Performance énergétique des bâtiments : le décret tertiaire est de retour

Performance énergétique des bâtiments : le décret tertiaire est de retour

26.07.2019

HSE

Prévue par la loi Elan, la nouvelle version du décret imposant des actions de réduction de la consommation d'énergie finale dans les bâtiments à usage tertiaire est le fruit d'une large concertation avec l'ensemble des acteurs économique du secteur portant sur le contenu technique des prescriptions. Les modalités d'application devront encore être précisées par arrêté.

Après une suspension partielle puis totale et une annulation par le Conseil d’État, on pensait le décret tertiaire enterré. Mais l’article 175 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Elan, a modifié les dispositions de l’article L.111-10-3 du code de la construction et de l’habitation. Des actions de réduction de la consommation d’énergie doivent être mises en œuvre dans les bâtiments existants à usage tertiaire. L’objectif est de parvenir à une réduction de la consommation d’énergie finale pour l’ensemble des bâtiments soumis à l’obligation d’au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050 par rapport à 2010. 

 

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Un décret, daté du 23 juillet 2019, vient déterminer les nouvelles conditions d’application de cette obligation. La publication de ce décret permet l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions de l’article L.111-10-3 du code de la construction et de l’habitation.

Les articles R.131-38 à R.131-44 du code de la construction et de l'habitation entreront en vigueur à compter du 1er octobre 2019.

Un champ d’application élargi

Le champ d’application de l’obligation est étendu puisque les bâtiments de 1 000 m2 au moins, existants à la date de publication de la loi ELAN soit le 24 novembre 2018, sont concernés alors que le précédent décret s’appliquait aux bâtiments d’une surface supérieure ou égale à 2000 m2 de surface utile.

Sont ainsi soumis à l’obligation de réduction de la consommation d’énergie finale les propriétaires et, le cas échéant, les preneurs à bail de :

  • bâtiment hébergeant exclusivement des activités tertiaires sur une surface de plancher (telle que définie par l’article R. 111-22 du code de l'urbanisme) supérieure ou égale à 1 000 m2 – sachant que les surfaces de plancher consacrées, le cas échéant, à des activités non tertiaires accessoires aux activités tertiaires sont prises en compte pour l’assujettissement à l’obligation ;
  • parties d’un bâtiment à usage mixte qui hébergent des activités tertiaires sur une surface de plancher cumulée supérieure ou égale à 1 000 m2 ;
  • ensemble de bâtiments situés sur une même unité foncière ou sur un même site dès lors que ces bâtiments hébergent des activités tertiaires sur une surface de plancher cumulée supérieure ou égale à 1 000 m2. Dans ce cas, il s’agit d’un seul propriétaire.

Attention, les activités tertiaires sont des activités marchandes ou non marchandes.

Lorsque des activités tertiaires cessent, les propriétaires ou les preneurs à bail qui continuent à exercer des activités tertiaires dans le bâtiment restent soumis à l’obligation même si les surfaces cumulées hébergeant des activités tertiaires deviennent inférieures à 1 000 m2. Il en est de même, à la suite d’une telle cessation, des propriétaires ou des preneurs à bail qui exercent une activité tertiaire supplémentaire dans le bâtiment.

En revanche, ne sont pas soumis à cette obligation les propriétaires et les preneurs à bail :

  • les constructions provisoires ;
  • les lieux de culte ;
  • les bâtiments dans lesquels est exercée une activité opérationnelle à des fins de défense, de sécurité civile ou de sûreté intérieure du territoire.
Comment déterminer les objectifs de réduction des consommations ?

Les bâtiments soumis à l’obligation doivent atteindre, pour chacune des années 2030, 2040 et 2050 :

  • soit un niveau de consommation d’énergie finale réduit, respectivement, de 40 %, 50 % et 60 % par rapport à une consommation énergétique de référence. L’année de référence est 2010 ou une année plus récente. Cette consommation énergétique de référence correspond à la consommation d’énergie finale du bâtiment, constatée pour une année pleine d’exploitation et ajustée en fonction des variations climatiques selon une méthode, qui sera définie par arrêté ;
  • soit un niveau de consommation d’énergie finale fixé en valeur absolue, en fonction de la consommation énergétique des bâtiments nouveaux de leur catégorie. Ce niveau de consommation sera déterminé par arrêté pour chaque échéance sur la base d’indicateurs d’intensité d’usage de référence spécifiques pour chaque catégorie d’activité ajustés en fonction des conditions climatiques de référence. Il prend en considération les consommations énergétiques relatives aux usages réglementés, aux autres usages immobiliers (ascenseurs, asservissement, vidéo de surveillance, etc.), et aux usages spécifiques et de procédés correspondants à une intensité moyenne, en tenant compte d’usages économes en énergie.

