La réforme du droit des contrats regroupe les règles relatives au paiement

30.09.2016

Gestion d'entreprise

Dès le 1er octobre 2016, le paiement sera défini, son régime juridique clarifié et le principe de la liberté de la preuve de même qu'un corps de règles de droit commun applicables aux obligations de sommes d'argent seront consacrés dans le code civil.

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 consacre plusieurs articles au paiement (C. civ., art. 1342 à 1346-5), qui se substituent, à compter du 1er octobre 2016, aux anciennes dispositions éparses que lui consacrait le code civil (notamment, anciens articles 1235 et suivants). Formellement, les nouveaux textes sont insérés dans quatre sous-sections : la première est dédiée aux dispositions générales (art. 1342 à 1342-10), la deuxième aux dispositions particulières aux obligations de sommes d’argent (art. 1343 à 1343-5), la troisième à la mise en demeure (art. 1344 à 1345-3) (v. notre article « Introduction dans le code civil d’un mécanisme de mise en demeure du créancier ») et la quatrième au paiement par subrogation (art. 1346 à 1346-5) (v. notre article « Impact de la réforme du droit des contrats sur le paiement subrogation »). Toujours au plan de la forme, l’orthographe quelque peu désuète de « payement » est évincée au profit de celle de « paiement ».

Définition et nature juridique
Définition générale

Le nouvel article 1342, qui ouvre la première sous-section consacrée aux dispositions générales sur le paiement, définit celui-ci comme l’exécution volontaire de la prestation due (C. civ., art. 1342, al. 1er). Ce faisant, il introduit une définition dans le code civil qui, d’une part, n’existait pas en tant que telle et qui, d’autre part, se démarque de celle de l’article L. 133-3, I du code monétaire et financier : le paiement ne s’entend pas seulement du versement d’une somme d’argent mais, allant bien au-delà, de tous modes d’exécution volontaire de l’obligation. Cela étant, si l’insertion d’une définition est opportune, elle ne modifie pas la conception consacrée par le droit positif. Sur le fondement de l’ancien article 1234 du code civil, le paiement était déjà considéré comme un mode d’exécution des obligations (peu important la nature de celles-ci : de faire, ne pas faire ou donner), emportant, dès lors, leur extinction.

L’effet extinctif est par ailleurs visé et confirmé par le nouvel article 1343, alinéa 1er qui introduit la sous-section relative aux dispositions particulières aux obligations de sommes d’argent. Cette disposition énonce en effet que le débiteur d’une obligation de somme d’argent se libère par le versement de son montant nominal, et le nouvel article 1343-1, alinéa 1er ajoute que lorsque l’obligation de somme d’argent porte intérêt, le débiteur se libère en versant le principal et les intérêts.

Nature juridique du paiement

La question de la nature juridique du paiement est parfois discutée (acte ou fait juridique ?). Sans qualifier expressément le paiement d’acte juridique, l’ordonnance ne l’exclut pas dans la mesure où elle le définit comme l’exécution volontaire de la prestation due (C. civ., art. 1342, al. 1er), alors qu’elle définit par ailleurs l’acte juridique comme la manifestation de volonté destinée à produire des effets de droit (C. civ., art. 1100-1, al. 1er). Le fait qu’elle fasse de la capacité et du pouvoir des conditions de validité du paiement milite également en ce sens (C. civ., art. 1342-2). Reste le principe de liberté de la preuve du paiement, d’abord consacré par la jurisprudence (Cass. 1re civ., 16 sept. 2010, n° 09-13.947 et jurisprudence citée infra sur la liberté de preuve du paiement) et aujourd’hui par l’ordonnance (C. civ., art. 1342-8) : sans écarter l’analyse en termes d’acte juridique, il conforte plutôt l’analyse en termes de fait juridique.

