Pas de consultation du CSE en cas de licenciement d'un candidat aux élections professionnelles

21.05.2025

Gestion du personnel

Un avis du Conseil d'État précise que le licenciement envisagé d'un candidat aux fonctions de membre élu du CSE ne requiert pas la consultation préalable du comité. La portée de cette décision sur d'autres situations reste à préciser.

En 2008, la recodification du code du travail a été opérée. Certaines dispositions ont disparu, mais le principe de la « recodification à droit constant »  impliquait le maintien de ces dispositions. En effet, la recodification était censée être une simple réorganisation du code du travail. 

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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En 2017, les ordonnances Macron ont à leur tour largement remanié le code du travail, et en particulier les parties relatives au droit collectif, fusionnant le comité d'entreprise, les délégués du personnel et le CHSCT, dans le CSE. Et cette fois-ci il s'agissait bien d'une réforme, modifiant les dispositions du code du travail. On a donc pu se demander si les dispositions disparues en 2008, et qui ne sont pas réapparues en 2017 restaient bien applicables conformément à ce principe du « droit constant ».

Le Conseil d'État apporte un élément de réponse à cette question dans un avis du 16 mai 2025 mentionné aux tables du recueil Lebon et publié au Journal officiel du 21 mai 2025, au sujet de la consultation du CSE dans le cadre de la procédure applicable au licenciement du candidat aux élections professionnelles.

Aucune disposition du code du travail ne prévoit désormais de consultation du CSE en cas de licenciement d'un candidat

Plus de texte après la fusion des IRP

Le Conseil d'État est saisi par une cour administrative d'appel d'une demande d'avis, conformément à l'article L. 113-1 du code de justice administrative. 

Il lui est demandé si « les dispositions de l'article L. 2421-3 du code du travail dans leur rédaction issue des ordonnances n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 et n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, lesquelles procèdent notamment à la fusion des instances représentatives du personnel, requièrent-elles toujours, pendant le délai de six mois prévu à l'article L. 2411-7 du code du travail, la consultation préalable du comité social et économique avant qu'un employeur ne demande à l'inspection du travail l'autorisation de licencier un salarié candidat aux fonctions de membre élu de la délégation du personnel de ce comité, à l'instar de celles en vigueur du 1er mai 2008 au 1er janvier 2018, telles qu'issues de la recodification, à droit constant, des dispositions de l'article L. 436-1 du code du travail abrogées par l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 ».

En d'autres termes : la réforme des institutions représentatives du personnel issue des ordonnances Macron a-t-elle « écrasé » les anciennes dispositions du code du travail, recodifiées à droit constant ?

Et la réponse est oui : « S'il est vrai qu'une telle consultation était exigée sous l'empire des dispositions antérieures à la réforme des institutions représentatives du personnel dans l'entreprise à laquelle les ordonnances prises en application de l'article 2 de la loi du 15 septembre 2017 ont procédé, aucune des dispositions citées ci-dessus, ni aucune autre du code du travail, ne prévoit désormais que le licenciement envisagé par l'employeur des salariés visés à l'article L. 2411-7 du code du travail, c'est-à-dire le candidat aux fonctions de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique, requiert la consultation préalable de ce comité ».

Ainsi, il n'est point besoin de consulter le CSE en cas de licenciement d'un candidat aux élections professionnelles, aucune disposition du code du travail ne prévoyant plus cette consultation après l'intervention de la fusion des IRP opérée par les ordonnances Macron.

Plus de consultation du CSE non plus pour les anciens élus du CSE

Cette solution n'est pas une entière surprise. Un arrêt d'une cour administrative d'appel s'était déjà prononcé en ce sens concernant la rupture conventionnelle d'un ancien délégué du personnel ayant démissionné de son mandat (CAA Nantes, 6e ch., 15 sept. 2020, n° 18NT03136). L'arrêt visait déjà  l'absence de ces dispositions dans le code du travail dans sa version applicable au litige.

Les articles L. 2421-3 et L. 2321-4 du code du travail prévoyant la consultation du CSE ne visent ni les candidats aux élections, ni les anciens élus, lesquels restent protégés pendant 6 mois. Or, avant la recodification de 2008, c'était bien le cas.

Ainsi, la consultation du CSE ne serait plus requise dans ces deux cas. 

Remarque : il devrait en aller de même pour l'ancien représentant syndical au CSE, lequel n'est pas non plus visé. Concernant l'ancien représentant de proximité, il a été institué par les ordonnances Macron, et celles-ci n'ont jamais prévu une telle consultation dans le cadre de son licenciement. 

Peut-on en déduire une portée plus générale de l'avis ?

L'avis ne vise que la consultation du CSE dans le cadre du licenciement du candidat

L'avis rendu ne vise que le cas de la consultation du CSE dans le cadre du licenciement du candidat. Cependant, le principe qui sous-tend apparaît plus général. En effet, si l'avis ne vise jamais directement le principe du « droit constant », il confirme que cette consultation s'imposait bien avant l'intervention des ordonnances Macron, alors qu'elle avait déjà disparu du code du travail suite à la recodification. Puis le Conseil d'État explique que la réforme de 2017 n'a pas repris ces dispositions, et qu'ainsi, elles ne s'appliquent plus depuis l'entrée en vigueur du CSE.

