Brexit : quelles conséquences sur l'application des réglementations européennes sur les produits chimiques ?

28.09.2017

Environnement

Comme les entreprises du Royaume-Uni et des autres Etats membres de l'Union européenne, quels que soient leurs rôles dans la chaine d'approvisionnement des produits chimiques, seront affectées de manière tangible par le Brexit, l'ECHA vient de mettre en ligne sur son site Internet une nouvelle section dédiée aux informations concernant le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Le 29 mars 2017, le gouvernement britannique a invoqué l'article 50 du traité de l'Union européenne (TUE) et a notifié son intention de se retirer de l'Union Européenne (UE). Dans les circonstances actuelles, le Royaume-Uni deviendra alors un pays tiers  à partir du 30 mars 2019 (cette date ne pouvant être modifiée que par un accord mutuel entre Bruxelles et Londres).

Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

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Ce processus de retrait sans précédent aura des conséquences sur la mise en œuvre des régimes réglementaires de l’UE qui ne seront plus applicables au Royaume-Uni. La coopération avec le Royaume-Uni ne sera donc plus basée sur ces réglementations de l'UE.

Précision : pour rappel, la législation chimique européenne s’applique à 31 pays européens : les 28 membres actuels de l’UE (incluant toujours le Royaume-Uni le retrait n’étant pas encore effectif), ainsi que trois membres de l'Espace économique européen (EEE) à savoir l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège. En outre, la Suisse met également en œuvre des dispositions du Règlement sur les produits biocides (BPR) sur la base d'un accord de reconnaissance mutuelle.

 

Afin de bien comprendre les enjeux et les conséquences de ce Brexit sur la réglementation des produits chimiques, à savoir notamment les réglementations REACH (enregistrement et autorisation d’utilisation des substances), CLP (classification, étiquetage, emballage des produits chimiques), PIC (exportation et importation des produits chimiques) et BPR (produits biocides), l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) met à disposition une nouvelle page Internet rassemblant des informations sur l’impact de ce retrait. Huit onglets permettent d’accéder à des informations spécifiques sur certains sujets.

 

L’ECHA précise que les informations de cette page sont fournies sans préjudice des futures conditions du Brexit et seront régulièrement mises à jour en fonction de l’avancée du processus de retrait.

 

Non application de la législation européenne des produits chimiques aux entreprises britanniques

Une fois que le Royaume-Uni ne sera plus un Etat membre de l’Union européenne, les législations sur les produits chimiques ne lui seront plus applicables. On distingue deux cas de figure :

- si une entreprise basée au Royaume-Uni met des substances chimiques ou des produits biocides sur le seul marché britannique, son activité ne sera plus soumise aux législations de l’UE sur les produits chimiques à partir du Brexit et la législation britannique sera applicable ;

- si une entreprise basée au Royaume-uni fait partie d’une chaîne d’approvisionnement qui la lie à d’autres entreprises situées dans les 27 autres Etats membres de l’UE qui resteront après le Brexit, elle devra respecter certaines règles imposées par les législations de l’UE sur les produits chimiques.

 

A travers des questions réponses sur les différentes obligations découlant de ces législations, l’ECHA informe les entreprises sur les conséquences du Brexit. Focus sur les éléments d’informations fournis par l’ECHA en fonction de chaque réglementation.

 

Impacts sur l’application du règlement REACH (1907/2006)

Concernant l’enregistrement des substances :

- jusqu'à la date du retrait du Royaume-Uni le 30 mars 2019, le Royaume-Uni reste un État membre de l'UE dans lequel les dispositions du règlement REACH s'appliquent pleinement. Les entreprises britanniques devront donc enregistrer leurs substances pour la dernière échéance du 31 mai 2018 ;

- après le 30 mars 2019, le Royaume-Uni ne sera plus un État membre de l'UE, par conséquent, un déclarant britannique ne pourra plus avoir cette qualité de déclarant. Aux fins du règlement REACH, toute inscription par un tel déclarant sera considérée comme inexistante, car l’entreprise sera considérée comme basée dans un «pays tiers» en dehors de l'UE/EEE. Par conséquent, vos clients de l'UE/EEE devront enregistrer eux-mêmes la substance ;