Sujets du paiement
Celui qui paie

Le nouvel article 1342-1 dispose que le paiement peut être fait même par une personne qui n’y est pas tenue. La règle peut surprendre si l’on considère l’effet extinctif du paiement, qui postule que celui-ci soit fait par le débiteur. En réalité, la règle est classique, le nouveau texte reprenant, sur le fond, le principe déjà posé par l’ancien article 1236, dont il clarifie néanmoins la forme. Elle est également d’application fréquente (v. les hypothèses de cautionnement ou de gestion d’affaires, que visait implicitement l’ancien texte en distinguant le paiement par un tiers intéressé ou non), ce qui explique la différence traditionnellement faite entre le débiteur (celui qui est tenu à la dette) et le solvens (celui qui opère le paiement).

Comme sous l’empire de l’ancien texte (C. civ. anc., art. 1237), le nouvel article 1342-1 réserve néanmoins une exception : le paiement peut être fait par un tiers, sauf refus légitime du créancier, ce qui peut notamment être le cas en présence d’une obligation de faire, souvent définie par son caractère intuitu personae. L’exigence d’un refus légitime semble toutefois induire la nécessité de motiver le refus, motivation qui sera appréciée par le juge.

Celui qui reçoit le paiement

Le nouvel article 1342-2 confirme les règles existantes relatives au bénéficiaire du paiement, et notamment la classique distinction entre le créancier (le titulaire du droit de créance) et l’accipiens (celui qui reçoit le paiement), tandis que le nouvel article 1342-3 pose le principe de la validité du paiement fait de bonne foi à un créancier apparent.

A/ Paiement reçu par le créancier

Pour être valable, le paiement doit être fait au créancier (qu’il s’agisse du créancier originaire ou pas, comme dans l’hypothèse d’une cession de créance) ou à la personne désignée pour le recevoir (C. civ., art. 1342-2, al. 1er et 1340). La règle était déjà posée par l’ancien article 1239, alinéa 1er qui visait explicitement le pouvoir de recevoir paiement conféré par autorisation de justice, comme celui dont est investi le liquidateur par le jugement prononçant la liquidation judiciaire (C. com., art. L. 641-9), ou par la loi, comme dans le cas de la représentation légale des mineurs (C. civ., art. 389-4).

Par voie de conséquence, comme sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance (C. civ. anc., art. 1239, al. 2), le paiement est nul s’il n’est pas fait au créancier ou à son représentant (C. civ., art. 1342-2, al. 1er). Ainsi que l’énonce l’adage « Qui paye mal paye deux fois », la nullité dudit paiement obligera le solvens à payer à nouveau.

Néanmoins, le paiement est valable s’il est ratifié par le créancier ou si celui-ci en a tiré profit (C. civ., art. 1342-2, al. 2). Cette double exception était déjà inscrite dans le code civil (C. civ. anc., art. 1239, al. 2). Dans la première hypothèse, le paiement est en quelque sorte régularisé par le créancier qui donne son accord a posteriori, de sorte que la ratification équivaut à un mandat (Cass. com., 12 juill. 1993, n° 91-16.793). La seconde hypothèse vise par exemple le cas d’un débiteur ayant pris l’initiative de payer un créancier de son créancier (Cass. com., 10 sept. 2013, n° 12-19.386).

La validité du paiement est par ailleurs toujours conditionnée par l’exigence de la capacité du créancier à contracter : à défaut, le paiement est nul (C. civ., art. 1342-2, al. 3 ; C. civ. anc., art. 1241). Il devra donc être réitéré à moins, ajoute le nouveau texte in fine, que l’incapable en ait tiré profit.

B/ Paiement reçu par le créancier apparent

Selon le nouvel article 1342-3 du code civil, le paiement fait de bonne foi à un créancier apparent est valable. Déjà mise en œuvre par la jurisprudence sur le fondement de l’ancien article 1240 et de la théorie de l’apparence (v. par ex. Cass. com., 5 oct. 1993, n° 91-17.109), la règle est désormais formellement inscrite dans le code civil. Comme par le passé, le paiement ne sera pleinement libératoire qu’à la condition, expressément exigée par le texte, d’être fait de bonne foi. En d’autres termes, le solvens doit avoir légitimement cru en la qualité de créancier de la personne qu’il a payée. A défaut, le paiement ne peut pas avoir d’effet libératoire pour le solvens.

