Compatibilité entre solidarité fiscale et responsabilité pour insuffisance d'actif

11.09.2018

Gestion d'entreprise

La condamnation du dirigeant, au titre de l'insuffisance d'actif, à payer un montant égal à celui de la dette fiscale de la société ne fait pas obstacle à sa solidarité de paiement portant sur la même créance.

Un dirigeant d’une société en liquidation judiciaire fait l’objet d’une condamnation en responsabilité pour insuffisance d’actif. Il conteste la recevabilité de l’action introduite par le liquidateur au motif qu’il n’a pas été destinataire de la convocation préalable à sa condamnation (C. com., art. R. 651-2) et que son audition n’a pas eu lieu.

Régularité de la convocation du dirigeant

En l’espèce, il a été convoqué par actes d’huissier signifiés à ses deux dernières adresses connues, à deux audiences consécutives.

La Cour de cassation rappelle qu’en présence d’une convocation régulière du dirigeant poursuivi en paiement de l’insuffisance d’actif, en vue de son audition préalable, l’action est recevable même si le dirigeant ne s'est pas présenté et que son audition n’a pu, en conséquence, avoir eu lieu. La formalité de la convocation prévue à l’article R. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause, a bien été respectée, peu important que les actes aient été délivrés suivant les modalités de l’article 659 du code de procédure civile.

Solidarité fiscale et responsabilité pour insuffisance d'actif

L’intérêt de la décision porte sur la question de la coexistence entre la solidarité fiscale et la condamnation du dirigeant en responsabilité pour insuffisance d'actif. Le dirigeant considère, en effet, que la cour d’appel a violé l’article 1382 devenu 1240 du code civil, et le principe de réparation intégrale du préjudice.

En l’occurrence, il a été condamné à payer la somme de 147 718 euros au titre de l’insuffisance d’actif, somme identique à celle due à l’administration fiscale par la société en raison de la fraude commise. Il est, en outre, solidaire du paiement en sa qualité de dirigeant social sur le fondement de l’article 1745 du code général des impôts. Il en déduit qu'il ne peut être condamné à indemniser deux fois le même préjudice.

La Cour de cassation rejette ses prétentions. La solidarité prononcée contre le dirigeant social en application de l’article 1745 du code général des impôts constitue une garantie de recouvrement de la créance fiscale et ne tend pas à la réparation d’un préjudice.  Elle ne fait pas obstacle à la condamnation de ce dirigeant à supporter, à raison de sa faute de gestion, tout ou partie de l’insuffisance d’actif de la société, comprenant la dette fiscale objet de la solidarité.

Par ailleurs, le fait d’avoir soustrait la société  au paiement de la TVA au titre de l’année 2003 et de l’impôt sur les sociétés au titre des années 2002 et 2003 et d’avoir omis d’inscrire certaines écritures en comptabilité, faits pour lesquels le dirigeant a été condamné du chef de fraude fiscale et d’omission d’écritures en comptabilité, sont des fautes de gestion qui ont contribué à l’insuffisance d’actif de la société et que la condamnation à supporter cette insuffisance d’actif profitera à tous les créanciers admis qui sont, non seulement le Trésor public, mais également le bailleur de la société et les organismes sociaux .

Il est vrai que la coïncidence du montant de la condamnation arrêtée par les juges du fond exactement équivalent à celui de la dette fiscale peut interpeller.  Cependant, la juridiction suprême explique et réfute l’existence d’une double condamnation ou d’une double réparation du préjudice.

La Cour de cassation rappelle, tout d’abord, que les magistrats ont un large pouvoir d'appréciation pour fixer le montant de la condamnation qu'ils peuvent limiter à celui de la fraude fiscale qui est à l’origine de l’insuffisance d’actif. Ensuite, l’affectation du montant de la condamnation  revient à tous les créanciers qui profitent de ces sommes, par une distribution au marc-le-franc. Accessoirement, enfin, il est précisé que la solidarité fiscale constitue une garantie de recouvrement de la créance fiscale laquelle peut découler de la faute ayant engendré l’insuffisance d’actif.

 

Martine Dizel, Maître de conférences, université Toulouse I

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