L'UNSA confrontée au défi de la croissance d'un modèle syndical original

08.06.2023

Représentants du personnel

L'UNSA, dont le 8e congrès s'est achevé hier soir à Dijon, espère poursuivre sa progression dans le secteur privé, après avoir déjà engrangé 17 000 adhérents supplémentaires dans les entreprises. L'Union nationale des syndicats autonomes, dont la croissance s'accompagne désormais de questions sur son fonctionnement interne, réclame une révision des ordonnances de 2017 avec des moyens accrus pour les élus du personnel et un retour des CHSCT.

Pas moins de 53% des voix aux dernières élections chez Seb SAS, le fabriquant d'électroménager : c'est le score réalisé par Arnaud Lesueur qui a créé une section UNSA il y a quelques années seulement dans cette division qui compte 3 sites en France pour 600 salariés (lire notre encadré). Cette performance n'est pas isolée, si l'on en croit Laurent Escure qui cite les cas de Dassault aviation (où l'UNSA pèse désormais 20%), du Crédit Mutuel (l'union est en tête en Ile-de-France), de la société de certification Apave (35% des voix), d'Ikea (l'UNSA est devenu le premier syndicat).

Selon le secrétaire général de l'UNSA, reconduit hier au sein d'un bureau resserré (*), son organisation progresse rapidement dans les entreprises, à tel point que 49% des 1 200 délégués du congrès appartiennent désormais au secteur privé, contre seulement 27% lors du congrès de Montpellier en 2015. 

18 000 adhérents de plus dans le privé

Le syndicat autonome dit avoir gagné 18 000 adhérents de plus dans le privé depuis 2019 (elle en a perdu 3 000 dans le public), avec une dynamique marquée dans l'industrie, les banques, les commerces et services, sans oublier le cas à part du syndicat des assistantes maternelles, passé en 7 ans de 2 300 à 9 000 adhérentes. "Nous avons plusieurs dizaines de responsables d'unions départementales issus du privé, comme dans le Loiret où notre responsable est le secrétaire du syndicat d'Orangina", se félicite le secrétaire général de l'UNSA. 

Un point de plus en 2025, la représentativité en 2029... 

 

 

De là à espérer voir l'UNSA franchir bientôt le seuil des 8% synonyme de représentativité nationale interprofessionnelle, l'union autonome étant créditée pour l'heure de 5,9% des voix ? Laurent Escure demeure prudent. S'il pense gagner au moins un point supplémentaire en 2025, il confie plutôt tabler sur 2029 pour passer le cap des 8%. Pour y parvenir, l'union syndicale autonome, qui ne dispose pas des mêmes moyens que les confédérations, compte sur ses outils de service : Please, la plateforme d'appui aux militants, qui a aidé en 3 ans 2 000 équipes syndicales, et Oops, un outil de pilotage des organisations. Mais cela reste tendu, confie Laurent Escure : "Le conflit des retraites a beaucoup mobilisé nos ressources, déjà sollicitées par la crise sanitaire".

Le débat sur la gouvernance

Concernant les points ayant suscité certaines critiques de militants en début de congrès au sujet de la gouvernance (lire notre article et notre évoquation d'un rapport interne), Laurent Escure a exprimé un souhait de conciliation en proposant des réunions régulières entre les différentes parties (organisations syndicales autonomes, fédérations, union nationale).

Nous avons été longtemps en mode survie 

 

 

A ses yeux, il s'agit d'une crise de croissance d'une organisation qui flirte désormais avec les 200 000 adhérents : "L’UNSA, qui a longtemps été une organisation fragile et en mode survie, est désormais plus assurée sur son existence avec un résultat net qui nous permet d’investir pour rendre de meilleurs services aux travailleurs et pour développer nos équipes militantes. Nous pouvons désormais nous intéresser davantage au fonctionnement interne, dans une organisation qui doit rester originale". 

