En quoi consiste le métier de DRH aux Etats-Unis ? Quels points communs et quelles différences avec la fonction française ? Régis Mulot, DRH monde de Staples (distribution de fournitures de bureau) de nationalité française, en poste à Boston depuis 2012, décrypte sa feuille de route. Parmi les priorités, la fidélisation des salariés et l’incontournable gestion des "benefits".
La nouvelle année prend une tournure très positive pour les salariés de Staples, le groupe de distribution de fourniture de bureau, implanté à Boston (Massachusetts). Les 50 000 salariés américains (76 000 au total dans le monde) n’auront plus à se soucier de leur employabilité. Ils peuvent désormais être chassés directement… par leur propre entreprise. Tout collaborateur peut recevoir à tout moment un appel d’un recruteur interne pour lui proposer un nouveau job au sein d’une autre division de l’entreprise. Objectif ? Prendre les devants avant que ce dernier ne reçoive une proposition d’une société concurrente. A l’origine de cette initiative : Régis Mulot, DRH monde de Staples, de nationalité française. L’homme a fait ses premières armes chez Chronopost à Paris avant de rejoindre Gtech (solutions informatiques) et Levi’s en Belgique puis Staples à Amsterdam. C’est en 2012 qu’il arrive à Boston, à la tête de la DRH monde.
Depuis, il vit une situation que tous les DRH français pourraient lui envier : le plein emploi. Le taux de chômage de l’Etat des Massachusetts est de 2,8% et l’économie ne cesse de créer de nouvelles start-up, profitant du dynamisme des têtes chercheuses de Harvard et du MIT (Massachusetts Institute of Technology ).
Mais ce boom économique a aussi son revers : "il faut sans cesse innover pour faire venir ou pour retenir les meilleurs", assure Régis Mulot. Car, après 18 mois d’ancienneté au même poste, la motivation s’estompe. Parallèlement, la jeune génération s’impatiente. Les salariés avouent, sans détour, apprécier "de changer de métier" tout en construisant un "parcours professionnel cohérent". Des aspirations gravées noir sur blanc dans les baromètres d’engagement scrutés de près par la DRH. D’où la tendance à actionner le levier de la mobilité interne.
Mais il ne s’agit pas du seul outil de fidélisation. Face aux salariés volatils, Staples a décidé d’encourager le télétravail, les horaires flexibles, l’ouverture de bureaux satellites dans la Silicon Valley, à Seattle, Vancouver, Montréal et Cambridge. Le quatrième acteur du e-commerce américain (derrière Amazon, Apple et Walmart.com) rembourse également les prêts étudiants des collaborateurs et finance, via sa fondation, de nombreuses associations caritatives dans lesquelles les collaborateurs sont impliqués bénévolement.
Surtout, l’entreprise, qui a collaboré avec les autorités publiques (ville de Boston, Etat du Massachusetts et administration de la Maison Blanche) se veut irréprochable en matière d’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Elle a même devancé sur ce sujet la loi du Massachusetts qui entrera en vigueur en 2018, en interdisant, depuis septembre dernier, "de demander à un candidat son salaire actuel pendant les entretiens d’embauche". L’idée étant "de proposer une rémunération juste par rapport aux postes et non aux salaires antérieurs". Selon le Bureau du recensement des Etats-Unis, les Américaines gagnent en moyenne 21 % de moins que leurs homologues masculins, rapporte le New-York Times, cité par Les Echos.
Le recrutement et la fidélisation ne sont pas pour autant les seuls dossiers prioritaires du DRH. Car au quotidien, Régis Mulot consacre une large partie de son agenda à la gestion des "benefits" ou avantages sociaux. C’est l’une des spécificités américaines. Un in-con-tour-na-ble. À charge pour lui de gérer le système de retraite par capitalisation de l’entreprise, un fonds de plus d’un milliard de dollars. Les salariés épargnant pour leur propre retraite, avec un financement complémentaire de l’entreprise, via le plan de retraite 401K, versé à un fonds de pension à cotisations définies. Idem pour la couverture santé gérée par l’entreprise qui bénéficie aux salariés à temps plein.
Autre dossier de taille : l’organisation chaque année, lors de l’assemblée générale en juin, du "say on pay", une obligation qui consiste à demander aux actionnaires de se prononcer ("say") sur le mécanisme de rémunération ("pay") des dirigeants de leur entreprise. Y compris sur les avantages sociaux. Un véritable casse-tête pour le DRH. Le vote des actionnaires, étant souvent influencé par des agences de conseil d’actionnaires (ISS, Glass Lewis…). Un vote "say on pay" peut, en effet, fragiliser les administrateurs et désavouer les dirigeants, en cas de vote défavorable. Tout en provoquant potentiellement un tollé médiatique. Pour éviter toute déconvenue, Régis Mulot et son équipe travaillent "en étroite collaboration avec le comité de rémunération du conseil d’administration de l’entreprise pour définir la stratégie de rémunération et développer un rapport ad hoc qui sera partagé avec les différentes parties prenantes afin de recueillir l’aval des actionnaires".