Remarque : non libéré à l’égard du créancier, le solvens peut toutefois se retourner contre l’accipiens pour lui demander, sur le fondement du nouvel article 1302-1 du code civil, de restituer ce qu’il aura indûment reçu (v. notre article « Modernisation de la définition et nouvelle terminologie de la répétition de l’indu »). Si à l’inverse, le paiement libère le solvens parce qu’il a été fait de bonne foi au créancier apparent, le véritable créancier pourra se retourner contre l’accipiens sur le fondement du nouvel article 1303 qui introduit la notion d’enrichissement injustifié dans le code civil, et fait obligation à celui qui en a bénéficié d’indemniser l’appauvri, sous réserve de la prise en considération de sa faute par le juge (C. civ., art. 1303 et s. ; v. notre article « Consécration de l’enrichissement injustifié dans le code civil »).
Objet du paiement
Détermination de l’objet du paiement

Le débiteur ne peut en principe s’acquitter de sa dette qu’en exécutant la prestation due (C. civ., art. 1342, anc. art. 1243). Toutefois, le nouvel article 1342-4, alinéa 2 énonce qu’il peut accepter de recevoir en paiement autre chose que ce qui lui est dû, ce qui renvoie implicitement au mécanisme de la dation en paiement, également admise par le passé sur le fondement de l’ancien article 1243 interprété a contrario. Selon une définition classique, il y a dation en paiement lorsqu’il est remis au créancier autre chose que l’objet même de la dette (Cass. ass. plén., 22 avr. 1974, n° 71-13.450). Les solutions jurisprudentielles acquises sous l’empire de l’ancien article 1243 devraient donc perdurer.

Par ailleurs, le paiement ne se réduisant pas au seul règlement d’une somme d’argent (v. ci-dessus), c’est la nature de l’obligation qui permet de déterminer l’objet du paiement. Lorsqu’est prévue la remise d’un corps certain, le nouvel article 1342-5 dispose que le débiteur de l’obligation est libéré par sa remise au créancier en l’état, sauf à prouver, en cas de détérioration, que celle-ci n’est pas due à son fait ou à celui de personnes dont il doit répondre. Reconduisant la règle énoncée par l’ancien article 1245, le nouveau texte fait supporter la charge des risques au créancier sauf, d’une part, en cas de faute du débiteur ou de la personne dont il doit répondre ou, d’autre part, en cas de mise en demeure par le créancier (C. civ., art. 1344-2).

Objet du paiement et obligations de sommes d’argent

A/ Consécration du nominalisme monétaire

Le nouvel article 1343, alinéa 1er consacre, en droit commun, le principe du nominalisme monétaire : le débiteur d’une obligation de somme d’argent se libère par le versement de son montant nominal. Si la règle n’est pas à proprement parler nouvelle (Cass. req., 25 févr. 1929, DH 1929, 161 ; Cass. com., 5 juill. 2005, n° 02-10.233), elle était jusqu’ici déduite du seul droit spécial (notamment des articles 1895 et 860-1 du code civil) et n’était pas inscrite dans le droit commun. C’est désormais chose faite. Le principe a vocation à sécuriser la situation juridique des parties, la somme due n’étant pas susceptible de modification après la conclusion du contrat.

B/ Limites au nominalisme monétaire

Pour autant, comme par le passé, le principe du nominalisme monétaire n’est pas d’ordre public (Cass. com., 5 juill. 2005, préc.) et ne s’impose pas aux parties, qui peuvent donc l’écarter, soit par une clause d’indexation, soit en cas de dette de valeur.

Le nouvel article 1343, alinéa 2 précise en effet que le montant de la somme due peut varier par le jeu de l’indexation. Les clauses d’indexation, usuelles en cas de paiement différé de l’obligation, ont pour objet de protéger le créancier contre l’érosion monétaire. Elles sont régies par les articles L. 112-1 et suivants du code monétaire et financier, le choix de l’indice étant strictement encadré (C. mon. et fin., art. L. 112-2). A noter que le nouvel article 1167 du code civil prévoit qu’en cas de disparition de l’indice, il est remplacé par l’indice qui s’en rapproche le plus.

