PSE et redressement judiciaire : le recours à un expert justifie deux réunions du CSE

18.06.2021

Gestion d'entreprise

Même si, en cas de redressement et de liquidation judiciaire, une seule réunion du comité est en principe prévue, le recours à un expert pour éclairer le comité sur le PSE, justifie qu’il soit réuni une seconde fois. A défaut de remise du rapport par l’expert, la procédure est régulière si l’expert a disposé d’un "délai suffisant" pour réaliser sa mission.

Dans quelles conditions le CSE d'une société placée en redressement judiciaire et faisant l'objet d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) peut-il recourir à l'assistance d'un expert-comptable ? Voici comment le rapporteur général résume la problématique posée au Conseil d'État dans cet arrêt.

En effet, lorsque l'administrateur judiciaire prévoit des licenciements pour motif économique dans le plan de redressement, il doit, avant de soumettre son plan au tribunal de commerce, informer et consulter les représentants du personnel. Mais une seule réunion est prévue, quel que soit le nombre de salariés concernés par le licenciement, afin de répondre à l'urgence de la situation (C. com., art. L. 631-19 et C. trav., art. L. 1233-58). Le CSE n'est pas privé du droit à expertise en cas de PSE, aussi comment concilier cette unique réunion avec la remise et l'examen du rapport de l'expert ? La décision concerne un comité d'entreprise mais est pleinement transposable au CSE, les règles étant inchangées.

PSE dans une entreprise en redressement judiciaire

Dans cette affaire, une entreprise est placée en redressement judiciaire. L'administrateur judiciaire engage une procédure de licenciement collectif concernant 49 salariés. Dans ce cadre, le comité d'entreprise vote le recours à un expert lors de la réunion du 22 février 2018. Lors de la réunion du 19 mars 2018, le comité rend ses deux avis, d'une part sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le PSE.

Par décision du 20 mars 2018, le document unilatéral fixant le contenu du PSE est homologué par le Dieccte de la Guadeloupe (Direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi).

Le CSE et la CGT demandent au tribunal administratif l'annulation pour excès de pouvoir cette décision d'homologation, au motif que le comité n'a pas été mis à même d'émettre régulièrement ses avis. La demande est rejetée par le tribunal, mais la cour administrative d'appel donne raison aux représentants du personnel.

Deux réunions du CSE en cas de recours à un expert

Après avoir listé les dispositions applicables en matière de consultation et droit à expertise du comité en matière de licenciement économique collectif dans une entreprise placée redressement judiciaire, le Conseil d'État, pour la première fois à notre connaissance, fixe les règles applicables dans ce cas particulier.

Ainsi, lorsque le comité d'entreprise a décidé de recourir à l'assistance d'un expert, « il appartient à l'administration de s'assurer que l'expert a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au comité d'entreprise de disposer de tous les éléments utiles pour formuler ses deux avis en toute connaissance de cause. En particulier, même si, en cas de redressement et de liquidation judiciaires, une seule réunion du comité d'entreprise est en principe prévue par l'article L. 1233-58, le recours à un expert, destiné à éclairer le comité d'entreprise, justifie qu'il soit réuni une seconde fois afin de ne pas priver d'effet le recours à l'expertise. »

En d'autres termes, en cas de recours à un expert dans le cadre d'une procédure de licenciement économique collectif, le comité de l'entreprise en redressement doit être réuni deux fois, et l'administration est chargée de le vérifier avant d'octroyer le sésame de l'homologation du PSE.

Délais suffisants laissés à l'expert pour rendre son rapport

Le Conseil d'État est encore plus précis. Il explique qu'il appartient à l'administration « de s'assurer que les deux avis du comité d'entreprise ont été recueillis après que ce dernier a été mis à même de prendre connaissance des analyses de l'expert ».  

Mais attention, l'expert ne dispose pas des délais résultant des dispositions prévues aux articles L. 1233-30, II et L. 1233-35 du code du travail pour rendre son rapport. En effet, il résulte des 3° et 4° du I de l'article L. 1233-58 que ces dispositions ne sont pas applicables aux entreprises placées en redressement ou en liquidation judiciaires. Le rôle du juge administratif est alors de vérifier que « l'expert avait disposé, eu égard notamment aux délais propres à la procédure ouverte par le tribunal de commerce et aux diligences de l'employeur, d'un délai suffisant pour exercer sa mission dans des conditions permettant au comité d'entreprise de formuler ses avis en connaissance de cause. » 

Il est ensuite tranché que les 25 jours laissés à l'expert dans cette affaire étaient un « délai suffisant » dans les circonstances, eu égard notamment à la procédure de redressement judiciaire en cours.

Le Conseil d'État permet ainsi de concilier loyauté et effectivité du droit à consultation des représentants du personnel et règles spécifiques aux entreprises en redressement judiciaire dans le cadre d'une procédure de licenciement économique collectif.

Séverine BAUDOUIN

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