Secret professionnel : la députée Laetitia Avia rassure les avocats au congrès de l'ACE

Secret professionnel : la députée Laetitia Avia rassure les avocats au congrès de l'ACE

10.10.2021

Gestion d'entreprise

Les avocats ont ardemment défendu la préservation de leur secret professionnel, lors du congrès de l'ACE qui s'est tenu jeudi dernier à Marseille. Un combat partagé par le président de l'AFJE et soutenu par la députée Laetitia Avia. L'élue s'est engagée à appuyer leur position à Matignon cette semaine ainsi qu'en commission mixte paritaire.

« Notre secret professionnel est en danger ! », introduit Hélène Fontaine, avocate au barreau de Lille, ancien bâtonnier et présidente de la conférence des bâtonniers, en ouverture de la conférence plénière du Congrès de l’ACE (Avocats conseils d'entreprises), qui a réuni plus de 600 avocats la semaine dernière. « Et demain ? » était le thème choisi cette année. Car plus que jamais aujourd’hui, les avocats sont inquiets pour leur avenir, celui de leurs clients, mais aussi et surtout pour « l’Etat de droit ». En cause, l’amendement déposé fin septembre par le Sénat sur le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, qui vise à limiter le secret professionnel.  Un amendement qui démontre « une certaine suspicion sur la profession ». Inadmissible pour Hélène Fontaine, qui dénonce une forme de « discrimination ». « On continue de se battre. L’ensemble des bâtonniers et des avocats de France écrivent à leurs sénateurs et leurs députés pour leur expliquer que ce qui risque de se passer est extrêmement dangereux dans notre démocratie. On en a assez d’être toujours considérés comme des complices, c’est insupportable ! ».

« Si l’amendement passe tel quel, combiné à la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation, si une enquête pénale est lancée pour des faits de trafic d'influence, de fraude fiscale ou de corruption, ou de blanchiment de ces infractions, et qu’une personne vient voir son avocat pour lui demander conseil, alors qu’elle n’est pas mise en examen, n'a pas fait l'objet d'une garde à vue, d'une audition libre, les confidences du client et les consultations juridiques de l'avocat ne seront pas couvertes par le secret opposable aux autorités d'enquête car nous sommes pour la chambre criminelle de la Cour de cassation dans le conseil et non pas dans l'exercice des droits de la défense », prévient Matthieu Boissavy, avocat aux barreaux de Paris et de New-York, médiateur et vice-président de la commission libertés et droits de l’homme du CNB. « L’amendement voté par le Sénat, par sa négation générale du secret professionnel en matière de conseil, supprime la possibilité pour les clients de se livrer - en toute confiance - à leur avocat ».

«Le secret de l’avocat n’est pas une immunité»

Toucher au secret de l’avocat, « c’est toucher aux droits de la défense, à une valeur Constitutionnelle ! », ajoute Vincent Nioré, avocat au barreau de Paris et vice-bâtonnier du barreau de Paris.  Et si le texte est adopté en l’état, « il pourrait occasionner de nouveaux contentieux », estime Jacques Tatet, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, président de la Commission des affaires européennes et internationales du CNB, président de la commission fiscale du CCBE. Jusqu’à la Cour européenne des droits de l’Homme. « Notre credo est simple : le secret de l’avocat n’est pas une immunité. Il doit être préservé ».  

Un avis « largement partagé » par la communauté des juristes d’entreprises, représentée par Marc Mossé, président de l’AFJE. « Avec le choc de conformité, le rôle des juristes s’est renforcé.  Ils contribuent à prévenir les infractions dans leur entreprise. Notre grande communauté se bat tous les jours pour faire respecter la règle de droit ! ». Pour le directeur juridique et affaires publiques de Microsoft Europe, le travail doit être collectif : «  le secret professionnel de l’avocat et la confidentialité des avis des juristes d’entreprises sont des instruments au service de l’Etat de droit et notre combat est commun ! ».

C’est enfin au tour de Laetitia Avia, députée LREM (Paris ; 8e circ.) et membre de la commission des lois, de prendre la parole. Restée silencieuse tout au long du débat, elle se lance.  « Un avocat conseil, ça n’existe pas. Tout comme un avocat de la défense, ça n’existe pas. Tout avocat conseille et assure la défense des intérêts de son client. A partir du moment où le client décroche son téléphone, où il entre dans le cabinet de l’avocat, on est à la fois dans cette fonction de défense et de conseil. Il n’y a pas de différence entre ces deux aspects de la profession ». Son discours est interrompu : les applaudissements ont envahi l’auditorium. 

L’Assemblée nationale tranchera 

« On doit convaincre les sénateurs », « mais dans une certaine mesure », nuance la députée. « Tout va se régler dans le cadre de la commission mixte paritaire. Il y aura 7 députés et 7 sénateurs. En réalité, trois personnes de part et d’autre, vont fixer le tempo. La présidente de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet, le rapporteur Stéphane Mazars, et la porte-parole de la majorité : votre serviteur. [Salve d’applaudissements dans la salle]. Et nos homologues au Sénat ». 

« J’ai une réunion la semaine prochaine à Matignon sur ce sujet. On va avoir des discussions et essayer de se mettre d’accord. Il y aura deal ou pas. Il y a des éléments auxquels les sénateurs tiennent dans le texte, s’ils les veulent, ils devront peut-être négocier le secret. Je crois qu’on va pouvoir aboutir sur ces sujets. Si ce n’est pas le cas, il n’y aura pas de CMP conclusive. On prendra plus de temps pour adopter le texte. L’Assemblée nationale aura le dernier mot quoi qu’il en soit. Vous pouvez compter sur ma détermination. Si ça ne fonctionne pas, l’Assemblée nationale tranchera ».  
L'avenir du secret professionnel se jouera donc à partir du 21 octobre prochain, date de réunion de la commission mixte paritaire.

Leslie Brassac

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