En cas de changement de nature d’une activité tertiaire dans un bâtiment, les nouveaux objectifs à prendre en considération sont les suivants :

  • le nouvel objectif de consommation d’énergie finale aux horizons 2030, 2040 et 2050 est établi sur la base du niveau de consommation de référence initial, auquel est appliqué le rapport entre les niveaux de consommation fixés en valeur absolue d’une part pour la nouvelle activité, d’autre part pour l’activité précédente ;
  • le nouvel objectif de consommation d’énergie finale fixé en valeur absolue est celui correspondant à la nouvelle activité.

Les actions de réduction de la consommation d’énergie portent notamment sur :

  • la performance énergétique des bâtiments ;
  • l’installation d’équipements performants et de dispositifs de contrôle et de gestion active de ces équipements ;
  • les modalités d’exploitation des équipements ;
  • l’adaptation des locaux à un usage économe en énergie et le comportement des occupants.

Le changement de type d’énergie utilisée ne doit entraîner aucune dégradation du niveau des émissions de gaz à effet de serre.

Possibilité de moduler les objectifs

Ces objectifs peuvent être modulés en fonction de contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales relatives aux bâtiments concernés. Elles sont mises en œuvre lorsque certaines actions susceptibles de contribuer à l’atteinte de l’objectif :

  • font courir un risque de pathologie du bâti, affectant notamment les structures ou le clos couvert du bâtiment ;
  • entraînent des modifications importantes de l’état des parties extérieures ou des éléments d’architecture et de décoration de la construction, en contradiction avec les règles et prescriptions prévues pour les monuments historiques classés ou inscrits, les sites patrimoniaux remarquables, les sites inscrits ou classés, les constructions mentionnées aux dispositions des articles L. 151-18 et L. 151-19 du code de l'urbanisme relatives à l’aspect extérieur des constructions et les conditions d’alignement sur la voirie et de distance minimale par rapport à la limite séparative et l’aménagement de leurs abords, les bâtiments ayant le label « Architecture contemporaine remarquable ».
  • ne sont pas conformes à toutes autres servitudes relatives notamment au droit des sols, au droit de propriété, à la sécurité des biens et des personnes ou à l’aspect des façades et à leur implantation.

Les conditions de cette modulation seront précisées par arrêté.

La modulation des objectifs est permise en cas de changement du volume de l’activité. Elle est mise en œuvre à partir des indicateurs d’intensité d’usage de référence spécifiques à chaque catégorie d’activités, dans les conditions fixées par arrêté.

Enfin, les objectifs peuvent être modulés en raison des coûts manifestement disproportionnés des actions nécessaires par rapport aux avantages attendus. Cette modulation est mise en œuvre sur la base d’une argumentation technique et financière. Un arrêté déterminera, selon la nature des actions envisagées, les durées de retour sur investissement au-delà desquelles les coûts de ces actions, déduction faite des aides financières perçues, sont disproportionnés.

Les temps de retour brut sur investissement devraient s’appuyer sur les propositions figurant dans le guide de l’Ademe, du Cerema et du CSTB de novembre 2017 : "Premiers résultats de l’observatoire des contrats de performance énergétique".

Un dossier technique est établi par une personne qualifiée sous la responsabilité du propriétaire ou du preneur à bail, pour justifier, en fonction de leurs responsabilités respectives, ces modulations, sauf si elle ne porte que sur le volume de l’activité exercée. Un arrêté précisera le contenu de ce dossier et les modalités de son établissement.

Déclaration des consommations d’énergie sur une plateforme informatique

Une plateforme numérique est mise en place par l’État ou, sous son contrôle, par un opérateur désigné par arrêté. Les modalités de droits d’accès à la plateforme numérique, de transmission des données, d’exploitation, de capitalisation et de restitution de leur exploitation sont également prévues par arrêté.

Pour chaque bâtiment soumis à l’obligation de réduction de la consommation d’énergie finale, le propriétaire ou le preneur à bail doivent déclarer sur la plateforme :

  • les activités tertiaires exercées ;
  • la surface des bâtiments soumis à l’obligation ;
  • les consommations annuelles d’énergie par type d’énergie ;
  • le cas échéant : l’année de référence et les consommations de référence associées ; les indicateurs d’intensité d’usage relatifs aux activités hébergées, permettant de déterminer l’objectif de consommation d’énergie finale ; les modulations ; la comptabilisation des consommations d’énergie finale liées à la recharge des véhicules électriques ou hybrides rechargeables.

À partir de 2021, les données relatives à l’année précédente sont transmises chaque année, au plus tard le 30 septembre. Ces données sont rendues anonymes et leur exploitation ainsi que leur publication respectent le secret des affaires.

