Caution avertie et bonne connaissance du marché

02.05.2018

Gestion d'entreprise

Le dirigeant d'entreprise, possédant depuis de nombreuses années une bonne connaissance du marché, doit être considéré comme une caution avertie.

Un dirigeant d’entreprise s'était porté caution des engagements souscrits par la société Myrh au sein de laquelle il était associé-gérant, envers une banque. La société ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné le dirigeant caution en paiement, lequel a contesté son engagement et formé une demande reconventionnelle d'indemnisation fondée sur un manquement de la banque à son devoir de mise en garde. La cour d’appel de Versailles (arrêt du 31 mars 2016), ayant rejeté sa demande, la caution  formait un pourvoi soutenant qu'un établissement de crédit était tenu d'un devoir de mise en garde et de conseil à l'égard d'une caution non avertie, le caractère averti d'une caution ne pouvant être déduit de sa seule qualité de dirigeant et associé de la société débitrice principale, et qu'en lui imposant de rapporter la preuve que la banque aurait disposé lors de l'engagement souscrit d'informations ignorées par lui, après avoir énoncé qu'il était une caution avertie du seul fait qu'il était associé et gérant de la société débitrice, la cour d'appel a déduit un motif inopérant, en violation de l'article 1147 du code civil.

La jurisprudence est bien fixée. Selon les critères établis par la Cour de cassation, une caution "avertie" est une caution dotée d’une véritable compétence démontrant sa capacité à comprendre l’étendue de ses engagements, c’est-à-dire en pratique l’étendue et la nature des engagements du débiteur principal (Cass. com., 31 mai 2016, n° 15-12.354 ; Cass. com., 22 mars 2016, n° 14-20.216 ; Cass.com., 14 oct. 2014, n° 13-24.358 ; Cass. com., 28 janv. 2014, n° 12-27.703, Bull civ., IV, n° 20). Une caution dite " avertie" dispose donc de compétences notamment financières de base, lui permettant d’apprécier le risque d’entreprise et l’opportunité d’un crédit (Cass. com., 18 janv. 2017, n° 15-12.723, CA Orléans, ch. com., 24 avr. 2008, n° 07/01015 ; CA Lyon, 3e ch., sect. civ. A, 25 juin 2009, n° 08/06271).  Ainsi, est une caution avertie, la caution " professionnel du droit " (Cass. 1re civ., 13 nov. 2008, n° 07-15.172) ou celle qui manifestement est compétente en matière de diagnostic d’entreprise, de stratégie et de gestion (Cass. com., 8 juin 2010, n° 07-21.901). A ce titre, la chambre commerciale de la Cour de cassation souligne que pour éviter aux cautions une condamnation au paiement, le juge du fond doit faire ressortir un risque caractérisé d’endettement né de l’octroi du prêt au débiteur principal, au moment de l’engagement des cautions profanes non informées de ce risque, ou des cautions averties en présence d’une information cachée à ces dernières (Cass. com., 13 sept. 2016, n° 15-11.130). En l’espèce, la caution ne soulevait pas ce dernier point.

Par conséquent, si la seule qualité de dirigeant d’entreprise et à plus forte raison, celle de simple associé ne confère pas ipso facto la qualité d’averti (Cass. com., 29 nov. 2017, n° 16-13.448, n° 1423 F-D), la caution dirigeante de l’entreprise débitrice principale ne peut prétendre avoir été trompée par la banque dans la mesure où elle est elle-même raisonnablement dans la capacité d’évaluer, au jour de son engagement, les risques financiers qu’elle prend en apportant sa garantie, à raison de la connaissance du marché sur lequel l’entreprise financée développe son activité.

 

Patrice Bouteiller, Docteur en droit, Senior of Counsel, Cabinet Ravet et Associés

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