L'autonomie, pas la confédération 

 

 

Le texte de la résolution entérine ce point. Refusant "le syndicalisme politisé et bureaucratique", le texte réaffirme "l’autonomie de ses composantes (fédérations et syndicats) qui sont constituées d’un modèle original qui rejette la construction confédérale à la faveur d’une union solidaire et volontaire des différents acteurs de la démarche syndicale". Mais l'autonomie n'exclut pas une forme de contrôle : l'union se réserve le droit d'exclure une structure ne respectant pas la charte de valeurs et la charte éthique, solidaire et financière de l'UNSA.

Les ordonnances et le CSE

Un point important de la résolution générale, marquée par le souci de réussir la transition climatique au travers d'un effort équilibré et d'un investissement public important, a trait aux ordonnances de 2017 et aux institutions représentatives du personnel (IRP). "C'est bien parce qu'il y a une lassitude et une fatigue des élus et des militants qu'il faut revoir les ordonnances sur le CSE", argumente Laurent Escure.

Un retour des CHSCT et une certification plus accessible pour faire reconnaître les compétences acquises pendant un mandat 

 

 

 

 

Contre l'avis des représentants de la Bretagne, les congressistes ont toutefois gardé une formulation mesurée sur les ordonnances : l'UNSA ne demande pas leur "abrogation" mais leur "révision". Le syndicat revendique une révision à la hausse du nombre d'élus et de leurs moyens et la possibilité de siéger pour les suppléants.

L'union a, en revanche, musclé son texte pour réclamer la suppression du barème Macron et exiger "un retour aux CHSCT, ou à défaut la mise en place des CSSCT (commissions, santé, sécurité et conditions de travail) dans toutes les entreprises avec des droits renforcés", d'autant, a souligné Dominique Corona, secrétaire national en charge de la santé au travail, que "les documents d'évaluation des risques (DUERP) sont moins actualisés qu'avant les ordonnances". Sont aussi demandés davantage de lisibilité sur l'index de l'égalité F/H et un accroissement des sanctions : "Les pénalités financières doivent être plus dissuasives et pleinement appliquées en cas de non-publication de l’index ou de non-amélioration de la notesous trois ans".

Le texte de la résolution évoque "des droits nouveaux" afin de permettre aux militants de s'investir dans les structures interprofessionnelles, ainsi que l'utilisation, par les représentants du personnel, des moyens numériques de communication de l'entreprise, une meilleure représentation des salariés dans les conseils d'administration et une nouvelle certification, plus accessible que l'actuelle procédure, reconnaissant les compétences acquises par les représentants du personnel lors de leurs mandats.

Semaine de 4 jours : oui, mais attention ! 

 

 

Concernant la revendication d'une semaine de 4 jours, l'UNSA, opposée à la monétisation des jours RTT, se montre prudente. En substance : oui à cette évolution si elle ne se traduit pas par une baisse des salaires et par une intensification du travail et une augmentation des risques psychosociaux, et si elle est négociée dans les entreprises et les branches.

Hier après-midi, cette résolution a été adoptée par plus de 98% des congressistes (173 000 votes pour, 68 contre, 3 397 abstentions), un score bien meilleur que celui sur le rapport d'orientation obtenu mardi (65,65%).

Dans son discours prononcé dans la foulée, Laurent Escure, "fier d'être UNSA", a souligné que la part des femmes dans ce progrès (40%) a été multipliée par deux depuis 2015. "Nos priorités sont nettes : nous devons être une force qui accompagne les grandes transformations écologiques, industrielles et sociales, une force qui mène la grande bataille pour obtenir davantage de démocratie sociale en révisant les ordonnances : le gouvernement et les employeurs doivent l'entendre", a-t-il indiqué.

Les retraites et l'avenir du syndical

Concernant l'avenir du conflit des retraites et ses conséquences sur l'action syndicale, Laurent Escure s'est montré optimiste et "combatif", un mot-clé répété à l'envie lors de ce congrès : "Le combat pour remettre en cause le relèvement de l'âge de départ à la retraite n'est pas fini, nous allons nous battre et nous demanderons l'an prochain une consultation citoyenne".