La recodification à droit constant : une fiction ?

Le rapporteur du Conseil d'État, dans ses conclusions, fait référence à la jurisprudence de la Cour de cassation, faisant primer le principe du « droit constant », soulevant qu'un tel principe d'interprétation n'est pas sans soulever de difficulté. A la suite de quoi il se demande combien de temps encore la « fiction de la codification à droit constant »  peut-elle raisonnablement prévaloir sur la lettre du code du travail ?

C'est alors qu'il propose au Conseil d'État une réponse : ce principe s'applique « tant que la règle réputée avoir été codifiée à droit constant n'est pas substantiellement modifiée ». Et, pour lui, les motifs justifiant de garantir la continuité entre les dispositions de l'ancien code et les nouvelles semblent « disparaître lorsque le législateur est à nouveau intervenu pour les modifier ». Il en conclut que c'est le cas en l'espèce : les ordonnances Macron, lesquelles ont modifié notamment l'article L. 2421-3, n'ont pas repris les anciennes dispositions. Afin d'assurer la sécurité juridique, il faut donc s'en tenir désormais à ce qui figure dans le code du travail, tel que réécrit par lesdites ordonnances.

On notera que le Conseil d'État n'a pas repris dans son avis cette notion de « modification substantielle », laquelle reste à définir. Faut-il comparer les différentes versions du texte pour déterminer s'il s'agit d'une modification « substantielle », laquelle met fin à l'application du principe du « droit constant », pour l'application des dispositions effectivement présentes dans le code du travail ? Ou bien la simple intervention du législateur dans la réécriture de ces articles suffit-elle ? En d'autres termes, si le législateur a réécrit ces articles, quelle que soit l'ampleur de cette intervention, ce sont les nouveaux articles qui s'appliquent ? Les juges devront apporter des précisions à cet égard afin de préserver la sécurité juridique.

La question du statut protecteur des anciens conseillers du salarié

Depuis la recodification de 2008, les anciens conseillers du salarié (C. trav., art. L. 2411-3), ainsi que les conseillers du salarié en CDD (C. trav., art. L. 2412-1), ne sont plus visés par le code du travail comme salariés protégés.

Or, la Cour de cassation a jugé en 2010 que « sauf dispositions expresses contraires, la recodification du code du travail est intervenue à droit constant. Il en résulte que s'appliquent au conseiller du salarié les dispositions de l'article L. 2411-3 du code du travail relatives à la durée de la protection d'un délégué syndical » (Cass. soc., 27 janv. 2010, n° 08-44.376). Ainsi, l'ancien conseiller du salarié est protégé pendant 12 mois après la fin de son mandat s'il l'a exercé pendant 1 an. Cependant, les ordonnances Macron sont intervenues depuis cet arrêt, et elles n'ont pas repris les dispositions octroyant le statut protecteur à l'ancien conseiller du salarié.

Il en va de même concernant le conseiller du salarié sous CDD : il ne fait plus partie depuis 2008 de la liste des bénéficiaires de la protection (C. trav., art. L. 2412-1). Et dans ce cas également, les ordonnances Macron n'ont pas rétabli ces dispositions. Or, ici encore, la Cour de cassation retient la même lecture : la recodification étant intervenue à droit constant, le conseiller du salarié bénéficie de la protection prévue à l'article L. 2421-8 du code du travail imposant que, lorsque le CDD arrive à son terme, l'inspecteur du travail autorise préalablement la cessation du lien contractuel (Cass. soc., 7 juill. 2021, n° 19-23.989).

Remarque : à noter, comme pour tous les salariés protégés, qu'il n'y a plus lieu désormais de saisir l'inspecteur du travail pour qu'il contrôle l'absence de discrimination en cas d'arrivée à échéance du CDD d'un conseiller du salarié sans clause de renouvellement, et qui n'a pas la nature d'un contrat saisonnier ou d'usage (Cass. soc., 10 juill. 2024, n° 22-21.856). La Cour de cassation tient donc compte de la modification législative intervenue dans la procédure protectrice pour les salariés en CDD, mais continue d'arguer de la recodification à droit constant concernant le bénéfice du statut protecteur des salariés conseillers du salarié titulaires de CDD. Le rapporteur fait d'ailleurs référence à cette jurisprudence pour en déduire que l'approche qu'il propose est en ligne avec l’orientation que semble prendre la Cour de cassation, s’agissant de la portée à donner au principe de recodification à droit constant en cas d’intervention postérieure du législateur. Il ne soulève toutefois pas, dans ce cadre, la partie de la décision qui maintient le statut protecteur du conseiller du salarié conformément au principe du « droit constant ».

On peut donc se demander si ces jurisprudences de la Cour de cassation vont perdurer suite à l'avis du Conseil d'État du 16 mai 2025.  Dans ce cas, il ne s'agit pas seulement de la consultation, ou non, du CSE dans le cadre de la procédure protectrice (et donc d'une question de procédure), mais de savoir si la procédure protectrice s'applique, ou non. C'est pourquoi il faut rester très vigilant en attendant d'autres décisions dans ce cadre. Dans cette attente, il nous semble donc nécessaire de respecter la procédure protectrice dans tous ces cas.

Séverine BAUDOUIN
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