Souffrances psychologiques d'un salarié : à qui s'adresser, vers qui l'orienter ?

Souffrances psychologiques d'un salarié : à qui s'adresser, vers qui l'orienter ?

14.04.2021

Vous circulez dans l'entreprise et vous croisez un salarié qui vous semble particulièrement fatigué, irritable. La crise du Covid aidant, la détresse psychologique a augmenté aussi bien en population générale que chez les personnes déjà fragiles. Alors vers qui orienter les salariés en souffrance et pour quelle prise en charge ? Une table ronde de l'association des journalistes de l'information sociale (AJIS) a fait récemment le point des dispositifs.

Manque de sommeil, violences intrafamiliales, dépression, addictions… Depuis l'arrivée du Covid et ses cortèges de confinements, restrictions et autres inquiétudes, la santé mentale a le moral en berne. Selon l'étude Coviprev, diligentée par Santé Publique France 20,2 % des Français se disent dépressifs, et 20,7 % anxieux, au lieu de 10 % et 10,13 % en 2017, soit des pourcentages qui doublent. Un constat partagé par Franck Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, lors de la table ronde organisée par l'AJIS mardi 13 avril : "La crise du Covid a révélé de nombreuses vulnérabilités en population générale". Aujourd'hui plus qu'hier, tout le monde peut être concerné par un coup de blues ou une addiction.

Des symptômes qu'un élu de CSE ou un délégué syndical peut repérer lors d'une conversation avec un salarié, à l'occasion d'une visioconférence ou lors d'un déplacement dans l'entreprise.  Mais pour l'aider, encore faut-il savoir vers qui l'adresser et connaître les prises en charge. En effet, les détresses psychologiques visent notamment (mais pas seulement) les femmes (lire notre article sur les inégalités hommes-femmes renforcées par la crise sanitaire), les jeunes et les personnes précaires qui connaissent déjà des difficultés d'accès au soin. Ces profils peuvent souffrir de pathologies préexistantes ou non. Les structures et dispositifs à conseiller dépendent à la fois de la localisation géographique du salarié et du degré de souffrance psychologique exprimé. Voici des structures de soutien à proposer aux salariés en détresse.

Le médecin généraliste et les microstructures médicales post-Covid

Les microstructures médicales œuvrent en particulier sur les addictions et la précarité. Les plus nombreuses se trouvent dans la région Grand Est, car l'association Ithaque à leur origine est située à Strasbourg. Ces entités se sont déployées également en microstructures post-Covid. Elles sont encore en expérimentation mais peuvent être sollicitées si la détresse du salarié s'est manifestée à l'occasion de la crise sanitaire. Selon Danièle Bader, présidente de l'association Ithaque, "ce phénomène peut prendre la forme d'une consommation de psychotropes, de décompensation de l'isolement lié aux confinements, de violences familiales ou encore de difficultés à faire le deuil d'un proche, faute d'avoir pu l'accompagner". Les équipes des microstructures sont formées par un médecin généraliste, un psychologue et un travailleur social. Elles sont rattachées au cabinet du médecin ou en maison de santé pluridisciplinaire.

Cinq régions participent à cette expérimentation : le Grand-Est, l'Île-de-France, la Provence-Alpes-Côte d'Azur, les Hauts-de-France et la Bourgogne-Franche-Comté. L'Occitanie devrait bientôt rejoindre ces rangs. La carte des microstructures et les coordonnées complètes se trouvent sur le site de la coordination du réseau.

L'intervention d'une microstructure est totalement gratuite pour le patient : la caisse d'assurance maladie verse directement aux établissements porteurs des microstructures le montant du forfait de prise en charge (529 € pour une microstructure précarité/addiction, 538 € pour une microstructure post-Covid). Les deux types de structures devraient être pérennisées et étendues à tout le territoire à la fin de leur période d'expérimentation, soit début 2024 pour la précarité/addiction, et fin 2022 pour les microstructures post-Covid.

Les maisons de santé pluri professionnelles

Réparties sur tout le territoire (comme en atteste cette carte), les maisons de santé regroupent plusieurs professionnels de santé : généraliste, kinésithérapeute, dentiste, etc. Ces structures facilitent l'accès aux soins et permettent aux professionnels de travailler ensemble autour de projets communs. Depuis la crise du Covid, ces centres de santé ont été renforcés en psychologues (200 équivalents temps pleins supplémentaires). Un forfait de séance peut être demandé aux praticiens si le salarié n'est pas connu des services de psychiatrie. Cela fait partie des mesures prises pour améliorer la santé mentale en France depuis l'arrivée du Covid.

La prise en charge par l'assurance maladie obligatoire

Ce système est encore en expérimentation mais a déjà donné lieu au remboursement de 140 000 consultations de psychologues dans le seul département de la Haute-Garonne (sur 260 000 au total). Le dispositif est aussi actif dans le Morbihan, les Landes et les Bouches-du-Rhône. Il faut cependant répondre à deux conditions pour y être éligible : ne jamais avoir été hospitalisé en psychiatrie et ne pas consommer de psychotropes. Le salarié résidant dans l'un de ces départements doit se rapprocher de sa caisse d'assurance maladie (sur le site ameli.fr) et obtenir une prescription de son médecin traitant.

Le forfait de la mutuelle

Les complémentaires santé ont tenu à faire un effort pour participer à l'amélioration de la santé mentale des Français. Elles proposent la prise en charge de quatre séances de psychothérapie dans la limite de 60 € la séance (lire le communiqué de presse de la Mutualité française en pièce jointe), à condition que le salarié ait une prescription de son médecin généraliste. Certaines mutuelles qui incluaient déjà ce forfait dans leur contrat ont augmenté le nombre de séances remboursées. Il faut donc encourager le salarié à consulter son contrat ou à contacter sa mutuelle.

Les numéros d'écoute

Un numéro vert national a été créé pour tous les particuliers en situation de détresse psychologique : le 0 800 130 000. La ligne est ouverte tous les jours et 24 heures sur 24. La plateforme Croix Rouge Écoute est disponible quant à elle de 8h à 20h mais 7 jours sur 7 au 0 800 858 858. Enfin, certains employeurs ont mis en place des programmes d'aide aux salariés. Les élus du CSE pourront donc en parler au personnel et envoyer régulièrement les références du programme par mail.

Et pour les enfants des salariés ?

Un soutien spécialement dédié aux parents d'un enfant en situation de handicap est accessible au 0 805 035 800. Si un salarié s'inquiète particulièrement pour un de ses enfants, le dispositif expérimental Écout'émoi est encore à l'essai jusqu'au 31 décembre 2021 en Île-de-France, dans le Grand-Est et dans les Pays-de-Loire. Il permet aux jeunes de 11 à 21 ans de bénéficier de consultations psychologiques gratuites (voir les fiches en pièces jointes). En visite au CHU de Reims, mercredi 14 avril, Emmanuel Macron a annoncé la création d'un forfait de 10 séances de psychologie prépayées pour les enfants et adolescents de 3 à 17 ans dont la santé psychique est affectée par la crise.

Ces accès à l'écoute de psychologues et à des consultations gratuites ou remboursées sont accessible à tout individu rencontrant des difficultés, et pas seulement aux salariés de droit privé. Si le mal-être résulte du travail et pose au salarié des difficultés dans le cadre de son exercice professionnel, c'est alors vers la médecine du travail qu'il faut l'orienter.

 

Marie-Aude Grimont

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