Contribution de la forêt à la préservation et la restauration des milieux naturels

09.09.2016

Gestion d'entreprise

Préserver et restaurer les milieux naturels figurent parmi les objectifs de la loi "biodiversité" qui retouche le code forestier à cette fin.

La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages vise notamment à « renouveler la vision de la biodiversité et les principes d'action qui doivent permettre sa protection et sa restauration ». Les retouches qu’elle apporte au code forestier poursuivent cet objectif.
Un cadre juridique apporté aux réserves biologiques
La biodiversité, ou diversité biologique, a été définie par les Nations Unies comme « la variabilité des êtres vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes » (Convention sur la Diversité Biologique, 1992, art. 2). Les actions conduites par l’homme provoquent une érosion constante des populations animales ainsi que végétales et, pour enrayer cette situation, la France a choisi de mettre en place des aires protégées favorisant la restauration d’espèces. Cet engagement se manifeste en forêt par la prise en compte de la diversité biologique dans la gestion forestière. La création de « réserves biologiques », refuges d’espèces remarquables, rares ou vulnérables, s’est inscrite très tôt dans cette politique (création dès 1953 des premières réserves biologiques en forêt domaniale de Fontainebleau). Gérés par l’Office National des Forêts (ONF), ces espaces ne peuvent être délimités que dans les forêts soumises au régime forestier et appartenant à l’Etat, à une collectivité ou à l’une des personnes morales « mentionnée au 2° du I de l'article L. 211-1 », soit : un établissement public, un établissement d’utilité publique, une société mutualiste ou une caisse d’épargne.
Les réserves biologiques se divisent en deux catégories, « intégrales » ou « dirigées » :
- la réserve biologique « intégrale » interdit toute exploitation forestière, libérant la forêt de l’ingérence humaine pour la laisser évoluer et se développer au gré des processus naturels. Souvent qualifiée de « laboratoire de nature », elle constitue un trésor d’observation pour les scientifiques. L’intervention de l’homme peut seulement y être envisagée pour préserver l’équilibre régnant dans ce milieu remarquable (par exemple, pour éliminer des espèces exotiques susceptibles de l’envahir ou autoriser les tirs de régulation des grands ongulés si leur nombre amène des nuisances) ;
- la réserve biologique « dirigée » vise quant à elle à conserver les habitats et les espèces ayant motivé sa création et autorise les interventions sylvicoles et autres travaux spécifiques servant ce dessein.
D’origine ancienne, la création et la gestion de ces réservoirs de biodiversité n’étaient pourtant encadrées que par deux conventions (convention portant sur les réserves biologiques domaniales, ministères chargés de l’environnement et de l’agriculture et ONF, 3 février 1981 ; convention portant sur les réserves biologiques dans les forêts non domaniales relevant du régime forestier, ministères de l’environnement et de l’agriculture et ONF, 14 mai 1986) et deux instructions (n° 95-T-32, 10 mai 1995 ; n° 98-T-37, 30 décembre 1998), sans portée normative.
La loi "biodiversité" comble cet écueil en posant le cadre juridique applicable à ces réserves biologiques, répondant au souci de « les pérenniser et (…) ne pas les remettre en question à chaque renouvellement des documents d’aménagement » qui planifient la gestion de tous les bois et forêts exploitables relevant du régime forestier (L.  n° 2016-1087 du 8 août 2016, exposé des motifs). Elle ajoute ainsi un nouvel article L. 212-2-1 au code forestier qu’elle place au cœur du dispositif qui réglemente lesdits documents d’aménagement, en prévoyant que l’ONF, qui les élabore, pourra y inclure des zones identifiées comme « susceptibles de constituer des réserves biologiques ». Au-delà de cette simple identification, la loi fixe également la procédure à suivre pour créer une telle réserve ainsi que pour élaborer le plan de gestion auquel elle doit être soumise. La création s’opère par arrêté conjoint des ministres chargés de la forêt et de l'environnement, après avis du Conseil national de la protection de la nature (CNPN), et accord de la collectivité ou de la personne morale propriétaire « mentionnée au 2° du I de l'article L. 211-1 » précité. Cet arrêté doit définir le périmètre de la réserve, préciser les objectifs motivant sa création et peut interdire ou soumettre à des conditions particulières les activités susceptibles de compromettre la réalisation de ces objectifs. Toute modification du périmètre, des objectifs ou de la réglementation apportée à cet arrêté est soumise à la même procédure.
La réserve biologique ainsi créée doit être soumise à un plan de gestion spécifiquement prévu et adapté à ses besoins, approuvé par arrêté conjoint des ministres chargés de la forêt et de l'environnement. Ce plan de gestion constituera une annexe du document d’aménagement applicable à la forêt publique au sein de laquelle est sanctuarisée la zone de réserve, et en fera ainsi partie intégrante.