Dans l’agenda du DRH, les relations avec les représentants syndicaux sont, en revanche, réduites à portion congrue. Seul un entrepôt (sur un total de plus de 1600 magasins, entrepôts et bureaux aux Etats-Unis) est doté d’un syndicat, RWDSU (Retail Wholesale & Department Store Union), affilié à l’AFL-CIO. En effet, "aux Etats-Unis, il n’y a pas d’organisation d’élections des représentants du personnel de façon systématique". "Pour organiser une élection, un syndicat devra collecter la signature d’au moins 30% des salariés de l’unité". En cas d’élection, "un accord d’entreprise est signé avec les représentants syndicaux qui représenteront 100% des salariés de l’unité ; ces derniers n’ayant pas le choix d’adhérer au syndicat". La cotisation est alors obligatoire pour tous. L’accord d’entreprise détermine pour trois ans les horaires de travail, les conditions de rémunération des heures supplémentaires, le nombre de jours de vacances, les avantages sociaux, les procédures disciplinaires, les indemnités de licenciement…
L’absence de représentants des salariés ne laisse pas pour autant le champ libre à l’entreprise qui, outre l’obligation de respecter la réglementation du travail (au niveau fédéral, des états et quelquefois des comtés et des villes), doit se prémunir de la potentielle "class action", ou action de groupe. Une épée de Damoclès qui pèse ici sur tous les DRH américains. Et peut-être bientôt français. Car cette disposition, figurant dans la loi "Justice du XXIème siècle", crée en France une nouvelle voie de recours collectif, mais seulement après échec du processus de dialogue social sur ce thème. La plupart des entreprises américaines, y compris Staples, ont dû faire face à des "class actions" qui peuvent se traduire par le paiement d’indemnités de plusieurs millions de dollars…
Un puissant contre-pouvoir en passe de traverser l’Atlantique !
Son parcours |
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Agé de 50 ans, diplômé d’un DESS entreprises publiques, Régis Mulot a débuté sa carrière au sein du groupe La Poste, chez Chronopost, à Paris de 1989 à 1991, en tant que responsable de développement social (formation, relations sociales) puis en VSNE (VIE avant l’heure) à Bruxelles pour International Post Corporation Technology. Il rejoint ensuite GTECH, spécialisé dans les solutions informatiques, en Belgique, comme responsable des ressources humaines pour l’Europe de l’Ouest puis, promu DRH de cette zone Europe, Moyen-Orient et Afrique, il déménage à Londres. Fin 2000, il intègre une start-up, Broadnet, à Bruxelles, avant de postuler chez Levi’s en tant que directeur rémunérations et services partagés RH pour la zone Europe, Moyen-Orient et Afrique. En 2004, il devient DRH pour la zone. Il entre chez Staples, à Amsterdam, en 2009, en charge des équipes RH en Europe, Asie, Australie et Amérique du Sud. Il a été nommé DRH monde, en 2012. Et déménage à Boston. Il anime aujourd’hui une équipe RH de 476 personnes, soit un ratio de 1 RH pour 160 salariés. Parmi les spécificités de la fonction, la montée de l’analytique, qui permet, via le big data, d’analyser les corrélations entre aspirations des salariés et réalités des situations de travail. A noter également : "la complexité de la réglementation". "Car en dehors des lois fédérales, chaque Etat a sa propre législation". Ainsi, l’Etat du Massachusetts vient de décider "d’une revalorisation des salaires minimum, à 11 dollars de l’heure (soit 10% d’augmentation au 1er janvier 2017), l’un des plus élevé des Etats-Unis, avec la Californie, Washington, ou encore New-York alors que le seuil au niveau fédéral est fixé à 7,25 dollars l’heure". Le DRH reporte directement au CEO, à l’instar du directeur financier, du directeur juridique ou du directeur IT. Régis Mulot est également le fondateur et président du club RH franco-américain de Nouvelle-Angleterre (French American HR forum). Regroupant quelque 35 membres, professionnels RH en poste aux Etats-Unis et Américains travaillant dans des entreprises françaises, il organise des débats chaque mois. Parmi les thèmes, les clauses de non-concurrence, l’inégalité salariale ou encore l’ubérisation du travail… |
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La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
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