L'urbanisme commercial après la loi ELAN : un décret complète la réforme

29.04.2019

Immobilier

Les nouvelles règles relatives à la composition et au fonctionnement des CDAC entreront en vigueur le 1er octobre 2019. Celles concernant le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale s'appliqueront aux demandes déposées à compter du 1er janvier 2020.

Pour lutter contre la dévitalisation commerciale de certains territoires, notamment dans les centres-villes, la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi "ELAN", a apporté de multiples retouches aux dispositions du code de commerce relatives à l'urbanisme commercial (voir Bulletin spécial 504-1,"Les grands chantiers de la loi ELAN"). En vue d'améliorer l'information des commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) sur le commerce local et sur l'insertion des projets d'aménagements commerciaux dans l'environnement économique, le législateur a modifié leur composition en ajoutant plusieurs membres désignés par les chambres consulaires, dont le rôle est d'apporter un éclairage sur la situation économique du territoire (C. com., art. L. 751-2, II à IV, mod. par L. n°2018-1021, 23 nov. 2018, art. 163). Il a également mis à la charge des porteurs de projets l'obligation de joindre au dossier de demande une analyse de l'impact de l'aménagement envisagé sur le commerce local (C. com., art. L. 752-6, III, mod. par L. n°2018-1021, 23 nov. 2018, art. 166). 
Conformément au calendrier de publication qui avait été annoncé (v. bull. 507, p. 6 "Mise en oeuvre de la loi ELAN : les textes attendus par les constructeurs"), le Gouvernement a fait paraître au Journal officiel du 18 avril 2019 un premier décret d'application destiné à préciser, d'une part, les nouvelles règles de composition et de fonctionnement des CDAC, d'autre part, le contenu des demandes d'autorisation commerciale à l'issue de la réforme (D. n°2019-331, 17 avr. 2019 : JO, 18 avr.).
Remarque : la mise en place de la réforme nécessite encore plusieurs précisions réglementaires, notamment en ce qui concerne les dérogations aux règles d'urbanisme commercial applicables dans le périmètre d'une opération de revitalisation de territoire (ORT). Pour une présentation exhaustive de la loi ELAN, voir également notre ouvrage : "Loi ELAN, aménagement urbanisme, construction et logement : ce qui change en pratique".
L'analyse d'impact, nouvelle pièce du dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale
A compter du 1er janvier 2020, les demandes d'autorisation d'exploitation commerciale devront comporter, en annexe, une analyse de l'impact du projet sur le commerce local (C. com., art. R. 752-6, II, mod. par D. n°2019-331, 17 avr. 2019, art. 4 et 12, al. 2). L'application de cette mesure, initialement fixée par la loi ELAN au 1er janvier 2019 (L. n°2018-1021, 23 nov. 2018, art. 166, II), est donc reportée d'une année.
Contenu de l'analyse d'impact
Outre un rappel préliminaire des caractéristiques du projet (qui doivent déjà figurer dans la partie principale du dossier), l'analyse d'impact devra comprendre trois types de documents. Les informations mentionnées dans ces documents devront être accompagnées de leur source, ou d'une justification en cas de carence. Les méthodes de calcul devront également être précisées (C. com., art. R. 752-6, II, dernier alinéa, mod. par D. 17 avr. 2019). 
En premier lieu, l'analyse devra exposer les informations relatives à la zone de chalandise et à l'environnement proche de l'aménagement envisagé. Sous le régime antérieur, ces éléments étaient déjà exigés au titre du 2° de l'article R. 752-6 du code de commerce. Ils sont repris quasiment à l'identique à quelques exceptions près :
  • la carte ou le plan du territoire devra faire apparaître en superposition les limites de la commune d'implantation, de l'EPCI auquel elle appartient et de la zone de chalandise. Elle devra également signaler l'existence d'opérations de revitalisation de territoire (ORT) (C. com., art. R. 752-6, II, 1°, a, mod. par D. 17 avr. 2019) ;
  • la carte ou le plan de l'environnement du projet ne s'inscrira plus dans un périmètre d'un kilomètre autour du site d'implantation. En outre, la description qui l'accompagne devra faire apparaître, dans l'ensemble de la zone de chalandise, les éventuels locaux commerciaux vacants ainsi que les friches commerciales. Sur ce dernier point, le décret fournit d'ailleurs une définition de la notion de friche commerciale, qui s'entend comme toute parcelle inexploitée et en partie imperméabilisée (C. com., art. R. 752-6, II, 1°, b, mod. par D. 17 avr. 2019).

En deuxième lieu, l'analyse d'impact comportera une présentation de la contribution du projet à l'animation des principaux secteurs existants, notamment en matière de complémentarité des fonctions urbaines et d'équilibre territorial. Elle détaillera, en particulier, la contribution (y compris en termes d'emploi) à l'animation, à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial des centres-villes de la commune d'implantation, ainsi que des communes limitrophes incluses dans la zone de chalandise. Le cas échéant, elle mentionnera les subventions, mesures et dispositifs de toutes natures mis en place sur les territoires de ces communes en faveur du développement économique (C. com., art. R. 752-6, II, 2°, mod. par D. 17 avr. 2019).

