Paiement demandé après la liquidation judiciaire : quand court la prescription ?

11.09.2018

Gestion d'entreprise

L'ancienne prescription décennale de l'action en paiement, interrompue par la procédure collective du débiteur, recommence à courir à la clôture de la liquidation judiciaire, mais pour un délai de 5 ans à compter du 19 juin 2008.

La loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription a réduit de 10 à 5 ans le délai de prescription instauré par l’article L. 110-4 du code de commerce pour les obligations entre commerçants nées à l’occasion de leur commerce. Par le présent arrêt, largement diffusé, la Cour de cassation précise les modalités de computation de ce délai lorsque l’action en paiement est intentée par le créancier après la clôture de la liquidation judiciaire du débiteur. Elle décide que si la prescription de l’action en paiement, interrompue par la procédure collective, a recommencé à courir à compter de ladite clôture, c’est pour un délai de 5 ans à compter de l’entrée en vigueur de la réforme, soit le 19 juin 2008.

Par trois actes conclus en 1999 et 2001, une banque consent trois prêts à un couple marié. Une caution s’engage solidairement à garantir l’un des prêts. L’époux est mis en liquidation judiciaire le 16 septembre 2003. La banque déclare ses créances, lesquelles sont admises par une ordonnance du juge-commissaire en date du 7 septembre 2004. La liquidation judiciaire est clôturée pour insuffisance d’actif le 18 janvier 2005. La société cessionnaire des créances de la banque assigne la caution, le 20 août 2013, puis l’épouse, en qualité de codébitrice solidaire, le 6 septembre 2013.

Les défendeurs excipent la prescription de l’action intentée à leur encontre. Mais sans convaincre la cour d’appel, qui juge que, depuis la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, le législateur a remplacé la règle de l’interversion de la prescription par un délai d’exécution d’une durée spécifique de 10 ans pour l’application des décisions de justice, catégorie comprenant les ordonnances rendues par le juge-commissaire, et qu’en application de l’article 2222, alinéa 2, du code civil, en cas de réduction de la durée de prescription, le nouveau délai court à compter de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, soit le 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. La cour en déduit que, la prescription de l’action engagée par la société créancière n’est pas acquise au moment de l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, son délai s’étant prolongé pour une durée de 10 ans à compter du jour de l’entrée en vigueur de cette loi, pour s’achever le 19 juin 2018, soit après la délivrance de la première assignation effectuée le 20 août 2013.

La Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d’appel au visa des articles L. 110-4 du code de commerce et L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution. Elle juge que l’opposabilité au codébiteur et à la caution solidaires de la substitution de la prescription, ayant pu se produire, en l’état du droit antérieur à la loi du 17 juin 2008, à la suite de la décision d’admission des créances au passif du débiteur principal du 7 septembre 2004, ne peut avoir eu pour effet de soumettre l’action en paiement du créancier contre le codébiteur et la caution solidaires au délai d’exécution des titres exécutoires. Conséquemment, si l’ancien délai de prescription de l’article L. 110-4 du code de commerce a été interrompu par la procédure collective, il a recommencé à courir à la clôture de la liquidation judiciaire, soit le 18 janvier 2005, mais pour une durée de 5 ans, et non de 10 ans, à compter de l’entrée en vigueur, le 19 juin 2008, de la réforme de la prescription civile. Le délai de prescription expirait donc le 19 juin 2013, de sorte que l’action était prescrite le 20 août suivant, lors de l’assignation litigieuse.

Agnès Maffre-Baugé, Maître de conférences à la faculté de droit d'Avignon

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