Rédaction des procès-verbaux de CSE : l'IA n'est pas encore prête

Rédaction des procès-verbaux de CSE : l'IA n'est pas encore prête

08.09.2024

Représentants du personnel

Malgré ses vertus vantées par les start-ups spécialisées en nouvelles technologies, l'intelligence artificielle (IA) présente encore de nombreuses limites. Elle reste pour l'instant inadaptée à la rédaction des procès-verbaux de CSE, notamment faute de parvenir à distinguer les voix des différents intervenants. Résultat : un compte rendu de réunion illisible.

L'IA apportera-t-elle un jour sur un plateau une solution rapide et économique pour rédiger les PV de CSE ? Sans doute si l'on en juge par son développement ces derniers mois. Mais pour l'instant, les entreprises prestataires font un constat unanime : l'IA n'est pas prête et pour plusieurs raisons. Certaines travaillent cependant sur des projets qui pourraient aboutir à l'horizon 2025.

L'IA ne sait pas distinguer les intervenants

Une réunion de grand CSE ou d'un CSE central peut regrouper de nombreux interlocuteurs, sans parler des experts ou autres invités éventuellement présents. Du fait de l'incapacité de l'intelligence artificielle à distinguer les intervenants, à reconnaître leur voix et à gérer les relais de paroles, les sociétés qui proposent de rédiger les PV de CSE ne l'utilisent pas. "On n'en est pas encore là, c'est prématuré. Non seulement l'IA ne comprend pas ce que les locuteurs veulent exprimer, mais en plus elle ne distingue pas qui parle quand", nous explique Claude Crispino, fondateur de Verba Conseil. L'autoentrepreneur se garde donc bien d'utiliser l'IA dans ses retranscriptions de réunions.

On partage le même constat chez AB Report. Selon Nathalie Vauclin, directrice commerciale, "l'IA n'est pas au point pour retranscrire les réunions de CSE pour plusieurs raisons dont entre autres : de mauvais termes sont retranscrits, il y a un problème d’identification des interlocuteurs et aucune mise en page. La qualité est très variable en fonction de la bande audio. En utilisant l’IA, il faudrait énormément de travail humain pour fournir au CSE un PV en bonne et due forme et correctement retranscrit ".

Emmanuel Kergosien, fondateur de Transcriptus, qui gère environ 1 500 procès-verbaux de CSE par an, s'en tient pour l'instant à la reconnaissance vocale, une technologie plus ancienne que l'IA mais qui fonctionne très bien sur un discours simple et bien articulé, et ce, beaucoup plus vite qu'un humain. "Pour l'instant, l'IA ne sait faire qu'un PV sans couper, d'un seul bloc, pas gérable derrière pour les élus de CSE. En revanche, elle peut fournir des résumés des thèmes abordés : elle pourra dire si la réunion a évoqué les activités sociales et culturelles, les budgets, les conditions de travail ou les horaires grâce à la récurrence des mots-clés".

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Une épineuse question de confidentialité

Autres écueils selon Emmanuel Kergosien : "L'IA n'est pas capable de reconnaître son ignorance ni ses erreurs". De ce fait, ses clients sont souvent attirés par des tests d'un système d'IA mais constatent rapidement qu'elle n'est pas encore au niveau. Le fondateur de Transcriptus distingue une autre difficulté : la confidentialité des données : "Une IA a besoin d'être entraînée, d'apprendre sur la base d'une multitude de données. Il faut donc la nourrir avec les informations des clients et de ce fait, les CSE ne savent pas nécessairement ce qui sera fait de ces données par le prestataire. Des informations peuvent donc être divulguées, même par erreur. Cela pose un problème de confidentialité, de transparence et de sécurité pour les CSE autant que leurs employeurs". Nul doute que les futurs contrats de prestations de services devront s'enrichir de clauses de confidentialité le jour où l'IA atteindra un meilleur niveau de performance.

L'IA reste un projet de moyen terme

"Même si les solutions actuelles ne sont pas au point pour l’instant, les évolutions vont vite", nous confie toutefois Nathalie Vauclin, directrice commerciale d'AB Report.

Nul doute en effet que le développement fulgurant de l'IA n'aboutisse à l'horizon de quelques mois sur des solutions plus adaptées pour les CSE et ce chez l'ensemble des prestataires. Selon la chercheuse au Cnam Nathalie Greenan, qui travaille sur le développement de l'intelligence artificielle, "il est très complexe de suivre les évolutions de l'IA, d'autant qu'elles sont enchâssées dans des objets, on l'utilise donc parfois sans le savoir. Pour l'instant, on reste sur le modèle américain selon lequel la technologie se focalise sur ce qui est automatisé et le reste est réalisé par les humains". Difficile donc de savoir aujourd'hui quels seront les apports de l'IA pour les CSE d'ici quelques années… ou quelques mois.

Par ailleurs, la prise en main de la rédaction du PV, qui ressemble à une corvée pour les élus, pourrait faire baisser les tarifs selon Emmanuel Kergosien : "Une machine on peut l'amortir, pas un salarié. L'automatisation pourrait donc à terme réduire les coûts mais aujourd'hui elle est plus perçue comme un vecteur de rapidité que de qualité". Pour l'instant, ses clients perçoivent encore "un outil magique" mais leur intérêt pour la sécurité informatique monte peu à peu : "Ils me demandent par exemple où se situent mes serveurs". Les élus de CSE ont donc encore de temps de se familiariser avec l'intelligence artificielle.

Marie-Aude Grimont
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