Cône de vue et servitude non aedificandi : attention ! ce n'est pas la vocation d'une zone U du PLU

21.06.2021

Une interdiction de toute construction ne peut être imposée que s'il s'agit du seul moyen d'atteindre les objectifs recherchés.

Une commune littorale modifie son PLU et introduit deux types de protection dans le règlement de la zone urbaine (U).

La première, qui a pour objet de préserver une perspective sur le littoral depuis une rue perpendiculaire au rivage, interdit « toute construction à l'intérieur des cônes de vue figurant au plan de zonage ». La seconde crée des zones non aedificandi sur des terrains bâtis peu denses de la zone urbaine, en frange littorale, interdisant ainsi toute construction.

Trois parcelles détenues par une SCI, situées en front de mer, deviennent ainsi inconstructibles. La SCI saisit le tribunal administratif afin d'obtenir l'annulation de la modification du règlement de PLU. Sa demande est rejetée, en première instance comme en appel. Mais par un arrêt (mentionné) du 14 juin 2021, le Conseil d'État annule l'arrêt d'appel (CE, 14 juin 2021, n° 439453).

Un cadre pour les restrictions

Le juge suprême reconnaît la possibilité pour les auteurs du PLU d'instituer un cône de vue ou d'identifier un secteur en raison de ses caractéristiques particulières. Mais il fixe un cadre pour de telles restrictions.

Plusieurs dispositions du code de l'urbanisme permettent aux rédacteurs des PLU d'identifier et localiser des éléments de paysage à protéger pour des motifs d'ordre culturel, historique ou architectural (C. urb., art. L. 151-19) ou pour des motifs d'ordre écologique (C. urb., art. L. 151-23).

Pour autant, les atteintes portées au droit de construire ne doivent pas être excessives, a fortiori en zone urbaine, secteur en principe constructible. Or, un cône de vue peut recouvrir un périmètre potentiellement fort vaste. Comme le souligne le commissaire du gouvernement Vincent Villette, il présente deux spécificités propres : un champ de vision qui n'est pas borné tant que l'oeil ne rencontre pas d'obstacle, et une dimension qui dépend du point d'observation choisi.

Ce qui conduit le Conseil d'État à limiter une telle pratique : « La localisation de ce cône de vue ou de ce secteur, sa délimitation et les prescriptions le cas échéant définies, qui ne sauraient avoir de portée au-delà du territoire couvert par le plan, doivent être proportionnées et ne peuvent excéder ce qui est nécessaire à l'objectif recherché. Une interdiction de toute construction ne peut être imposée que s'il s'agit du seul moyen permettant d'atteindre l'objectif poursuivi » .

Une question de proportionnalité

En l'espèce, la cour administrative d'appel avait considéré que les auteurs du PLU n'avaient pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en instituant le cône de vue litigieux et la servitude non aedificandi au regard respectivement, de la valorisation future de la perspective du littoral, et de la préservation des secteurs côtiers et de la frange littorale d'une urbanisation excessive.

Son arrêt est cassé pour erreur de droit. La Haute juridiction estime qu'elle aurait dû rechercher si ces interdictions, qui dérogent à la vocation d'une zone urbaine, constituaient le seul moyen d'atteindre les objectifs recherchés.

L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Nantes qui devra rechercher, d'une part, si l'inconstructibilité via un cône de vue est la seule façon de préserver les perspectives sur le littoral depuis la rue concernée, d'autre part, si seule une servitude non aedificandi permet de préserver la frange littorale d'une urbanisation excessive.

Laurence GUITTARD, Dictionnaire Permanent Construction urbanisme

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