Retraite supplémentaire à prestations définies : le sort des retraites "chapeau" est scellé

04.07.2019

Gestion du personnel

La loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, dite loi PACTE, prévoyait la transposition (dans un délai de 6 mois) de la directive européenne du 16 avril 2014 dite directive portabilité retraite. L'ordonnance a été publiée au Journal officiel du 4 juillet. Elle met fin aux régimes de retraite à prestations définies dits "à droits aléatoires" car conditionnant les droits des bénéficiaires à leur présence en entreprise à la date de leur départ à la retraite. Explications.

Contexte

Les régimes de retraite supplémentaire collectifs et obligatoires français sont principalement de deux types :

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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  • à cotisations définies (régime de retraite dit « régime article 83 ») : financé par des cotisations (à la charge exclusive de l’entreprise ou partagées avec le salarié), ce régime permet de convertir l’épargne régulièrement versée pendant la période d’activité en rente viagère au moment du départ à la retraite ;
  • à prestations définies (régime de retraite dit « régime article 39 ») destiné à garantir à une catégorie de salariés (et/ou de mandataires sociaux) un pourcentage convenu de rémunération ou un niveau de retraite prédéterminé : financé généralement exclusivement par l’employeur, ce régime est dit « aléatoire » parce que, jusqu’à présent, le versement de la retraite était généralement subordonné à la présence du bénéficiaire dans l’entreprise lors de son départ à la retraite (l’aléa conditionne le bénéfice d’un régime social spécifique).

Or, ce second type de régime pose problème au niveau européen. En effet, l’idée étant d’accroître la mobilité des travailleurs entre les Etats-membres, la directive 2014/150/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 a réduit les obstacles à cette mobilité créés par les règles d’acquisition et de préservation des droits à pension de retraite complémentaire (dont les régimes de retraite supplémentaires à prestations définies aléatoires font partie). Cette directive européenne n’étant pas d’application directe, il fallait la transposer en droit interne. La loi PACTE a donc autorisé le gouvernement à la transposer par voie d’ordonnance (voir l’article « Loi PACTE : le sort réservé aux régimes de retraite article 39 (retraite chapeau) » du 23 mai 2019).

L’ordonnance n° 2019-697 du 3 juillet 2019 met ainsi un terme aux régimes de retraite supplémentaire à droits aléatoires, encadre le bénéfice des régimes de retraite supplémentaire à droits certains et impose des limites à la constitution de ces nouveaux droits acquis et transférables tout au long de la carrière comme au montant des rentes. Elle règle également le sort des régimes existants.

Les modifications apportées par l’ordonnance concernent tous les régimes de retraite supplémentaire à prestations définies, qu’ils soient gérés par des entreprises d’assurance (ou des fonds de retraite professionnelle supplémentaire régis par le code des assurances), par des mutuelles ou par des institutions de prévoyance, à l’exclusion des régimes de retraite à droits aléatoires existants fermés au plus tard le 20 mai 2014.

Nouvelles règles applicables au régime de retraite supplémentaire à prestations définies institué à compter du 4 juillet 2019
Interdiction d’instaurer un aléa lié au départ de l’entreprise

Un régime de retraite supplémentaire à prestations définies institué à compter du 4 juillet 2019 (date de publication de l’ordonnance) ne peut pas conditionner le versement des droits à rente à la présence du bénéficiaire dans l’entreprise au moment de son départ à la retraite.

En cas de départ de l’entreprise du bénéficiaire avant la liquidation de sa retraite, les droits à retraite supplémentaire lui restent acquis (C. ass., art. L. 143-0, C. mut., art. L. 222-2-1 et CSS, art. L. 932-39-1 nouveaux).

Remarque : les articles L. 222-2-1 du code de la mutualité et L. 932-39-1 du code de la Sécurité sociale renvoient à l’article L. 143-0 du code des assurances.
Conditions autorisées

Si les droits aléatoires sont désormais proscrits, il reste toutefois possible (C. ass., art. L. 143-0 al. 2 à 4) :

  • de conditionner l’adhésion au régime à une durée de présence minimale du bénéficiaire dans l’entreprise ;
  • de soumettre l’acquisition des droits à retraite de ce régime à une condition de durée de cotisations ;

Attention ! La somme de ces deux durées ne peut excéder 3 ans.

  • de soumettre l’acquisition des droits à retraite à une condition d’âge du bénéficiaire, condition d’âge ne pouvant être supérieure à 21 ans : l’adhésion au régime pourrait aussi y être soumise (voir remarque ci-après).

