Mince alors ! Précisions du Conseil d'Etat sur l'usage des appareils d'endermologie

02.09.2019

Droit public

L'utilisation d'appareils d'endermologie relève du monopole des masseurs-kinésithérapeutes.

Dans un arrêt du 24 juillet 2019, le Conseil d’Etat affirme que l’usage d’appareils d’endermologie est réservé aux masseurs-kinésithérapeutes et que leur utilisation par des tiers à cette profession constitue un exercice illégal de la masso-kinésithérapie.
 
L’endermologie est une technique destinée à lutter contre la cellulite et les amas graisseux en reproduisant de façon mécanique le geste du « palper-rouler » associé à un système d’aspiration. Elle est fréquemment mise en œuvre par des masseurs-kinésithérapeutes mais également par des non professionnels de santé, en particulier dans des salons et instituts de beauté (voir par ex. question n° 27307 à l’Assemblée nationale : JO,  15 juill. 2008 p. 6083, et réponse du 2 sept. 2008 p. 7651 : http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-27307QE.htm).
 
En l’espèce, deux masseurs-kinésithérapeutes sont poursuivis devant la chambre disciplinaire de leur ordre professionnel pour avoir, par contrat, mis une partie de leur cabinet à disposition d’une personne qui ne possédait pas la qualité de masseur-kinésithérapeute, afin qu’elle y pratique notamment l’endermologie.
 
Condamnés en première instance à la sanction du blâme pour complicité d’exercice illégal de la masso-kinésithérapie, ils sont également condamnés en appel mais pour d’autres motifs, la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre  des masseurs-kinésithérapeutes ayant considéré que les missions confiées au tiers à la profession ne relevaient pas d’un exercice illégal de la masso-kinésithérapie. Sur pourvoi du Conseil national de l’Ordre, le Conseil d’Etat annule cette décision.
 
En effet, comme le rappelle la Haute instance, le massage est réservé par l’article L. 4321-1 du code de la santé publique aux masseurs-kinésithérapeutes. Il se définit, selon l’article R. 4321-3 du même code, comme « toute manoeuvre externe, réalisée sur les tissus, dans un but thérapeutique ou non, de façon manuelle ou par l’intermédiaire d’appareils autres que les appareils d’électrothérapie, avec ou sans l’aide de produits, qui comporte une mobilisation ou une stimulation méthodique, mécanique ou réflexe de ces tissus ».
 
Le but thérapeutique étant indifférent, comme l’indique explicitement le texte précité, l’utilisation d’appareils d’endermologie, y compris à des fins purement esthétiques, correspond à cette définition et relève donc du monopole des masseurs-kinésithérapeutes. Dès lors, l’usage de ces machines par des tiers à la profession constitue un exercice illégal au sens de l’article L. 4323-4 du code de la santé publique.
 
Il faut noter que dans cette affaire, il était aussi reproché aux personnes poursuivies d’avoir permis à un tiers à la profession d’utiliser des plateformes vibrantes ou oscillantes destinées à améliorer la mobilité et le tonus musculaire de l’usager. La définition de la gymnastique médicale, activité également réservée aux masseurs-kinésithérapeutes, incluant la notion de « but thérapeutique ou préventif afin d’éviter la survenue ou l’aggravation d’une affection », le Conseil d’Etat approuve la relaxe prononcée sur ce point : il n’était pas établi ni même allégué que l’usage de ces plateformes poursuivait en l’occurrence un tel but.
 
Il existe ainsi une différence essentielle entre le massage et la gymnastique médicale en fonction du but poursuivi, le monopole des masseurs-kinésithérapeutes étant volontairement plus large pour le massage puisqu’il inclut toutes les activités de massage, quel que soit leur but.
 
Cet arrêt du Conseil d’Etat est, à n’en pas douter, de nature à faire frémir les nombreuses personnes qui utilisent à titre professionnel les appareils d’endermologie sans avoir la qualité de masseur-kinésithérapeute. Il pourrait en particulier s’ensuivre des poursuites pénales pour exercice illégal de la masso-kinésithérapie. La Cour d’appel de Versailles a ainsi approuvé une condamnation prononcée sur ce fondement, dans un arrêt du 21 janvier 2005 (9ème chambre RG : 04/00486 04/02603). En 2009, elle a toutefois admis que n’étaient pas pénalement responsables, en raison d’une erreur légitime sur le droit, des esthéticiennes qui avaient fait usage d’un appareil d’endermologie car à l’époque des agissements en cause (entre 1997 et 2000), le « palper-rouler » était officiellement enseigné aux esthéticiens au cours de leurs études, de multiples fabricants vendaient librement des appareils destinés au « drainage esthétique » et cette pratique était couramment admise (Versailles, 4 mars 2019, RG n° 07/02093). La Cour d’appel de Douai, statuant en matière civile, a quant à elle admis la nullité, pour illicéité de la cause, d’un contrat portant sur la vente à un infirmier libéral d’un appareil destiné à traiter la cellulite (CA Douai, 9 nov. 2017, n° 16/06882). Elle a cependant considéré qu’il constituait un dispositif médical destiné à modifier l’anatomie et était donc réservé aux médecins (C. santé publ., art. R. 5211-1, 3°).
 
En tout état de cause, la décision du Conseil d’Etat pourrait bien marquer un coup d’arrêt à ces pratiques.

 

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Maïalen Contis, Docteur en droit, avocat au barreau de Toulouse
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