- une société basée au Royaume-Uni et qui a la qualité de représentant exclusif d’un fabricant non européen ne pourra plus avoir cette qualité. Ce fabricant devra trouver un représentant exclusif basé dans un Etat membre de l’UE ;

- une fois le Brexit effectué, les sociétés basées au Royaume-Uni ne seront plus tenues de mettre à jour les dossiers d’enregistrement de leurs substances ;

- après le Brexit une société basée au Royaume-Uni et ayant la qualité d’utilisateur en aval n’aura plus l’obligation de continuer à informer son fournisseur britannique ni l’ECHA de ses utilisations ;

- si une société qui sera basée dans l’UE des 27 achète une substance à un partenaire britannique basé au Royaume-Uni qui a enregistré la substance, ce partenaire devra nommer un représentant exclusif établi dans l’UE des 27 pour que sa substance reste légalement enregistrée au titre de REACH, a défaut l’entreprise basée dans l’UE des 27 devra elle-même procéder à l’enregistrement de la substance.

 

Concernant l’autorisation de fabriquer, d’utiliser et de mettre sur le marché des substances de l’annexe XIV :

- si la date de retrait précède la date d'expiration pour demander l’autorisation d’utilisation d’une substance, il ne sera pas nécessaire de demander une autorisation REACH car le règlement REACH ne sera plus obligatoire au Royaume-Uni ;

Remarque : pour rappel, la date d'expiration (ou "sunset date") est la date à partir de laquelle une substance est interdite de fabrication, d’importation, de mise sur le marché, d’utilisation, à moins qu’une autorisation soit octroyée par la Commission européenne.

- après le Brexit, les entreprises britanniques ne seront plus liées par l'interdiction de placer les substances soumises à autorisation au titre de REACH et n’auront donc pas à demander une autorisation ;

- après le Brexit, les entreprises britanniques ne seront plus tenues de respecter les conditions d’autorisation qui leur avait été imposées par la Commission européenne, idem si l’entreprise est un utilisateur en aval de la substance ;

- une entreprise basée dans l’UE des 27 qui utilisera une substance dans les conditions d’une autorisation octroyée à un fournisseur britannique ne sera plus couvert pour ces utilisations, et il devra alors s’assurer que l’un de ses autres fournisseurs basés dans l’UE des 27 a obtenu une autorisation pour ces utilisations de la substance.

 

Impacts sur l’application du règlement CLP (1272/2008)

- à compter de la date de retrait du Royaume-Uni, les sociétés basées au Royaume-Uni  seront uniquement assujetties aux lois applicables au Royaume-Uni et ne seront plus tenues de respecter les obligations imposées par le règlement CLP ;

- si une entreprise basée au Royaume-Uni veut exporter votre produit vers l'UE des 27 après le Brexit, elle devra le classer et l’étiqueter conformément aux dispositions du règlement CLP ;

- si une société basée au Royaume-Uni souhaite exporter des produits dans l’UE des 27, son importateur basé dans l’UE devra soumettre les notifications de substances à l’inventaire C&L ;

- les informations notifiées à l’inventaire C&L par une entreprise britannique resteront disponibles après le Brexit, toutefois il sera possible de mettre à jour ou de supprimer les notifications via le compte REACH-IT ;

- les éléments d’étiquetage du règlement CLP étant basé sur le Système général harmonisé de classification et d'étiquetage des produits chimiques des Nations Unies (SGH), les pictogrammes resteront applicables au Royaume-Uni ;

- après le retrait du Royaume-Uni de l'UE, les exigences en matière de langues juridiques dépendront de la législation future du Royaume-Uni. Dans la pratique, il est sûr d'avoir l'obligation de continuer à étiqueter un produit en langue anglaise comme langue officielle de facto du Royaume-Uni, en fonction des informations et du format prescrits par le règlement CLP.