Remarque : l’article L. 143-0 prévoit que cette condition d’âge peut être prévue pour l’acquisition des droits à retraite. Mais le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance précise bien que l’adhésion au régime peut aussi être subordonnée à cette condition d’âge. Une précision qui mériterait une confirmation légale.

Conséquences du départ de l'entreprise sur les droits à retraite

Les rentes d’un régime de retraite supplémentaire à prestations définies « nouvelle formule » peuvent être servies, au plus tôt, à compter de la liquidation de la pension de retraite de base ou à compter de l’âge légal de départ à la retraite (soit 62 ans pour les générations 1955 et suivantes).

Les droits étant désormais certains, le bénéficiaire du régime qui quitte l’entreprise avant d’avoir acquis des droits à la retraite :

  • se voit rembourser la somme des cotisations versées par l’employeur (et, le cas échéant, par lui) ;
  • et voit ses droits définitivement acquis être revalorisés chaque année comme ceux des bénéficiaires qui sont encore dans l’entreprise ou selon un taux de revalorisation des prestations de pension servies.

En outre, l’organisme gestionnaire du régime doit l’informer, annuellement et dès qu’il en fait la demande, sur les conséquences de son départ de l’entreprise :

  • sur les droits qu’il a acquis ;
  • sur la valeur ou sur une évaluation des droits ;
  • sur les conditions d’acquisition, d’utilisation et de traitement futur des droits.

Une fois par an maximum, le bénéficiaire qui a quitté l’entreprise (ou, s’il est décédé, ses ayants-droit) peut demander à l’organisme gestionnaire de lui communiquer :

  • le montant des droits qu’il a acquis ou une évaluation des droits effectuée au maximum sur 12 mois avant la date de la demande ;
  • des informations sur les conditions d’utilisation et de traitement futur des droits.
Régime social : création d'une contribution sociale spécifique conditionnée

Les sommes versées par l’entreprise pour financer les régimes de retraite supplémentaires à prestations définies « nouvelle formule » sont expressément exclues de l’assiette des cotisations sociales, de la CSG et de la CRDS (CSS, art. L. 136-1-1, 2°, e. mod.) mais soumises à une contribution patronale spécifique au taux de 29,7 %, sous réserve de respecter certaines conditions.

Remarque : ce taux correspond aux taux de prélèvements sociaux de droit commun (CSG, CRDS et forfait social).

Les conditions à respecter sont les suivantes (CSS, art. L. 137-11-2 nouveau) :

  • l’ensemble des salariés de l’entreprise doit bénéficier d’un produit d’assurance retraite collectif : régime de retraite article 83, Perco ou, quand il sera entré en vigueur, plan d’épargne retraite (PER) ;
  • les prestations servies doivent être exprimées en rente (pas de sortie en capital), sous déduction des rentes servies par les régimes de retraite légalement obligatoire (retraite de base et retraite complémentaire) ;
  • les droits acquis annuellement ne peuvent excéder 3 % du salaire annuel du bénéficiaire et la somme des taux appliqués au cours de la carrière du bénéficiaire ne peut excéder 30 points ;

Remarque : la rémunération retenue est celle prise en compte pour la détermination de l’assiette des cotisations sociales définies à l’article L. 242-1 du code de la Sécurité sociale. L’acquisition rétroactive de droits au titre d’années antérieures à l’adhésion ou l’affiliation au régime est proscrite.

  • les droits acquis sont revalorisés annuellement sur la base d’un coefficient au plus égal à l’évolution du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS) : autrement dit, la revalorisation est plafonnée à l’évolution du PASS ;
  • lorsque le bénéficiaire du régime est un mandataire social affilié de droit au régime général de la Sécurité sociale ou un salarié percevant une rémunération supérieure à 8 fois le PASS, l’acquisition des droits à retraite supplémentaire doit être subordonnée au respect de conditions liées à ses performances professionnelles ;
Remarque : aucune précision n’est apportée sur les conditions liées aux performances professionnelles. Mais gageons qu’elles devront être objectives et mesurables… Un éclairage de l’administration est attendu sur ce point.
  • l'entreprise doit notifier chaque année à l'administration (via la DSN) l'identité de ses salariés ou mandataires sociaux bénéficiaires du régime ainsi que le montant des droits supplémentaires acquis par chacun d'eux.
remarque : le bénéficiaire rentier est, lui, soumis à la contribution supplémentaire sur les rentes au taux de 7 ou 14 %, selon le montant de sa rente mensuelle.
Régime fiscal

Les sommes versées par l’entreprise pour financer un régime de retraite supplémentaire à prestations définies, soumises au nouveau régime social, sont également exclues du revenu imposable du bénéficiaire (CGI, art. 81, 18° ter nouveau).