Le rebond syndical va se poursuivre 

 

 

Et le secrétaire général de l'UNSA de confier à la presse : "Je fais le pari que le rebond syndical va se poursuivre, contrairement à ce qui s'est passé en 2010 après les mobilisations sur les retraites. Le contexte est différent, nous avons imposé un débat sur les enjeux des politiques économiques, sur la considération portée au monde du travail, sur le partage des richesses. Et nous avons montré que nous pouvions travailler sur la base de valeurs communes entre organisations syndicales". 

Laurent Escure sera-t-il candidat à nouveau dans 4 ans ? "Je verrai, nous répond-il, je suis militant mais j'ai aussi un métier : je peux redevenir professeur d'école". 

 

(*) Le  nouveau secrétariat national, resserré à 12 membres contre 14 auparavant, a été élu à l’unanimité moins 11 abstentions. Il est paritaire, tant au niveau de l'équilibre femmes-hommes que de l'équilibre public-privé. En font partie : Laurent Escure, secrétaire général, Rachel Brishoual (Europe, international, logement), Dominique Corona (secrétaire général adjoint, protection sociale, qualité de vie au travail, économie sociale et solidairel), Florence Dodin (secrétaire générale adjointe, IRP, conventions collectives, égalité F/H), Luc Farré (services publics), Alain Gergaud (trésorier, vie interne), Vanessa Jereb (secrétaire générale adjointe, emploi, formation et économie), Gilles Mondon (développement, élections), Elsa Régent (formation professionnelle), Marie-Noëlle Rousse (trésorière adjointe, territoires), Guillaume Trichard (secrétaire général adjoint, service juridique, transitions écologiques, RSE), Martine Vignau (politique familiale, action sociale et insertion, CESE).

Emilie Trigo, engagée en politique à Bagnolet, et Jean-Marie Truffat (retraite) quittent le secrétariat national. 

 

Implantations dans les entreprises : l'exemple de SEB SAS

Avec 53% des voix dans la division SEB SAS qui compte 600 salariés sur 3 sites en France (Selongey en Bourgogne, Lourdes, Is-Lisle), l'UNSA a réalisé une belle opération lors des dernières élections professionnelles. Il faut dire que si Arnaud Lesueur a créé la section syndicale il y a seulement quelques années, il l'a fait en mettant à profit son expérience et ses réseaux : il était auparavant à la CFE-CGC. Mais ce préventeur de profession, qui a par le passé présidé le CHSCT, a été déçu par le manque de soutien du syndicat des cadres.

Secrétaire du CSE et du CSE central, Arnaud Lesueur reste mécontent de l'instance unique du personnel et de son fonctionnement : "Lors d'un CSE dernièrement, la direction a voulu escamoter les questions des salariés que les élus voulaient remonter. J'ai exigé qu'ils puissent poser leurs questions et que la direction nous réponde. Cela a fait durer la réunion, qui avait débuté à 9h, jusqu'à 13h15. Mais j'ai tenu bon et j'ai dit à l'employeur : demandez-vous plutôt pourquoi il y autant de questions qui remontent !" Et l'élu, qui est également délégué syndical, d'ajouter : "Ce n'est pas normal de voir passer à la trappe ces sujets, car le CSE a récupéré les prérogatives des anciens délégués du personnel".

Convaincu par les valeurs d'autonomie affichées par l'UNSA, Arnaud Lesueur ne partage pas en revanche l'optimisme de Laurent Escure sur la question des retraites et de l'effet du conflit sur les salariés et leur rapport au syndicalisme: "Franchement, à quoi a servi la dernière manifestation ? Au bout de 14 mobilisations, on n'a pas obtenu le retrait de la réforme. Les salariés risquent de nous dire : vous servez à quoi ?" 

Cela n'empêchera pas le secrétaire du CSE et délégué syndical de demander l'ouverture de négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC) afin d'obtenir des mesures favorisant l'emploi des seniors.

 

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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