre bulgare dans le secteur des transports. Le 3 avril 2024, deux autres enquêtes visaient des entreprises chinoises dans le secteur photovoltaïque. Dans les trois cas, les sociétés se sont retirées des marchés publics. Enfin, le 9 avril 2024, la Commission a lancé sa première enquête FSR ex officio ciblant les éoliennes chinoises en Bulgarie, Espagne, France, Grèce, et Roumanie. En réponse, la Chambre de commerce chinoise auprès de l'UE a déclaré que « le déploiement continu du FSR par l'UE contre les entreprises chinoises constitue un acte de coercition économique ».
Anti-coercition : un outil politique de dernier ressort
Le règlement relatif à la protection de l’Union et de ses États membres contre la coercition économique, entré en vigueur le 27 décembre 2023, établit un cadre d’action de l’Union pour faire face aux pays qui restreignent le commerce et tentent d’imposer un changement dans les politiques de l’UE. Un exemple récent concerne les restrictions commerciales que la Chine a imposées à la Lituanie après avoir annoncé l’amélioration de ses relations commerciales avec Taïwan en juin 2021. Quelques mois après cette annonce, les entreprises lituaniennes ont signalé des difficultés à renouveler ou à conclure des contrats avec des entreprises chinoises. L’objectif de cet outil politique est avant tout dissuasif. Mais il permet aussi d’adopter un large éventail de restrictions liées au commerce, aux investissements et au financement à titre de contre-mesures.
IPI : l’ouverture des marchés publics étrangers
Le règlement concernant l’instrument relatif aux marchés publics internationaux (« IPI ») vise quant à lui à promouvoir la réciprocité dans l’accès aux marchés publics internationaux. Il permet à la Commission, de sa propre initiative ou sur plainte, d’enquêter sur les pratiques impactant l’accès des entreprises, des biens et des services de l’UE aux marchés publics des pays tiers, et d’imposer, si besoin, des mesures visant à restreindre en réplique l’accès aux procédures de passation de marchés publics de l’UE.
La première enquête lancée le 24 avril 2024 vise les marchés publics chinois de dispositifs médicaux. Si elle conclut à l’existence de mesures discriminatoires et que la Chine ne propose pas de solution satisfaisante, la Commission pourra adopter des mesures telles que des ajustements du résultat pour les soumissionnaires originaires du pays tiers concerné ou même par leur exclusion totale de l'offre correspondante dans l'UE.
Cet arsenal répond à la demande d’opérateurs de plus en plus nombreux à souhaiter se protéger d’une concurrence qui, sans être toujours déloyale n’en est pas moins agressive et les fragilise dans un contexte de ralentissement de la croissance mondiale.
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