Immobilier

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En dernier lieu, l'analyse devra comprendre une présentation des effets du projet en matière de protection des consommateurs, en particulier en termes de variété, de diversification et de complémentarité de l'offre proposée par le projet avec l'offre existante (C. com., art. R. 752-6, II, 3°, mod. par D. 17 avr. 2019).

Par ailleurs, l’analyse d’impact devra également comporter, en annexe, une déclaration sur l’honneur émanant de son auteur indiquant qu’il ne se trouve pas dans les cas interdisant à un organisme habilité d'établir ce type d'analyse, énumérés par les 1° et 2° de l’article R. 752-6-1, II du code de commerce (v. ci-dessous).

Organismes habilités à réaliser les analyses d'impact   
La loi ELAN a imposé que l'analyse d'impact soit effectuée par un organisme indépendant, habilité par le préfet (C. com., art. L. 752-6, III, mod. par L. n°2018-1021, 23 nov. 2018, art. 166). Les conditions de cette habilitation sont insérées dans le code de commerce par l'article 5 du décret du 17 avril 2019 (C. com., art. R. 752-6-1, R. 752-6-2 et R. 752-6-3, créés par D. 17 avr. 2019, art. 5). D’application immédiate, ces dispositions sont entrées en vigueur dès le 19 avril 2019.
Les habilitations sont délivrées sur demande de la personne intéressée par arrêté préfectoral, pour une durée de 5 ans, sans renouvellement tacite possible (C. com., art. R. 752-6-3, I, al. 1er, nouv.). Elles ne peuvent être accordées qu'aux personnes morales remplissant les conditions suivantes :
  •  ne pas avoir fait l'objet, ni aucun de ses représentants légaux ou salariés, d'une condamnation correctionnelle ou criminelle, prononcée par une juridiction française ou étrangère, pour une infraction relative à la corruption ou au trafic d'influence, à des détournements, escroqueries ou extorsions au sens du code pénal (C. com., art. R. 752-6-1, I, 1°, nouv.) ; 
  • justifier des moyens et outils de collecte et d'analyse des informations relatives aux effets d'un projet sur l'animation et le développement économique des centres-villes des communes de la zone de chalandise et sur l'emploi à l'échelle de cette même zone (C. com., art. R. 752-6-1, I, 2°, nouv.) ; 
  • justifier que les personnes physiques par lesquelles ou sous la responsabilité desquelles est réalisée l'analyse d'impact sont titulaires d'un titre ou diplôme visé ou homologué de l'enseignement supérieur d'un niveau égal ou supérieur au niveau 3 au sens des dispositions du code du travail relatives au cadre national des certifications professionnelles sanctionnant une formation juridique, économique, comptable ou commerciale ou d'un diplôme étranger d'un niveau comparable (C. com., art. R. 752-6-1, I, 3°, nouv.). 
Les demandes d'habilitation sont transmises par voie électronique. Le dossier de demande comprend un extrait K bis, de moins de 2 mois, ou tout document assimilé ou équivalent, de l'auteur de la demande, ainsi que la copie de la pièce d'identité de toutes les personnes physiques visées par la demande (C. com., art. R. 752-6-1, I, al. 5, nouv.).
Enfin, même après avoir été habilité, un organisme ne peut établir l'analyse d'impact s'il est intervenu lui-même, ou l'un de ses membres, à quelque titre ou stade que ce soit du projet, ou s'il a des liens de dépendance juridique avec le pétitionnaire. Une déclaration sur l’honneur de ce chef doit être annexée à l’analyse d’impact par son auteur (C. com., art. R. 752-6-1, II, nouv.).
L'ouverture des CDAC à des personnalités désignées par les chambres consulaires
La loi ELAN a modifié la composition des commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC) en ajoutant 3 nouveaux membres au collège des personnalités qualifiées, désignés respectivement par la chambre de commerce et d'industrie, la chambre de métiers et de l'artisanat et la chambre d'agriculture (exception faite de la CDAC de Paris, qui ne comprend que les deux premiers membres) (C. com., art. L. 751-2, mod. par L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018, art. 163). Par des dispositions qui entreront en vigueur le 1er octobre 2019, le décret du 17 avril 2019 tire toutes les conséquences réglementaires de cette mesure.
Tout d'abord, il précise les règles applicables lorsque la zone de chalandise définie dans le dossier du demandeur dépasse les limites départementales. On rappelle que, dans ce cas de figure, le code de commerce prévoit que le préfet peut déterminer le nombre d'élus (dans la limite de 5) et de personnalités qualifiées en matière de consommation et de développement durable (dans la limite de 2) pouvant être appelés pour chacun des départements concernés en vue de compléter la commission. A ces personnalités s'ajoutent désormais celles désignées par les chambres consulaires, dans la limite de 2 (C. com., art. R. 751-3, mod. par D. 17 avr. 2019, art. 2).
