Le Tribunal de l'Union européenne (« TUE ») a récemment annulé la marque « BIG MAC » pour les « aliments à base de volaille » et les « sandwiches au poulet », les preuves versées par McDonald's ne démontrant pas un usage sérieux pour ces produits. Dans cette chronique, Laure Cardinet, avocate IP/IT chez Herbert Smith Freehills Paris décrypte cette décision.
Si cette décision peut paraitre quelque peu surprenante au regard de la renommée de BIG MAC, le Tribunal a néanmoins fait une application assez classique des règles d'appréciation des preuves de l'usage sérieux d'une marque.
En 2017, la chaine de restauration rapide irlandaise Supermac's a introduit devant l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (« EUIPO ») une action en déchéance de la marque verbale de l'Union Européenne « BIG MAC » détenue par McDonald's depuis 1996. L'Office européen a d'abord annulé la marque dans son intégralité en 2019. Puis, le 14 décembre 2022, la division d'annulation de l'EUIPO, saisie par McDonald's, a partiellement réformé la décision de 2019 en laissant cette fois enregistrer la marque pour certains produits et services, notamment les « aliments à base de viande et de volaille, sandwiches à la viande, sandwiches au poulet ». Supermac's a ensuite introduit un dernier recours devant le TUE pour faire annuler la marque pour la majorité des produits restants.
Dans son arrêt du 5 juin 2024, estimant que McDonald's n'avait pas réussi à démontrer un usage sérieux pour les « sandwiches au poulet », les « aliments à base de volaille » et les « services fournis ou liés à l'exploitation de restaurants et d’autres établissements ou infrastructures de restauration pour la consommation et le “drive-in” ; préparation de plats à emporter », le TUE a annulé la marque BIG MAC pour ces produits et services.
Gestion d'entreprise
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Conformément à l'article 58 du Règlement (UE) 2017/1000, dans le cadre d'une action en déchéance, une marque européenne enregistrée depuis plus de cinq ans court le risque d'être annulée pour chacun des produits et services pour lesquels son titulaire ne démontre pas avoir effectué un usage sérieux durant les cinq dernières années.
Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée et non à titre symbolique ou exceptionnel.
Pour apprécier le caractère sérieux de l'usage, les offices et tribunaux tiennent compte de l’ensemble des faits et circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de la marque dans la vie des affaires, en particulier l'importance, la durée, la fréquence et l'étendue géographique de cet usage ou encore le volume de vente des produits marqués. Ces facteurs sont interdépendants : par exemple, un usage intensif et étendu sur le territoire de l'Union européenne peut être considéré comme sérieux même s'il a été effectué sur une durée relativement courte.
Les pièces justificatives prises en en compte sont souvent des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des factures, des catalogues, des photographies ou encore des publicités.
En l'espèce, les preuves versées par McDonald’s n'ont fourni aucune indication sur l’importance de l’usage de la marque pour les produits à base de volaille, notamment en ce qui concerne le volume des ventes, la durée de la période pendant laquelle les actes d’usage ont été accomplis et leur fréquence :
- McDonald's n'a versé que des impressions d'affiches publicitaires et des captures d'écran d'une publicité télévisée et de son compte Facebook,
- Les publicités versées semblaient être des projets (la mention "confidentielle" étant reproduite) et il n'était pas possible d'établir avec certitude et fiabilité la durée de leur éventuelle diffusion, des dates ayant été ajoutées manuscritement,
- Les chiffres de vente relatifs au BIG MAC au poulet n'ont pas été connus car les chiffres fournis n'étaient pas ventilés en fonction des types de produits.
Le titulaire doit fournir des preuves attestant d’un usage de la marque pour les produits et services précisément visés au dépôt. Dès lors, les preuves concernant des produits et services similaires mais non identiques sont écartées.
En l'espèce, le TUE a considéré que les preuves d'usage pour des sandwiches à la viande de bœuf ne peuvent pas établir un usage sérieux pour des sandwiches à la viande de poulet.
De même, les preuves d'usage pour un produit ne peuvent en principe servir à démontrer l'usage pour un service. Le TUE a donc considéré à juste titre que des preuves d'usage pour un produit (en l'espèce le sandwich BIG MAC) n'étaient pas de nature à établir un usage sérieux pour des services.
En revanche, l'usage sérieux d'une catégorie générale de produits peut être établi en versant des preuves d'usage de plusieurs sous-catégories. En ce sens, le TUE a confirmé la position de la division d'annulation selon laquelle les preuves d'usage relatives aux « sandwiches à la viande » et aux « sandwiches au poulet » pouvaient être prises en compte pour établir l'usage sérieux de la catégorie « légèrement plus large » des « sandwiches comestibles ».
Les conséquences de cet arrêt restent en pratique limitées. En effet, la déchéance de la marque pour les produits à base de volaille ne restreint pas la protection de la marque BIG MAC, puisque celle-ci s'étend à tous les produits et services similaires à ceux visés à l'enregistrement. Or, la marque BIG MAC reste valide et enregistrée pour les « aliments à base de viande, sandwiches à la viande et sandwiches comestibles » qui devraient être considérés comme similaires aux produits annulés.
Par ailleurs, McDonald's pourrait invoquer l'atteinte à la renommée de sa marque BIG MAC.
Enfin, McDonald's a déposé en 2017 une seconde marque verbale de l'Union européenne BIG MAC visant notamment les produits annulés par la décision commentée. Cette seconde marque confère donc des droits à McDonald's sur les produits et services pour lesquels la première marque de 1996 a été annulée. Même si un tiers tente de faire annuler la nouvelle marque pour non-usage, McDonald's aura l'opportunité de fournir un nouveau dossier de preuves d'usage plus complet qui lui permettra peut-être d'échapper à la déchéance.
- Les marques de renommée peuvent être déchues, les règles d'appréciation de l'usage sérieux leur étant appliquées de la même manière que pour les marques sans renommée.
- Afin de limiter le risque de déchéance d'une marque enregistrée, y compris de renommée, son titulaire doit conserver des preuves d'usage datées, fiables et précises pour chaque produit et service visé dans le libellé de ladite marque, et ce au fur et à mesure de son exploitation.
- Il convient de réunir des preuves d'usage pour des produits et services identiques à ceux couverts par la marque enregistrée.
- Les produits et services visés au dépôt de la marque doivent en principe correspondre aux produits et services précis pour lesquels le titulaire entend exploiter sa marque dans les cinq années après son enregistrement.
- Il peut néanmoins être utile d'ajouter des catégories de produits et services plus larges pour étendre la protection attachée à la marque (par exemple, les deux marques BIG MAC en vigueur visent les « sandwiches comestibles » dans lesquels sont notamment inclus les sandwiches à base de viande bœuf et… de volaille).
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