Partage de la valeur : un projet d’accord ouvert à signature jusqu’au 22 février

Partage de la valeur : un projet d’accord ouvert à signature jusqu’au 22 février

12.02.2023

Gestion du personnel

Lors de la séance conclusive, les partenaires sont parvenus, vendredi, à un projet d’accord national interprofessionnel. A la clef, une généralisation partielle d’un dispositif de partage de la valeur pour les entreprises dont l’effectif est compris entre 11 et 50 salariés et l’obligation de négocier une clause en cas de superprofits pour les sociétés de plus de 50 employés.

A l’issue d’une séance de travail de plus de 10 heures, entrecoupée de plusieurs interruptions, les partenaires sociaux, réunis au siège du Medef (à l’exception de la CGT qui assistait aux discussions en visioconférence), sont parvenus, vendredi soir, à un compromis sur le partage de la valeur. Plusieurs versions du texte ont circulé tout au long de la journée pour aboutir à un projet d’accord national interprofessionnel (ANI) dense et technique, comprenant 36 articles.

Le texte est désormais soumis à signature jusqu’au 22 février. Le temps que les différentes organisations syndicales consultent leurs instances dirigeantes pour arrêter leur décision.

"Un sujet majeur pour les salariés"

"On arrive à un document qui fait l’inventaire d’un certain nombre de solutions qui se veulent pragmatiques, adaptées réellement aux réalités économiques des entreprises sous toutes ses dimensions", s’est félicité Hubert Mongon, chef de file de la délégation patronale, en fin de journée.

"Pour obtenir un accord sur un sujet aussi sensible, il fallait évidement que chacun arrive avec ses propositions et ses lignes rouges et que chacun puisse bouger", a complété Eric Chevée, vice-président de la CPME.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Généralisation partielle de la participation

Pour déminer les obstacles, des concessions ont été faites dans les deux camps. Le Medef a fait quelques avancées en direction des organisations syndicales, en acceptant, vendredi matin, le principe d’une généralisation partielle de l’épargne salariale dans les petites entreprises. Les structures d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés doivent mettre en place, avant le 1er janvier 2025, un dispositif légal de partage de la valeur dès lors qu’elles réalisent un bénéfice net fiscal positif au moins égal à 1 % du chiffre d’affaires pendant trois années consécutives. Ce dispositif peut prendre la forme d’une prime de participation, d’intéressement, de prime de partage de la valeur voire d’un abondement à un PEE, PEI ou PER.

Pour les y aider, elles peuvent s’appuyer soit sur un accord de branche professionnelle - les branches ont l’obligation d’ouvrir une négociation ad hoc avant le 30 juin 2024 - ou négocier un accord d’entreprise, voire d’opter pour une décision unilatérale. Dans tous les cas, les employeurs peuvent déroger au calcul de la formule légale de participation, avec, à la clef, un "résultat inférieur". Il s’agirait d’une expérimentation de cinq ans. Un bilan de mise en œuvre serait conduit avant la fin de cette échéance pour "mesurer l’impact de cette mesure".

Les entreprises de moins de 11 salariés ne sont pas concernées par cette obligation mais peuvent s’appuyer sur l’accord de branche ou négocier leur propre accord.

Autre avancée : le Medef est revenu sur son idée d’abaisser le forfait social à 10 %. Un point dur pour les syndicats. Et appelle uniquement à le "simplifier". Le texte ne fait plus état non plus d’un possible versement de trois primes de partage de la valeur par an mais de deux, pour "éviter de cannibaliser les augmentations salariales", selon FO.

Nouveaux cas de déblocage de la participation

Enfin, le texte instaure de nouveaux cas de déblocage de la participation. Outre la rénovation énergétique de la résidence principale et les dépenses engagées en tant que proche aidant, le texte prévoit également la possibilité de débloquer l’épargne pour l’acquisition d’un véhicule "propre", hybride ou électrique, neuf ou d’occasion.

Surtout le camp patronal a abattu une dernière carte, en début de séance, pour prendre en compte les "superprofits" en ajoutant dans l’avant-dernière version du texte, une clause spécifique, intégrée aux accords de participation et d’intéressement, visant à prendre en compte les résultats, réalisés en France et présentant un "caractère exceptionnel". Lequel doit être défini par l’employeur. Une telle situation déclencherait soit un versement d’intéressement, de participation complémentaire, d’un abondement au PEE ou au PER.

Des avis contrastés

Des mesures suffisantes pour recueillir l’aval des partenaires sociaux ? "Les changements sont assez importants, note Karen Gournay (FO). A ce stade, on peut se satisfaire de l’évolution de cette dernière mouture. Le texte ne répond pas à l’intégralité des demandes de départ mais il remplit un rôle à condition qu’il soit repris par le travail parlementaire".

