Lotissement : quand l'annulation du PLU fait voler en éclat la cristallisation des règles d'urbanisme

07.10.2019

Immobilier

Pour les projets de lotissements autorisés avant le 1er janvier 2019, le principe de stabilisation des droits à construire n'empêche pas l'opposabilité aux demandes de permis de construire du document d'urbanisme antérieur à l'autorisation de lotir remis en vigueur à la suite de l'annulation contentieuse du PLU.

La loi ELAN du 23 novembre 2018 a renforcé la protection des projets de lotissements contre les aléas liés à la disparition contentieuse d’un document d’urbanisme. Depuis le 1er janvier 2019, l’article L. 442-14 du code de l’urbanisme prévoit que l’annulation ou la déclaration d’illégalité d’un SCOT, d’une carte communale, d’un PLU ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu ne remet pas en cause le principe du maintien provisoire (ou « cristallisation ») des règles d’urbanisme en vigueur à la date de délivrance du permis d’aménager (ou de la décision de non-opposition à déclaration préalable), à condition toutefois que les motifs de cette annulation soient étrangers aux règles applicables au lotissement (C. urb., art. L. 442-14, al. 4, mod. par L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018, art. 80). Par cette mesure, le législateur a entendu mettre fin aux hésitations des juridictions administratives sur les conséquences de l’annulation d’un document d’urbanisme pour les projets de construction au sein des lotissements déjà autorisés. Dans un arrêt mentionné, le Conseil d’État tranche la question pour les projets de lotissements autorisés avant l’entrée en vigueur de cette disposition (CE, 30 sept. 2019, n°421889).
Une inconstructibilité résultant du rétablissement de l'ancien POS
En l’espèce, une société avait obtenu en mars 2008 un permis d’aménager pour un projet de lotissement au vu du PLU en vigueur, avant que ce document d’urbanisme ne soit annulé par le juge administratif en décembre de l’année suivante. Conformément à l’ancien article L. 121-8 du code de l’urbanisme (devenu L. 600-12), l’annulation du PLU a eu pour effet de rétablir rétroactivement l’ancien POS. Or, au regard de ce document, les parcelles envisagées pour l’aménagement du lotissement étaient classées en zone non constructible. La société titulaire du permis d’aménager, qui se trouvait dans l’impossibilité de réaliser son projet, demandait au juge administratif de condamner la commune à l’indemniser du préjudice qu’elle estimait avoir subi en raison de l’illégalité fautive du PLU.
La question du champ d'application du principe de cristallisation
Les juges du fond ont rejeté cette demande en adoptant une interprétation extensive du principe de stabilisation des droits à construire prévu par l’article L. 442-14 du code de l’urbanisme. Selon cette disposition, aucun permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues après le permis d’aménager ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable. Le régime en vigueur lors de l’autorisation de lotir demeure donc applicable et ce pour une durée de 5 ans (C. urb., art. L. 442-14, al. 1er et 2). Pour la cour administrative d’appel de Bordeaux, cette garantie de stabilité faisait obstacle à ce que soient opposées des règles d’urbanisme résultant du rétablissement de l’ancien POS (CAA Bordeaux, 5e ch., 3 mai 2018, n°15BX00479). Cette lecture de l’article L. 442-14 prenait l’exact contre-pied des décisions rendues, dans des affaires similaires, par les cours administratives d’appel de Lyon et de Marseille (CAA Lyon, 18 juin 2015, n°14LY00857 ; CAA Marseille, 20 oct. 2016, n°15MA00172).
Une interprétation stricte adoptée par le Conseil d'État
Le Conseil d’État censure l’arrêt d’appel pour erreur de droit. Il précise que les dispositions de l’article L. 442-14 du code de l’urbanisme, dans leur version applicable à l'espèce, ne font pas obstacle à ce qu'un refus de permis de construire soit fondé sur les dispositions du POS remis en vigueur, après délivrance de l'autorisation de lotissement, par l’effet de l'annulation contentieuse. Autrement dit, la disparition rétroactive d’un document d’urbanisme et le rétablissement des règles d'urbanisme antérieures n’entrent pas dans le champ d’application du principe de stabilité des droits à construire prévu par le code de l’urbanisme avant l'entrée en vigueur de la loi ELAN. Dès lors, pour les lotissements autorisés avant le 1er janvier 2019, l’illégalité d’un document d’urbanisme peut remettre en cause la poursuite du projet lorsque la norme antérieure a pour effet d’empêcher la délivrance des permis de construire, comme c’est le cas en l’espèce. L’affaire est renvoyée devant la cour administrative d’appel de Bordeaux.

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