Sort des régimes de retraite supplémentaire à droits aléatoires existants
Régimes fermés le 20 mai 2014 (au plus tard) : pas de changement

L’ordonnance de transposition exclut expressément de son champ d’application les régimes de retraite supplémentaire à droits aléatoires fermés depuis le 20 mai 2014.

Il s’agit des régimes de retraite supplémentaire à prestations définies dits à droits aléatoires qui ont cessé au plus tard le 20 mai 2014 d’accepter de nouveaux affiliés actifs et qui restent fermés depuis au moins cette date à de nouvelles affiliations.

Les droits à prestations de ces régimes peuvent donc continuer à être subordonnés à l’achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l’entreprise et des droits supplémentaires conditionnels peuvent continuer d'être acquis (C. ass., art L. 143-0 al. 7 et CSS, art. L. 137-11, VI, al. 2).

En outre, les régimes restent soumis à la contribution spécifique, calculée soit à la sortie du régime (assujettissement sur les rentes) soit à l’entrée du régime (assujettissement sur le financement), visée au I. de l’article L. 137-11 du code de la Sécurité sociale.

Régimes restés ouverts après le 20 mai 2014 : un choix cornélien ?

La constitution de droits aléatoires étant interdites à compter du 1er janvier 2020 pour les adhérents des régimes de retraite à prestations définies existants avant le 4 juillet 2019 et encore ouverts après le 20 mai 2014, les entreprises dotées de ce type de régime auront, a priori, le choix entre :

  1. fermer le régime à tout nouvel adhérent à compter du 4 juillet 2019 :
  • aucun nouveau droit supplémentaire conditionnel à prestations ne pourra être acquis au sein du régime au titre des périodes postérieures au 1er janvier 2020  ;

Remarque : le fait de calculer, sur le salaire de fin de carrière, les droits constitués au titre des périodes d’emploi antérieures au 1er janvier 2020 (dans les conditions prévues par le régime) n’est pas considéré comme un nouveau droit supplémentaire.

  • concernant le régime social, le droit d’option est rouvert jusqu’au 31 décembre 2020  pour les entreprises ayant opté initialement pour une contribution sociale spécifique assise sur les rentes : elles pourront revenir sur leur choix et opter pour une contribution assise sur le financement et, dans ce cas, elles devront s’acquitter d’une contribution libératoire correspondant au montant de contribution dont elles auraient était redevables si elles avaient choisi dès l’origine cette assiette, déduction faite des contributions déjà acquittées sur les rentes. Cette somme est recouvrée au plus le mois suivant l’exercice du droit d’option (ordo. n° 2019-697, art. 5, I).

  1. transférer les droits des bénéficiaires dans un régime de retraite à droits certains (ordo. n° 2019-697, art. 5, II). : dans ce cas, la neutralité financière d’une telle opération est garantie aussi bien en matière sociale qu’en matière fiscale :

  • les engagements du régime à droits aléatoires peuvent être transférés dans la limite du plafond de 30 points (CSS, art. L. 137-11-2, 2°) mais sans que trouve à s’appliquer, pour l’année de transfert, cette limitation : le respect du plafond de 30 points est apprécié en rapportant le montant des droits aléatoires à la date de transfert à la rémunération moyenne du bénéficiaire au cours des 3 dernières années dans le régime (rémunération prise en compte pour la détermination de l’assiette des cotisations sociales) ;

Remarque : l’opération de transfert est subordonnée à l’exercice préalable du droit d’option précité si l’entreprise avait choisi d’asseoir la contribution sociale sur les rentes. En cas de transfert, l’employeur est alors redevable d’une contribution libératoire correspondant à la différence entre la somme des contributions qui auraient été versées si l’ensemble du financement avait été assujetti à la nouvelle contribution sociale au taux de 29,7% et la somme des contributions afférentes à ce financement telles que calculées à l’entrée du régime (contribution sociale spécifique « ancienne formule » calculée conformément à l’article L. 137-11 2°) ou la contribution libératoire due suite à l'exercice du droit d'option.

  • pour le bénéficiaire, les sommes transférées ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu au titre de l’année de transfert.

Toutes ces modifications sonneront-elles le glas des régimes de retraite à prestations définies ? L'avenir nous le dira... vite.

Géraldine Anstett
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