Aggravation non déclarée du risque à l'assureur : une note salée pour l'assuré

20.03.2017

Gestion d'entreprise

La survenance d'un second sinistre avant la rupture du contrat ou l'intervention d'un nouvel accord pour aggravation de risque doit être assimilée au cas de constatation après sinistre. Une règle proportionnelle de prime (RPP) s'applique à chacun des sinistres.

2 433 544,50 €, c’est le montant restant à la charge de l’assuré après application de deux franchises, d’une règle proportionnelle de prime et de capitaux à la suite de deux sinistres incendie avec pertes d’exploitation. Retour sur les faits.
Une société exerçant une activité de fabrication d’articles de porcelaine de table est couverte pour son compte et celui de sa filiale par un contrat d’assurance « multirisque industrielle » souscrit le 1er janvier 2009 auprès de deux assureurs.
En octobre 2011, un incendie trouvant son origine dans une armoire électrique d’un atelier d’un des sites de l’entreprise entraîne d’importantes dégradations des locaux, du matériel et du stock. En février 2012, alors que les travaux de réfection étaient en cours, un second incendie survient dans l’atelier d’un autre bâtiment. C’est dans ces circonstances que l’assuré assigne les coassureurs en exécution du contrat et en paiement de dommages-intérêts.
Deux sinistres, deux RPP
L’omission ou la déclaration inexacte de la part de l’assuré dont la mauvaise foi n’est pas établie donne lieu à deux situations (C. assur., art. L. 113-9) :
- si elle est constatée avant tout sinistre, l’assureur a le droit soit de maintenir le contrat, moyennant une augmentation de prime acceptée par l’assuré, soit de résilier le contrat 10 jours après notification adressée à l’assuré par lettre recommandée, en restituant la portion de la prime payée pour le temps où l’assurance ne court plus ;
- si elle est constatée après la survenance d’un sinistre, l’assureur peut réduire l’indemnité due, dans la proportion de la prime payée par rapport à celle qui aurait dû l’être si le risque avait été correctement déclaré.
Mais qu’en est-il lorsque l’assureur découvre après sinistre une omission et qu’un second sinistre survient avant la rupture du contrat ou la conclusion d’un nouvel accord ? Quelle règle appliquer après ce second sinistre ?
En l'espèce, l’assuré soutient qu’en présence de deux sinistres distincts résultant de faits générateurs distincts et pouvant provoquer des dommages distincts, la réalisation des conditions fixées par l’article L. 113-9 du code des assurances doit s’apprécier pour chaque sinistre. La cour d’appel aurait donc dû rechercher, en distinguant les deux sinistres en cause, si l’assureur n’avait pas eu connaissance du risque non déclaré avant leur survenance.
Son argument est rejeté par la Cour de cassation : « si l’article L. 113-9 du code des assurances institue au profit de l’assureur qui découvre avant sinistre l’aggravation non déclarée du risque, une option entre la résiliation et la proposition à l’assuré d’une prime majorée, il n’organise pas la sanction de la réticence lorsque le [second] sinistre survient avant la rupture du contrat ou l’intervention d’un nouvel accord, alors que l’assureur demeure engagé par le contrat primitif malgré l’aggravation ; cette éventualité doit être assimilée au cas de constatation après sinistre, dès lors que dans ces deux hypothèses, ni la résiliation, ni un nouvel accord ne peuvent intervenir avant la survenance du sinistre ».
La cour d’appel a pu déduire que la règle proportionnelle de prime avait vocation à s’appliquer à chacun des sinistres en cause dès lors que :
- les risques n’ont pas été complètement et exactement déclarés par l’assuré par suite de son manquement aux prescriptions du contrat qui lui imposaient de faire vérifier chaque année les installations électriques et de communiquer les rapports annuels à l’assureur ;
- ce n’est qu’à l’examen d’un rapport d’intervention de l’APAVE du 11 octobre 2011, que l’assureur a pu se rendre compte que les installations électriques des locaux assurés comportaient des défectuosités générant des risques d’incendie et que ses inspecteurs ont pu en décembre 2011, effectuer une visite et avoir connaissance de ce rapport ;
- la résiliation du contrat n’est intervenue que postérieurement au second sinistre.