Par ailleurs, le nouvel article 1343, alinéa 3 prévoit que le débiteur d’une dette de valeur se libère par le versement de la somme d’argent résultant de sa liquidation. La dette de valeur se définit comme l’obligation portant sur une valeur déterminée au moment de l’exigibilité de la dette et non au moment de sa naissance. Déjà consacré par le droit spécial, notamment en droit patrimonial de la famille (par ex. C. civ., art. 1469, 922, al. 2 et 1099-1), le mécanisme de la dette de valeur fait ainsi, comme celui de l’indexation, une entrée remarquée dans le droit commun.

C/ Intérêts

S’agissant du taux d’intérêt, le nouvel article 1343-1, alinéa 2 reprend l’exigence, issue du droit spécial du prêt d’argent (C. civ., art. 1907), d’un écrit pour fixer l’intérêt. Ainsi, l’intérêt est accordé par la loi ou stipulé dans le contrat et, en tout état de cause, réputé annuel sauf volonté contraire exprimée par les parties. Si l’intérêt est conventionnel, il doit être fixé par écrit.

D/ Capitalisation des intérêts

Le nouvel article 1343-2 reprend la règle de la capitalisation des intérêts énoncée par l’ancien article 1154, tout en simplifiant sa formulation : les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise. Sauf à interpréter strictement le verbe « préciser », le nouveau texte paraît donc permettre au juge d’ordonner la capitalisation, même non demandée par le créancier, ce que la jurisprudence n’admettait pas sous l’empire de l’ancien texte (Cass. com., 20 oct. 1982, n° 81-10.203).

Caractère partiel du paiement

Le débiteur étant tenu de payer ce qu’il doit au créancier, il a l’obligation de s’acquitter de l’intégralité de la dette. Reprenant le principe posé par l’ancien article 1244, le nouvel article 1342-4 énonce que le créancier peut refuser un paiement partiel, même si la prestation est divisible (c’est par exemple le cas lorsque le débiteur est tenu de payer une somme d’argent). Le débiteur ne peut donc pas forcer le créancier à ne recevoir qu’une partie du paiement, et à défaut de la payer intégralement, il devra payer les intérêts moratoires sur la totalité de la dette (Cass. 3e civ., 13 juin 1972, n° 71-11.627). A contrario, comme par le passé, le créancier peut accepter de recevoir un paiement simplement partiel (v. l’hypothèse d’un paiement échelonné dans le temps).

A/ Imputation du paiement partiel en cas de pluralité de dettes

En présence d’une pluralité de dettes, se pose, classiquement, la question de l’imputation du paiement partiel.

L’ancien article 1253 laissait au débiteur le choix d’indiquer quelle était la dette éteinte par le paiement (Cass. 1re civ., 1er juin 2011, n° 09-67.090). Le nouvel article 1342-10, alinéa 1er reprend ce principe : le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer, lorsqu’il paie, celle(s) qu’il entend acquitter. Le texte ne mentionne pas la réserve de l’abus de droit, classiquement admise par la jurisprudence (Cass. civ., 14 nov. 1922 : DP 1925, 1, p. 145). Mais celle-ci devrait logiquement perdurer.

Le second alinéa régit l’imputation du paiement en cas d’absence de manifestation de volonté du débiteur. Dans un souci de clarification par rapport aux règles posées par les anciens articles 1256 et suivants, il dispose que l’imputation a d’abord lieu sur les dettes échues puis, parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur a le plus intérêt à acquitter (sont en pratique visées les dettes qui produisent le plus d’intérêts). La jurisprudence se prononçait déjà en ce sens (v. par ex. Cass. 2e civ., 5 mai 2011, n° 10-17.739). Le même alinéa conclut qu’à égalité d’intérêt, l’imputation se fait sur la plus ancienne et enfin que, toutes choses égales, elle se fait proportionnellement.

