Le mandat d'agent immobilier une nouvelle fois à l'épreuve du formalisme Hoguet

13.10.2020

Immobilier

Le mandat exclusif qui n'énumère pas les actions à mener par l'agent immobilier pour remplir sa mission est frappé de nullité.

En 2014, la loi ALUR a complété l’article 6 de la loi Hoguet en imposant de nouvelles mentions obligatoires dans les mandats des agents immobiliers (L. n° 70-9, 2 janv. 1970, art. 6-1, al. 5 et 6 créés par L. n° 2014-366, 24 mars 2014, art. 24, I, 8°, a : JO, 26 mars). Notamment, en cas de mandat exclusif, le contrat doit depuis lors préciser les actions que l’agent mandataire s’engage à réaliser pour exécuter la prestation qui lui a été confiée, ainsi que les modalités selon lesquelles il rend compte au mandant des actions effectuées pour son compte, selon une périodicité déterminée par les parties (L. n° 70-9, 2 janv. 1970, art. 6-I, al. 6).
Pour la première fois, la Cour de cassation indique la portée de cette nouvelle obligation en déclarant nul un mandat exclusif qui ne la respecte pas.
Le non-respect du formalisme impératif de la loi Hoguet…
Dans cette affaire, la propriétaire d’une maison a confié un mandat exclusif de vente à une agence immobilière. Elle a ensuite signé un compromis de vente avec un couple d’acheteurs présenté par l’agence. Mais 3 mois plus tard, la propriétaire a renoncé à vendre et indemnisé les acquéreurs. L’agence immobilière, estimant avoir rempli sa mission, assigne sa mandante en paiement de dommages-intérêts, tandis que celle-ci se prévaut de la nullité du mandat pour défaut de mention des actions à réaliser par la mandataire pour l’exécution de sa prestation et de leurs modalités d’accomplissement.
Se fondant sur l’article 1315, devenu 1353 du code civil, relatif à la charge de la preuve, l’agence soutenait que c’était à sa mandante qui invoquait la nullité du mandat donné, de démontrer que le contrat ne remplissait pas les conditions légales. C’était sans compter sur le formalisme d’ordre public de la loi Hoguet. Au titre des démarches accomplies pour mener à bien sa mission, l'agence immobilière a produit un exemplaire vierge d’un imprimé intitulé « Garantie d'action » listant les actions auxquelles elle s'engageait en cas de mandat exclusif de vente, mais elle ne démontrait pas avoir remis un tel exemplaire à sa mandante lors de la conclusion du mandat, lequel ne comportait pas cette énumération des actions à réaliser. Dès lors, il y avait méconnaissance des dispositions prévues à l’article 6-I, alinéa 6, de la loi du 2 janvier 1970. La Cour de cassation approuve donc les juges d’appel d’en avoir déduit, sans inverser la charge de la preuve, que le mandat était nul. En conséquence, l’agence immobilière ne pouvait pas prétendre à des dommages-intérêts, le préjudice invoqué trouvant sa cause dans l’irrégularité du contrat qui lui était imputable.
Pour être valable, le mandat doit donc impérativement préciser les actes que le mandataire s’engage à réaliser pour exécuter la prestation qui lui est confiée et les modalités selon lesquelles il doit rendre compte au mandant des actions effectuées selon une certaine périodicité.
…entraîne la nullité du mandat d’agent immobilier
La première chambre civile ne se prononce pas ici quant à la nature, relative ou absolue, de la nullité frappant le mandat, jugeant ce moyen nouveau et mélangé de fait, car l’agence immobilière ne l’avait pas soutenu devant les juges du fond.
La nullité absolue est toutefois à écarter puisque, depuis la réforme du droit des obligations de 2016, la Haute juridiction se prononce pour la nullité relative du mandat ne respectant pas le formalisme Hoguet (Cass. ch. mixte, 24 févr. 2017, n° 15-20.411, n° 283 P + B + R + I). En effet, la distinction jurisprudentielle entre nullité absolue et nullité relative, fondée sur la nature de l’intérêt protégé, est désormais consacrée légalement par l'article 1179 du code civil, issu de l’ordonnance du 10 février 2016, selon lequel la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l'intérêt général et relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d'un intérêt privé.
Ainsi, depuis sa décision de 2017, pour la Cour de cassation, là où le législateur a entendu avant tout sauvegarder l’intérêt général, l’impératif d’ordre public de direction conduit à une nullité absolue, et là où le législateur a entendu sauvegarder un intérêt privé, l’impératif d’ordre public de protection conduit à une nullité relative. Or le formalisme imposé par la loi Hoguet vise à assurer l'ordre public de protection et non l’ordre public de direction. L’énumération, dans le mandat, des actions à mener avec leurs modalités d’accomplissement, n’a pour objectif que d’informer et protéger le cocontractant de l’agent immobilier. Dès lors, c’est une nullité relative qui frappe le contrat, laquelle pourrait donc être couverte par la ratification ultérieure des actes accomplis tels que la signature d'un compromis de vente. Mais seule la mandante pourrait l'invoquer puisque ce sont ses intérêts qui sont à sauvegarder (C. civ., art. 1181), ou le juge s'il est saisi de ce point (Cass. 1re civ., 20 sept. 2017, n° 16-12.906, n° 975 P + B).
Autant dire que la rédaction des mandats est plus que jamais une affaire de professionnels…

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La gestion immobilière regroupe un ensemble de concepts juridiques et financiers appliqués aux immeubles (au sens juridique du terme). La gestion immobilière se rapproche de la gestion d’entreprise dans la mesure où les investissements réalisés vont générer des revenus, différents lois et règlements issus de domaines variés du droit venant s’appliquer selon les opérations envisagées.

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