Prévention désinsertion professionnelle : des plateformes bientôt opérationnelles dans 14 départements

Prévention désinsertion professionnelle : des plateformes bientôt opérationnelles dans 14 départements

08.06.2021

HSE

Après des travaux préparatoires sur quelques territoires, l'assurance maladie va officiellement lancer dans quelques jours des plateformes PDP dans plusieurs départements. Du repérage précoce des dossiers à risque à l'accompagnement gradué des assurés, avec les services de santé au travail, des acteurs précurseurs du Nord expliquent le dispositif.

Lorsqu'il voit passer un dossier d'assuré en arrêt de travail depuis plusieurs semaines, avec, par exemple, une IRM du rachis et un enchaînement de soins d'orthopédie, Olivier Bernard sait que le risque est grand que cette personne se retrouve, quelques mois plus tard, en situation de désinsertion professionnelle. Pour ce médecin conseil, basé à l'antenne locale Lille-Douai du service médical de l'assurance maladie, les voyants sont au rouge : il enclenche le dispositif pré-expérimental de PDP (prévention de la désinsertion professionnelle), testé depuis quelques mois sur son territoire, explique-t-il lors d'un événement organisé le 21 mai 2021 par l'ISTNF (institut de santé au travail du Nord de la France). En 2018, l'Igas (inspection générale des affaires sociales) a estimé que 5 à 10 % des salariés sont menacés par un risque de désinsertion professionnelle à court ou moyen terme.

Dans le Nord, la plateforme PDP départementale pilotée par l'assurance maladie, fonctionne pour l'instant sous couvert de "travaux préparatoires" avec une "approche qualitative", nous précise la Cnam. Fin juin, elle y sera officiellement déployée, en phase expérimentale. 14 départements auront alors leur plateforme PDP : le Val-de-Marne et le Jura (sites pilotes "pour tester les modes opératoires et outils", depuis mars dernier), mais aussi les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, l'Essonne, les Hauts-de-Seine, le Nord, Paris, la Seine-et-Marne, la Seine-Saint-Denis, le Val d’Oise, les Yvelines, le Morbihan, et le Puy-de-Dôme.

D'ampleur modeste

En janvier 2020, avec quelques services de santé au travail volontaires, sur une poignée de territoires, l'assurance maladie a débuté "une expérimentation d'une ampleur qu'on voulait très volontairement modeste, explique Anne Thiebeault, directrice de la branche risques professionnels à la Cnam lors de son audition au Sénat le 26 mai, […] et appliquant les dernières recommandations de la HAS". Huit services de santé au travail ont participé à ces "travaux préparatoires". Dans le Nord donc, mais aussi en Île-de-France, dans les Alpes-Maritimes et les Bouches-du-Rhône. 130 assurés ont été inclus, selon les chiffres donnés par Anne Thiebeault.

Pour quels résultats ? 22 parcours sont "clôturés" : 20 travailleurs ont repris le travail, dont 14 avec un aménagement de poste, et 2 ont été déclarés inaptes. 47 personnes sont encore "en cours de remobilisation, sans décision définitive (retour ou non, poste de travail identique ou avec aménagement, reconversion vers autre entreprise)". Une partie des assurés sont restés injoignables, d'autres n'ont pas souhaité rentrer dans l'accompagnement. Et pour certains, "la situation globale dépassait la problématique du lien au travail, avec donc une prise en charge un peu plus lourde par les services sociaux".

Visite très anticipée durant l'arrêt de travail avec le médecin du travail, prise de contact précoce avec les assurés, travail de détection par le service médical de l'assurance maladie des arrêts de travail qui présentent des critères de risque de désinsertion : tels sont les piliers du dispositif testé.

 

► Lire aussi :

Prévention de la désinsertion professionnelle : qu’est-ce qui coince en France ?

 
Démarrage

La première étape est de détecter les arrêts de travail à risque, en prêtant donc attention, notamment, à certaines pathologies (dépression, soins d'orthopédie, traumatologie…) ou certains examens (IRM rachis). "Nous essayons de cibler ceux qui sont en arrêt depuis moins de 6 mois, car on a vu l'importance des signalements précoces", expose Olivier Bernard. L'alerte peut aussi provenir des médecins traitants, du service social de l'assurance maladie, "et pourquoi pas d'un signalement du médecin du travail".

Ensuite, le Csam entre en jeu. Ce conseiller services de l'assurance maladie, va faire le lien entre les intervenants, tout au long du dispositif, sous l'autorité du médecin conseil. "Nous vérifions d'abord avec la CPAM qu'il n'y a pas de complexité administrative, précise Catherine Cauliez, sous-directrice du service social de la Carsat des Hauts-de-France. Si la personne ne perçoit pas ses indemnités journalières, ça commence mal…". Le Csam propose ensuite l'accompagnement à l'assuré, en confirme la pertinence, et recueille son consentement, pour un an. L'assuré "doit rester acteur de son parcours de retour en emploi, c'est principe indéniable", souligne Catherine Cauliez. Une feuille de route, sorte de mémo avec toutes les étapes, lui est remis.