B/ Imputation des intérêts en cas de paiement partiel

La question de l’imputation des intérêts en cas de paiement partiel est réglée par le nouvel article 1343-1, alinéa 1er. Reprenant la règle énoncée par l’ancien article 1254, il dispose que le paiement partiel s’impute d’abord sur les intérêts. Même si le texte ne le précise pas, il est vraisemblable que le débiteur pourra, comme par le passé (C. civ. anc., art. 1254 ; Cass. com., 20 oct. 1992, n° 90-13.072), déroger à cette règle et choisir d’imputer son paiement partiel sur le capital avec l’accord du créancier.

Modalités du paiement
Date du paiement

Selon le nouvel article 1342, alinéa 2 du code civil et comme par le passé, le paiement doit être fait sitôt que la dette devient exigible, c’est-à-dire à l’échéance de la dette, réserve néanmoins faite de la stipulation d’un terme ou, à l’inverse, du paiement anticipé par le débiteur, toujours possible.

Délais de grâce

Les anciens articles 1244-1 à 1244-3 sont abrogés et remplacés par un nouvel article 1343-5. Mais au-delà du regroupement des règles au sein d’une même disposition désormais composée de six alinéas, il n’y a pas de modification du régime juridique des délais de grâce, issu de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991.

Comme par le passé, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, accorder un délai de grâce pour le paiement des sommes dues (C. civ., art. 1343-5, al. 1er), ce qui ne vise que les obligations monétaires, étant précisé que toute stipulation contraire est réputée non écrite (C. civ., art. 1343-5, al. 5). Les dettes d’aliment sont classiquement exclues du champ des délais de grâce (C. civ., art. 1343-5, al. 6), l’exclusion ayant été étendue par la jurisprudence aux dettes de prestations compensatoires (Cass. 1re civ., 7 déc. 2011, n° 10-16.857) et aux cotisations et contributions sociales (v. en dernier lieu, Cass. 2e civ., 16 juin 2016, n° 15-18.390).

S’agissant des effets, le juge peut d’une part reporter ou échelonner le paiement, dans la limite de deux années (C. civ., art. 1343-5, al. 1er). Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital (C. civ., art. 1343-5, al. 2). Il peut également subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette (C. civ., art. 1343-5, al. 3). Enfin, l’alinéa 4 du nouvel article 1343-5 dispose que la décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier et que les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

Lieu du paiement

A/ Lieu du paiement pour les obligations autres que de sommes d’argent

S’agissant du lieu du paiement, le nouvel article 1342-6 réitère le principe posé par l’ancien article 1247, alinéa 3 tout en le reformulant : le paiement doit être fait au domicile du débiteur. La créance reste donc quérable et non portable, ce qui implique que le créancier doive aller chercher le paiement chez le débiteur.

Mais, comme le précise le nouveau texte, les parties, le droit spécial ou le juge peuvent écarter cette règle. L’ancien article 1247, alinéas 1 et 2, prévoyait également des exceptions, mais plus limitées (paiement au lieu où se trouvait la chose en présence d’un corps certain et déterminé, et au domicile du créancier, sauf décision contraire du juge, en cas d’aliments alloués en justice).

B/ Lieu du paiement pour les obligations de sommes d’argent

Le nouvel article 1343-4, applicable aux obligations de somme d’argent, écarte le principe de la quérabilité du paiement pour les soumettre à celui de la portabilité : le lieu du paiement de l’obligation de somme d’argent est le domicile du créancier à défaut, du moins, d’une autre désignation par la loi, le contrat ou le juge. Au plan pratique, la règle est à la fois importante et fréquemment neutralisée : importante pour la détermination du lieu d’exécution du paiement et donc de la compétence territoriale du tribunal en cas de litige, mais fréquemment neutralisée en cas de paiement par chèque, virement, carte bancaire, etc., car ces moyens de paiement impliquent que celui-ci soit fait au domicile d’un tiers, souvent un établissement bancaire.