 

Impacts sur l’application du règlement PIC (649/2012)

- le Royaume-Uni étant partie à la Convention de Rotterdam, il maintiendra une autorité nationale désignée (AND) : il faut contacter cette AND pour s’informer sur toute la future procédure nationale qui régira les exportations de produits chimiques ;

- l’ECHA désactivera toute notification d'exportation présentée par une société britannique afin qu'elle ne puisse plus être utilisée par ces entreprises pour l'exportation en 2019 et au-delà ;

- les sociétés basées aux Royaume-Uni devront faire un rapport sur leurs exportations et importations de produits chimiques qui ont eu lieu en 2018, mais n’auront aucune obligation de déclarer ces données après 2019 ;

- le Royaume-Uni étant lui-même partie à la Convention de Rotterdam, les entreprises qui y sont basées auront toujours des obligations lors de l'exportation de produits chimiques qui figurent à l'annexe III de la Convention. En cas d’exportation vers un Etat membre de l'UE, il faudra d'abord vérifier la dernière circulaire PIC si l'UE a fourni une réponse aux importations. En l'absence d'une réponse, vous devez contacter l'AND du Royaume-Uni pour plus d'informations ;

- après le Brexit les entreprises britanniques n’auront plus accès à ePIC ni aux données qu’il contient (à noter qu’actuellement aucune fonctionnalité ne permet d’exporter des données) ;

- après le Brexit   les données PIC fournies par une société britannique resteront publiques sur le site de l’ECHA ;

- après le Brexit, une société basée dans l’UE des 27 devra notifier l’exportation de produits chimiques vers le Royaume-Uni, qui deviendra un "pays-tiers" ;

- rien ne change concernant les exportations de produits chimiques de l’UE vers Gibraltar, qui est un territoire britannique hors du territoire douanier de l’UE : avant comme après le Brexit il faut notifier les exportations vers ce territoire ;

- après le Brexit, si une société basée dans l’UE des 27 achète un produit chimique a une société basée au Royaume-Uni, et l’expédie ensuite directement à un client dans un pays tiers, il ne sera pas nécessaire de notifier cette exportation car ce sera la société britannique qui détiendra le contrat d’exportation (sauf si le produit figure à l’annexe III de la Convention de Rotterdam, qui reste applicable au Royaume-Uni).

 

Impacts sur l’application du règlement BPR (528/2012)

- le titulaire d’une autorisation de mise sur le marché d’un produit biocide devant être établi au sein de l’UE, une société basée au Royaume-Uni devra transférer cette autorisation à un nouveau titulaire établi dans l’UE avant le Brexit (modification de votre autorisation existante au moyen d'un changement administratif) ;

- le Brexit n'aura aucun effet sur la validité de l'approbation des substances actives évaluées par le Royaume-Uni ;

- les fournisseurs de substances ou de produits basés au Royaume-Uni devront nommer un représentant établi dans l’UE et le communiquer à l’ECHA, sinon ils seront retirés de la liste des fournisseurs prévus par la liste de l'article 95 du règlement BPR ;

- une société basée au Royaume-Uni pourra toujours soumettre des demandes d’approbation de substances actives après le Brexit, mais la demande devra être soumise dans un Etat membre de l’UE ;

- après le Brexit, les entreprises britanniques auront le droit de se référer aux études que détient l’ECHA issues du mécanisme de partage des données en application des articles 62 et 63 du BPR ;

- les entreprises britanniques pourront toujours accéder au R4PB pour certains processus comme par exemple l’approbation des substances actives, les notifications… ;

- les données concernant les produits appartenant à une société britannique resteront protégées par les règles de protection des données du BPR ;

- une entreprise soumettant une demande de renouvellement d’une approbation d’une substance active pour laquelle le Royaume-Uni était l’autorité compétente lors de la première procédure d’approbation pourra choisir une autre autorité compétente.

 

Le Helpdesk de l’ECHA restera accessible aux entreprises britanniques

De plus, après le Brexit, les entreprises basées au Royaume-Uni pourront encore compter sur le soutien d'assistance technique du Helpdesk l’ECHA pour les conseils et l'assistance liés à la législation chimique de l'UE. Ce service répondant régulièrement aux demandes de renseignements de sociétés établies hors UE/EEE, même si le Royaume-Uni deviendra un "pays tiers", les entreprises britanniques pourront toujours s’y adresser si besoin.