Pour Luc Mathieu de la CFDT, l’avis n’est "pas défavorable" car il y a "quelques avancées". Aux premiers rangs desquels "un texte interprofessionnel normatif, une première depuis longtemps". Mais il reste réservé sur l’absence de prise en compte de sa revendication principale, à savoir "limiter la propagation du virus de la prime de pouvoir d’achat" aux seules entreprises de moins de 11 salariés.

De même la CFTC reste "mitigée". Elle déplore le maintien des règles de franchissement du seuil de 50 salariés conduisant à la mise en place obligatoire de la participation. Actuellement, pour déclencher cette obligation, l’effectif de l’entreprise doit avoir été supérieur à 50 salariés chaque année sur cinq ans consécutifs. Autrement dit, une variation de l’effectif sur une année remet le compte des années à "zéro". Pour Imane Harraoui, la cheffe de file, ce décompte est trop réducteur pour généraliser plus rapidement le dispositif de la participation dans les TPE. La confédération chrétienne demandait que le seuil des 50 salariés soit apprécié en moyenne sur cinq ans et non calculé sur cinq années consécutives.

La CFTC note toutefois des avancées, à l’instar de la prise en compte de nouveaux cas de déblocage anticipé de la participation, l’engagement inscrit "noir sur blanc" que le versement d’une prime d’intéressement ou de participation ou de PPV ne se substitue pas à des augmentations de salaire et l’intégration d’au moins un critère de RSE dans le cadre d’un accord sur l’intéressement.

Selon le Medef, l’accord devrait toutefois être majoritaire. Au total, "la CFDT et FO ont donné un avis favorable" tandis que "la CFTC et la CFE -CGC ont émis des réserves". La CGT, quant à elle, ne devrait pas signer.

"Démocratie sociale"

Au-delà, la signature d’un tel texte pourrait toutefois représenter une petite victoire pour les partenaires sociaux. "On était tous d’avis qu’on préférait traiter cette affaire entre nous", a insisté Eric Chevée. D’ailleurs, ils ont évacué, dès le début des discussions, commencées en novembre, le principe d’un "dividende salarié", une notion chère au gouvernement, mais jugés "inadaptée" voire "vaporeuse", pour lui préférer l’expression de "dividende du travail". Un terme qui désigne dans le code du travail "l’intéressement, la participation et l’épargne salariale".

Plusieurs initiatives politiques ont, il est vrai, joué les trouble-fêtes. Et mis une pression supplémentaire sur les négociateurs. La commission des finances de l’Assemblée nationale avait annoncé, le 12 janvier, une mission d’information sur l’évaluation des outils fiscaux et sociaux de partage de la valeur dans l’entreprise. En parallèle, Renaissance, le parti présidentiel, avait indiqué qu'il prévoyait de faire voter une loi au printemps, qui imposerait une participation généralisée dans les entreprises de moins de 50 salariés.

Au point où Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, a qualifié cette négociation "d’impossible", le 18 janvier, critiquant l’attitude du gouvernement et des membres du parti Renaissance qui ont annoncé "les résultats avant la fin".

Pour déjouer ces pronostics, les organisations patronales et syndicales ont donc cherché à mener "jusqu’au bout" cette négociation.

"Le fait d’ouvrir à la signature cet accord avec un engagement favorable d’une majorité d’organisations démontre que nous avons repensé la façon dont on pilote la démocratie sociale dans notre pays depuis l’accord du 14 avril sur le paritarisme", insiste Eric Chevée.

"Dans le contexte social particulièrement complexe de notre pays, cette négociation paritaire interprofessionnelle importante démontre l’efficacité du dialogue social (…) et témoigne de notre capacité à faire vivre cet accord sur paritarisme", abonde Hubert Mongon.

Garde-fou en cas de transposition de l'accord

Le projet d’accord prévoit, à ce titre, un dernier garde-fou à l’attention des pouvoirs publics en cas de transposition de l’accord. L’article 35 insiste pour que dispositions réglementaires soient en ligne avec les dispositions du texte. "A cet effet un comité de suivi de la mise en œuvre du présent accord par les pouvoirs publics est constitué pour une durée de deux ans à compter de sa signature".

Sans attendre toutefois le résultat de la consultation des partenaires sociaux, Renaissance a annoncé l’organisation d’une convention sur le partage de la valeur qui se déroulera le 20 février, mais dont les premières concertations commenceront dès aujourd'hui.

La balle est désormais dans le camp de l’exécutif.

Anne Bariet
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