Frais du paiement

Les frais du paiement restent, comme sous le droit antérieur à l’ordonnance, à la charge du débiteur, le nouveau texte reprenant l’ancien au mot près (C. civ., art. 1342-7, anc. art. 1248).

Moyens de paiement

La question des moyens de paiement est abordée au sein de la sous-section relative aux dispositions particulières aux obligations de sommes d’argent, par le nouvel article 1343-3. Il dispose que le paiement, en France, d’une obligation de somme d’argent s’effectue en euros. A ce titre, il doit être lu conjointement avec l’article L. 111-1 du code monétaire et financier, selon lequel la monnaie de la France est l’euro. Néanmoins, le nouvel article 1343-3 prévoit, par exception, que le paiement peut avoir lieu en une autre devise si l’obligation ainsi libellée procède d’un contrat international ou d’un jugement étranger.

Preuve du paiement

A/ Charge de la preuve

Le nouvel article 1353, relatif à la charge de la preuve, prévoit en son alinéa 2, comme l’ancien article 1315 alinéa 2, que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. Ainsi, comme par le passé, s’il appartient au créancier de prouver l’engagement d’où résulte sa créance (C. civ., art. 1353, al. 1er, anc. art. 1315, al. 1er), il revient au débiteur de prouver qu’il a effectivement payé (Cass. 1re civ., 10 sept. 2014, n° 13-14.583). Cette règle reçoit néanmoins expressément exception dans le cas où le créancier a volontairement remis au débiteur l’original sous signature privée ou la copie exécutoire du titre de sa créance : selon le nouvel article 1342-9, alinéa 1er, cette remise vaut en effet présomption simple de libération du débiteur, tandis que le nouvel alinéa 2 ajoute que cette remise à l'un des codébiteurs solidaires produit le même effet à l’égard de tous.

B/ Modes de preuve

Le nouvel article 1342-8 inscrit dans le code civil le principe de la liberté de la preuve du paiement : c’est là une des principales innovations des nouveaux textes relatifs au paiement. Sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance, la jurisprudence a, dans un premier temps, énoncé, avec l’aval d’une partie de la doctrine, que celui qui excipe du paiement d’une somme d’argent est tenu d’en rapporter la preuve conformément aux règles édictées par l’ancien article 1341 du code civil, donc par la production d’un écrit (Cass. 1re civ., 15 déc. 1982, n° 81-14.981), ou au moins d’un commencement de preuve par écrit (C. civ. anc., art. 1347). Puis, opérant un revirement de jurisprudence, elle a décidé que le paiement était un fait juridique dont la preuve pouvait être rapportée par tous moyens (Cass. 1re civ., 6 juill. 2004, n° 01-14.618 ; Cass. 1re civ., 30 avr. 2009, n° 08-13.705 ; Cass. 1re civ., 16 sept. 2010, n° 09-13.947). Aussi, en dépit d’arrêts moins nets (Cass. soc., 11 janv. 2006, n° 04-41.231 ; Cass. 3e civ., 27 févr. 2008, n° 07-10.222) et de nombreuses discussions doctrinales sur la question, liée, de la nature juridique du paiement (v. ci-dessus), le juge ne pouvait pas exiger un écrit ou un commencement de preuve par écrit, même lorsque la valeur de l’objet de l’obligation ou le montant de la somme à payer étaient supérieurs au seuil de 1 500 euros (C. civ. anc., art. 1341 ; D. n° 80-533, 15 juill. 1980, art. 1er). Optant clairement pour le principe de la liberté de la preuve du paiement (sans toutefois qualifier expressément celui-ci de fait juridique, v. ci-dessus), l’ordonnance se rallie donc à la position de la jurisprudence dominante. Cela ne vide pas de tout intérêt la preuve par écrit, loin s’en faut (et notamment la preuve par la production d’une quittance), mais ouvre simplement la possibilité au débiteur de prouver qu’il a payé autrement que par écrit (C. civ., art. 1381 et s.).

Droit des contrats - Édition 2021

Mise en pratique de la réforme

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Agnès Maffre-Baugé, Maître de conférences à la faculté de droit d'Avignon

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