 

Toutefois, après le retrait, le Royaume-Uni n’aura plus l’obligation de maintenir un service d’assistance national pour fournir des conseils sur les règlements REACH, CLP, PIC et BPR.

 

Impacts sur l’ECHA et ses décisions

Le mandat de l’ECHA en tant qu’autorité de réglementation pour la mise en œuvre de la nouvelle législation européenne sur les produits chimiques ne sera pas modifié. Il est toutefois certain que la coopération entre l’Agence et les autorités britanniques sera considérablement réduite. Même si le Brexit cause des incertitudes, l’ECHA précise que les législations sur les produits chimiques de l’UE continueront de s’appliquer.

 

Si les décisions réglementaires sont prises par la Commission européenne, l’ECHA a vocation à prendre également des décisions pour appliquer les règlements REACH, CLP, PIC et BPR, comme par exemple accorder un numéro d’enregistrement d’une substance au titre de REACH.

 

En raison de l’incertitude des conditions du retrait du Royaume-Uni de l’UE, chaque fois que l’Agence accordera un droit, elle ajoutera une référence au Brexit. Par exemple, à partir de novembre 2017, elle précisera dans les décisions d’enregistrement de substance au titre de REACH la note suivante : "Note aux déclarants du Royaume-Uni : étant donné que le Royaume-Uni a notifié le 29 mars 2017 son intention de quitter l'Union, conformément à l'article 50 du Traité de l'Union européenne, les Traités cesseront de s’appliquer au Royaume-Uni à compter de la date de l'entrée en vigueur de l'accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification, à moins que le Conseil européen, en accord avec le Royaume-Uni, décide de prolonger cette période. En conséquence, et sans préjudice de toute disposition de l'accord de retrait, cette décision d’enregistrement s'applique uniquement jusqu'à ce que le Royaume-Uni cesse d'��tre un État membre".

 

Impacts sur la coopération avec les autorités du Royaume-Uni

Les législations européennes sur les produits chimiques impliquent une coopération étroite entre l’UE, les membres de l’EEE et les autorités publiques des Etats membres de l’UE

Exemples : le règlement REACH contient diverses dispositions obligeant les Etats membres à participer à la mise en œuvre de la législation européenne, par exemple fixer des sanctions et établir un système de contrôle officiel ; l’article 81 du règlement BPR impose à chaque Etat membre de désigner une autorité compétente pour l’appliquer…

 

Suite au Brexit, le Royaume-Uni ne sera plus lié par ces législations et elles ne constitueront plus une base juridique pour coopérer avec les autorités britanniques. Depuis l'entrée en vigueur du règlement REACH en juin 2007, les données fournies par des entreprises situées dans l'UE/EEE ont contribué à ce que l’ECHA détienne la plus grande base de données sur les propriétés des substances chimiques dans le monde entier. Un impact majeur du retrait du Royaume-Uni sera la perte d'accès des autorités britanniques à cette base de données ainsi qu’aux bases de données et outils informatiques actuels fournis à des fins réglementaires. Les autorités britanniques ne participeront plus à l'utilisation de ces données car seuls les États membres sont tenus de coopérer avec l’Agence en tant que partenaires dans l'application des processus réglementaires.

 

Après le retrait, les autorités britanniques ne devront plus assurer le respect par les entreprises britanniques de la législation européenne sur les produits chimiques. Elles cesseront également d'appliquer les décisions réglementaires adressées à ces entreprises.

 

Impacts sur les entreprises restant dans l’UE

Les obligations découlant de la législation européenne sur les produits chimiques continueront de s'appliquer aux entreprises de l’UE des 27. Les interactions avec les partenaires commerciaux basés au Royaume-Uni seront toutefois touchées par le retrait du Royaume-Uni, qui deviendra un "pays tiers". Par conséquent, les entreprises devront faire face à des règles britanniques nouvelles et différentes concernant l'importation et l'utilisation de substances chimiques.

 

 

 

Anne-Laure Tulpain, Code permanent Environnement et nuisances

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