Remarque : si la précision apportée par la Cour de cassation sur l’application de l’article L. 113-9 du code des assurances doit être approuvée, on peut s’interroger sur une éventuelle négligence de l’assureur et de ses inspecteurs lors de la souscription de ce contrat. En effet, dans le deuxième moyen annexé à l’arrêt, l’assuré fait mention de plusieurs éléments qui nous interpellent. Il a ainsi rappelé que les risques d’incendies générés par le système électrique étaient mentionnés dans un rapport Q18 établi par l’APAVE en février 2005 et qu’à la suite de ce rapport dont ils avaient pris connaissance, les inspecteurs ont effectué une inspection complète du site au mois de mars 2005 et établi à la suite un « rapport de vérification risque entreprise » relevant que le risque d’incendie était faible. L’assuré a ajouté que le site n’a depuis lors connu aucune différence notable entre 2005 et la date des sinistres, les non conformités évoquées dans le rapport Q18 du 11 octobre 2011 étant celles relevées dans le rapport du 28 février 2005 et dans celui du 28 février 2008, remis à l’assureur lors des discussions relatives à la négociation de la nouvelle police à effet au 1er janvier 2009. Par ailleurs, en 2010, les inspecteurs ont par deux fois visité le site et n’ont formulé à cette occasion aucune réserve. Dans ces circonstances, l’assureur pouvait-il prétendre avoir ignoré l’état de l’installation électrique ?
Franchise et règle proportionnelle de capitaux
Les déconvenues de l’assuré ne s’arrêtent pas là puisque pour ces deux sinistres il se voit également appliquer, au titre de la garantie pertes d’exploitation, une règle proportionnelle de capitaux et une franchise.
Franchise en durée sur la garantie pertes d’exploitation
Les franchises qui laissent à la charge de l’assuré une partie des dommages peuvent s’exprimer en valeur (euros) ou en durée (jours), les deux pouvant se combiner. En l’espèce, les coassureurs opposent à l’assuré une franchise dite « trois jours ouvrés » à chaque sinistre et demande donc le remboursement d’un trop-perçu. L’assuré conteste l’application de cette franchise qui, selon lui, ne s’applique qu’aux seuls risques spéciaux et dommages électriques et non à la garantie des pertes d’exploitation consécutives à un incendie ou à des risques annexes.
Sa demande est rejetée. Selon la Cour, c’est par une interprétation souveraine du tableau de la garantie des pertes d’exploitation figurant en page 6 des conditions personnelles que sa rédaction ambiguë rendait nécessaire, que la cour d’appel a retenu que la franchise litigieuse s’appliquait au groupe « risques d’incendie, risques annexes et risques spéciaux ».
Règle proportionnelle de capitaux
En plus de la franchise, les coassureurs opposent à l’assuré une règle proportionnelle de capitaux pour inexactitude dans la déclaration de la marge brute assurée (C. assur., art. L. 121-5). En effet, aux termes des conditions personnelles du contrat, la réduction proportionnelle de capitaux de l’article L. 121-5 du code des assurances, doit s’appliquer lorsque la marge brute déclarée par l’assuré se révèle inexacte ; que toutefois, en cas de sinistre, il ne peut pas être fait application de la règle proportionnelle des capitaux, si l’assuré a respecté les obligations déclaratives mises à sa charge, qui consistent dans la déclaration, à chaque date anniversaire du contrat, de la marge brute effectivement réalisée sur l’exercice précédent pour permettre à l’assureur de calculer la marge prévisionnelle de l’année en cours et fixer ainsi les cotisations prévisionnelles dues par l’assuré, d’une part, et dans la communication de la marge réelle finalement dégagée au cours de la période considérée, dans les délais prévus au contrat, pour calculer les cotisations finales dues par l’assuré, d’autre part.
L’assuré soutient avoir respecté ses obligations déclaratives et que par application des dispositions précitées, la règle proportionnelle n’est pas applicable.
Mais c’est aussi par une interprétation souveraine des stipulations contractuelles ambiguës, que la cour d’appel a estimé que cette règle redevenait strictement applicable en cas d’inexactitude de la marge brute assurée mentionnée dans le contrat ; qu’ayant constaté que la déclaration de marge brute faite par l’assuré dans le dernier avenant du 2 septembre 2011, applicable à la date des sinistres, mentionnait pour l’année 2010 une marge brute de 18 921 860 €, nettement inférieure à la marge brute effective qui s’élevait en réalité à la somme de 22 798 530,40 €, la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder aux recherches inopérantes visées par le moyen, a légalement justifié sa décision d’appliquer la règle proportionnelle de capitaux.
Afaf Zaroui, Dictionnaire permanent Assurances

Nos engagements