Le décret précise, par ailleurs, que sur les territoires où les intérêts du commerce, de l'industrie, des services, des métiers, des professions libérales et de l'agriculture sont regroupés au sein de chambres consulaires communes, les personnalités qualifiées peuvent être issues de la même chambre consulaire (C. com, art. R. 751-1, 5°, mod. par D. 17 avr. 2019, art. 1er). 
Comme les autres personnalités qualifiées, ces nouveaux membres sont désignés par arrêté préfectoral, pour une durée de 3 ans. Ils sont également soumis aux mêmes règles en matière de déclaration d'intérêt (C. com. art. R. 751-1, 5° et R. 751-4, mod. par D.,  17 avr. 2019, art. 1er et 3). En revanche, ils n'ont qu'une voix consultative et ne sont pas pris en compte dans le calcul du quorum nécessaire pour que la commission puisse régulièrement délibérer ou se prononcer sur la demande (C. com., art. R. 752-15 et R. 752-16, mod. par D. 17 avr. 2019, art. 10 et 11).
Ce qui change dans la procédure d'instruction des demandes
Le décret règle les impacts procéduraux de la réforme opérée par la loi ELAN en apportant les retouches nécessaires aux articles R. 752-10 et suivants du code de commerce. Ces mesures sont en vigueur depuis le 19 avril 2019.
Information des communes limitrophes lors du dépôt d'une demande d'AEC
La loi ELAN a imposé aux commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC), lorsqu'elles sont saisies d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale (AEC), d'en informer les maires des communes "limitrophes" à la commune d'implantation du projet (C. com., art. L. 751-2, I, al. 1er, mod. par L. n°2018-1021, art. 163). Le décret précise que cette information peut être effectuée par tous moyens, mais il en restreint le champ en précisant que seules les communes incluses dans la zone de chalandise doivent être informées (C. com., art. R. 751-10, al. 3 et R. 751-12, al. 4, mod. par D. 17 avr. 2019, art. 6, 1° et 7).
Réalisation des études préalables par les chambres consulaires 
En application de l'article L. 751-2, V du code de commerce, dans sa version modifiée par la loi ELAN, le préfet peut, préalablement à l'analyse d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale, demander aux chambres consulaires la réalisation d'études spécifiques sur la consommation de terres agricoles ou sur l'organisation du tissu économique, commercial ou artisanal. Toutefois, le décret du 17 avril 2019 réserve cette possibilité aux procédures obligatoires. Elle ne peut être mise en oeuvre dans le cadre d'une procédure consultative menée en application de l'article L. 752-4 du code de commerce (C. com., art. R. 752-13, II, al. 3, mod. par D. 17 avr. 2019, art.  8).
Ces études décrivent l'activité économique et commerciale dans la zone de chalandise du projet. Le cas échéant, elles fournissent un état des superficies affectées aux exploitations agricoles et des éléments relatif à leur évolution sur les 3 dernières années. Elles doivent être datées et signées de ses auteurs, en mentionnant leurs noms et qualités. En tout état de cause, le préfet est tenu de rapporter le contenu de ces études lors de la réunion de la commission (C. com., art. R. 752-13, II, al. 1er et 2, mod. par D. 17 avr. 2019, art. 8).
Encadrement des auditions obligatoires devant la CDAC
Pour améliorer la pertinence des informations à la disposition des commissions, la loi ELAN impose l'audition de divers acteurs du commerce local lors de l'examen des demandes d'autorisation. Ainsi, les CDAC sont tenues, pour tout projet nouveau, d’auditionner la personne chargée d'animer le commerce de centre-ville au nom de la commune ou de l’EPCI, l'agence du commerce et les associations de commerçants de la commune d'implantation et des communes limitrophes, lorsqu'elles existent (C. com., art. L. 751-2, I, partiel, mod. par L. n°2018-1021, 23 nov. 2018, art. 163).
Remarque : ces dispositions ne concernent pas les consultations facultatives de la CDAC sollicitées au titre de l'article L. 752-4 du code de commerce.
Afin de faciliter la tenue de ces auditions, le maire de la commune d'implantation doit établir, à l'intention de la CDAC, une liste comportant les coordonnées de l'ensemble des personnes à auditionner (animateur du commerce en centre-ville, agence du commerce, associations). Pour les communes limitrophes situées dans la zone de chalandise, le maire doit simplement dresser une liste avec les coordonnées des associations de commerçants.
En tout état de cause, le nombre d'associations à auditionner est limité à deux pour chaque commune concernée par le projet. Les associations sont choisies par ordre de priorité, en fonction du nombre de commerçants qu'elles regroupent, à condition qu'elles aient été déclarées en préfecture depuis au moins 1 an à la date du dépôt de la demande d'AEC (C. com., art. R. 752-14, mod. par D. 17 avr. 2019, art. 9).
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Olivier CORMIER, Dictionnaire permanent Construction et urbanisme
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