La déclaration annuelle des consommations d’énergie sur la plateforme numérique est réalisée par le propriétaire ou par le preneur à bail, selon leur responsabilité respective en fonction des dispositions contractuelles régissant leurs relations. Toutefois, ils peuvent déléguer la transmission de leurs consommations d’énergie à un prestataire ou, sous réserve de leur capacité technique, aux gestionnaires de réseau de distribution d’énergie. Le preneur à bail peut déléguer cette transmission de données au propriétaire.

Les propriétaires et les preneurs à bail se communiquent mutuellement les consommations annuelles énergétiques réelles de l’ensemble des équipements et des systèmes dont ils assurent respectivement l’exploitation.

Dans le cas où une activité tertiaire au sein du bâtiment, de la partie de bâtiment ou de l’ensemble de bâtiments soumis à l’obligation cesse, la consommation de référence est conservée sur la plateforme numérique jusqu’à la reprise éventuelle d’une activité tertiaire.

Évaluation de l’atteinte des objectifs à chacune des échéances

À chacune des échéances (au plus tard les 31 décembre 2031, 2041 et 2051), le gestionnaire de la plateforme numérique vérifie que les objectifs fixés ont été atteints. Pour cela, le dossier technique, qui permet de justifier la modulation de l’objectif, est tenu à la disposition des agents chargés des contrôles.

Les assujettis peuvent mutualiser les résultats à l’échelle de tout ou partie de leur patrimoine soumis à l’obligation dans des conditions prévues par un arrêté.

L’évaluation du respect de l’obligation est annexée, à titre d’information à la promesse ou au compromis de vente et, à défaut, à l’acte authentique de vente ou au contrat de bail. Cette évaluation est réalisée sur la base de la dernière attestation numérique annuelle.

Le suivi des consommations d’énergie est publié et affiché

Les consommations d’énergie finale et les objectifs de consommation sont publiés sur la base de l’attestation numérique annuelle générée par la plateforme numérique. Cette publication est complétée par une évaluation de l’émission de gaz à effet de serre correspondant aux données de consommation d’énergie, exprimée en kg de CO2équivalent par mètre carré.

La publication est réalisée par voie d’affichage, à un endroit visible et facilement accessible. Tout autre moyen pertinent au regard de l’activité tertiaire, des personnels et éventuellement du public concernés, permettant un accès aisé à l’information peut aussi être utilisé.

Sanctions administratives applicables en cas de non-respect des obligations

Des sanctions administratives sont appliquées :

  • en cas de non-transmission annuelle des informations relatives aux consommations d’énergie sur la plateforme numérique. Le préfet peut mettre en demeure l’assujetti de respecter ses obligations dans un délai de trois mois. En l’absence de transmission de ces informations dans le délai prévu, il est procédé à la publication, sur un site internet des services de l’État, du document retraçant les mises en demeure restées sans effet ;
  • en cas de non-respect du programme d’actions approuvé par le préfet. Le préfet peut engager une procédure contradictoire à l’issue de laquelle un constat de carence peut être établi. La carence de l’assujetti est prononcée par arrêté du préfet qui prévoit sa publication sur un site internet des services de l’État. Sur ce fondement, le préfet peut prononcer une amende administrative au plus égale à 1 500 euros pour les personnes physiques et 7 500 euros pour les personnes morales, proportionnée à la gravité des manquements constatés.

En cas de non-respect des objectifs, le préfet peut mettre en demeure les assujettis d’établir un programme d’actions respectant leurs obligations et de s’engager à le respecter. Ce programme d’actions, établi conjointement par le propriétaire ou les preneurs à bail, mentionne les actions dont chacune des parties est responsable et comprend un échéancier prévisionnel de réalisation et un plan de financement. Il est soumis au préfet pour approbation. A défaut de transmission du programme d’actions dans un délai de six mois après sa première mise en demeure, le préfet peut mettre en demeure individuellement le propriétaire ou le preneur à bail d’établir chacun leur programme d’actions, en conformité avec leurs obligations respectives, dans un délai de trois mois. Si le programme d’actions n’est pas transmis dans le délai prévu, il est procédé à une publication sur un site internet des services de l’État du document retraçant les mises en demeure restées sans effet. Chaque programme d’actions est soumis au préfet pour approbation.

En l’absence, non justifiée, de dépôt d’un programme d’actions auprès du préfet à la suite de cette seconde mise en demeure, celui-ci peut prononcer une amende administrative au plus égale à 1 500 euros pour les personnes physiques et à 7 500 euros pour les personnes morales. L’amende administrative est recouvrée comme en matière de créances étrangères à l’impôt et au domaine.

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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