Dès ce premier entretien, "on insiste sur la nécessité de réaliser une visite de pré-reprise, relate Olivier Bernard. Le Csam dédramatise cette visite, expliquant bien que ce n'est pas une visite de reprise, et insistant pour que l'assuré se présente au service de santé au travail avec l'ensemble des éléments médicaux, pour faciliter le rôle du médecin du travail. Il évoque le rôle du médecin du travail, qui connaît bien le poste et les risques professionnels associés, et explique que c'est la personne ressource pour dialoguer avec l'employeur".

Diagnostic

Un pré-diagnostic médico-social est fait. Le médecin traitant et le service de santé au travail sont prévenus. "Nous sollicitons l'expertise du service de santé au travail", indique le médecin conseil, notamment pour avoir des informations sur l'environnement du travail du salarié, mais surtout pour organiser – si possible très rapidement, sous 2 semaines – un rendez-vous avec le salarié.

Le médecin du travail établira le diagnostic médico-professionnel, qu'il envoie au service médical de l'assurance maladie. Il peut préconiser, de façon assez classique, une réduction du temps de travail, une adaptation du travail, une formation ou une réorientation. Il peut aussi mettre en œuvre "un contrat de rééducation professionnelle en entreprise ou de remobilisation précoce", souligne Olivier Bernard, voire passer par une RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé), afin de mobiliser des dispositifs d'accompagnement – et de financement – spécifiques. "Parfois, le diagnostic nous remonte avec une demande d'invalidité, qui sera évidemment étudiée", ajoute-il.

 

► Lire aussi :

Maintien en emploi : la durée maximale de l'essai encadré est allongée

 
Parcours gradué

La Cnam insiste sur le fait que l'accompagnement PDP est un "parcours assuré sécurisé de bout en bout, adapté à chaque situation, proposant une offre de services […] graduée". L'idée est s'adapter à l'urgence, la gravité et la complexité de chaque cas. Olivier Bernard explique que cela peut aller d'une approche collective, via de la prévention primaire, à une intervention individuelle "plus lourde, via un accompagnement médico-social et une prise en charge du handicap". Entre ces deux paliers, la plateforme PDP peut intervenir individuellement en prévention secondaire (adaptation du poste anticipée) ou tertiaire (adaptation du poste, formation pour un autre poste, etc).

Le plan d'accompagnement est décidé conjointement par l'assurance maladie et le service de santé au travail. Chaque étape est décrite, avec les actions à mettre en œuvre par chaque personne intervenant dans la prise en charge, ainsi que par l'assuré. Avec en ligne de mire, comme le rappelle Catherine Cauliez : réduire le risque de "chronicisation de situations complexes et douloureuses" grâce à des plateformes PDP qui "fonctionnent comme des intégrateurs de compétences".

 

Calendrier

Depuis janvier 2020 : travaux préparatoires dans 5 départements : Île-de-France, Nord, Alpes-Maritimes et les Bouches-du-Rhône.

Mars-mai 2021 : déploiement sur 2 sites pilotes pour tester les modes opératoires et outils : Val-de-Marne et Jura.

Juin 2021 : phase de déploiement sur 12 territoires supplémentaires : Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Essonne, Hauts-de-Seine, Nord, Paris, Seine-et-Marne, Seine-Saint-Denis, Val d’Oise, Yvelines, Morbihan, Puy-de-Dôme

2022 : évaluation, avec le lancement sur 11 nouveaux territoires

2023 : évaluation pour une généralisation potentielle au 2e trimestre

 

Enfin !

La nécessité d'organiser de telles plateformes n'est pas une idée nouvelle.

"Développer les dispositifs d’accompagnement des assurés en matière de PDP et de maintien en emploi" faisait partie des priorités de la COG (convention d'objectifs et de gestion) négociée en 2018.

Fin 2019, le gouvernement a voulu intégrer au PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale) 2020 la création de "plateformes départementales pluridisciplinaires placées auprès des CPAM"  pour "coordonn[er] l’intervention des différents services de l’assurance maladie sur le territoire et des services de santé au travail", en associant si besoin "d’autres acteurs intervenant dans le domaine de la PDP". Et en permettant de déroger à l'article L. 422-6 du code de la sécurité sociale qui interdit aux services de santé au travail et à l'assurance maladie d'échanger des informations personnelles sur les salariés.

Las, l'article, supprimé par le Sénat mais remis par les députés dans le texte final, n'avait finalement pas passé les fourches caudines du Conseil constitutionnel.

 

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

Découvrir tous les contenus liés
Élodie Touret
Vous aimerez aussi