Par ces dispositions, le nouvel article L. 212-2-1 du code forestier ne consacre que pour partie la méthode qu’avait mise en place la pratique. Un dispositif transitoire a dès lors été aménagé pour permettre aux réserves biologiques déjà existantes de se mettre en conformité avec le nouveau système (L. art. 163 II). Elles devront, dans les 10 ans à compter du 9 août 2016 (date de promulgation la loi), faire l'objet d'un nouvel arrêté de création au formalisme allégé puisqu’il sera dispensé de l’avis du CNPN ainsi que de l’accord de la collectivité territoriale ou de la personne morale propriétaire. Ces instances ne retrouveront leurs prérogatives que si le nouvel arrêté de création modifie le périmètre existant, les objectifs ou la réglementation applicable à la réserve.

Remarque : attention, même si la commune n’est pas propriétaire de la forêt sur laquelle porte la demande de constitution de réserve biologique, la procédure impose de recueillir son accord tant pour sa création que pour l’élaboration de son plan de gestion (C. for., art. L. 212-3 al. 2).
 Ajustement du dispositif de défrichement pour les opérations visant la sauvegarde des milieux naturels
Un nouveau cas d’exclusion au régime du défrichement
Le cadre réglementaire du défrichement est systématiquement retouché au fil des lois agricoles et forestières. La loi d’avenir agricole n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 avait apporté sa touche au dispositif en réduisant la liste des opérations définies par le texte comme ne constituant pas une opération de défrichement (C. for., art. L. 341-2), à savoir :
- le débroussaillement en vue de remettre en valeur d'anciens terrains de culture, de pacage ou d’alpage ;
- le travail lié à l’exploitation d’arbres produisant une récolte (noyers, oliviers) ;
- les opérations effectuées sur les taillis normalement entretenus et exploités, implantés sur d'anciens sols agricoles depuis moins de 30 ans ;
- le déboisement pour installer des équipements en forêt, servant sa mise en valeur ou sa protection, qui ne remettent pas en question la destination forestière et n’en constituent qu’une annexe.
Par une habile insertion de quelques mots au sein de cette dernière exception, la loi biodiversité crée un nouveau cas d’exclusion. Désormais, n’est plus constitutif de défrichement le « déboisement ayant pour but de préserver ou restaurer des milieux naturels » à la double condition qu’il ne modifie pas la destination forestière du bois concerné et que les actions qui en résultent n���en constituent que « les annexes indispensables ». Un tel projet de déboisement s’affranchit donc de toutes les contraintes liées au défrichement.
Remarque : la notion de « milieux naturels » ne fait l’objet d’aucune définition dans le code de l’environnement et résonne largement, comme un élément peu ou pas artificialisé favorable à la biodiversité. Le ministère a toutefois précisé son approche : « Les milieux naturels terrestres, aquatiques et marins comprennent les habitats naturels, les espèces animales et végétales, les continuités écologiques, les équilibres biologiques, leurs fonctionnalités écologiques, les éléments physiques et biologiques qui en sont le support et les services rendus par les écosystèmes » (doctrine relative à la séquence "éviter, réduire et compenser" les impacts sur le milieu naturel, ministère chargé de l’environnement, 2012).
 Un défrichement exempté de mesure de compensation
La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 a durci le cadre réglementaire du défrichement, en soumettant la délivrance de toute autorisation à l’accomplissement de l’une des mesures de compensation énumérées dans le code forestier (C. for., art. L 341-6). L’autorité administrative peut ainsi exiger que le demandeur s’acquitte d’un boisement compensateur sur d’autres terrains « pour une surface correspondant à la surface défrichée, assortie, le cas échéant, d'un coefficient multiplicateur compris entre 1 et 5 ». Cette compensation peut toutefois être réalisée en numéraire, via un versement au fonds stratégique de la forêt et du bois. Le demandeur peut également être astreint à remettre en état boisé le terrain défriché après avoir  exploité « son sous-sol à ciel ouvert ». Est aussi admise l'exécution de travaux de génie civil ou biologique servant la protection dunaire, l’équilibre biologique d’un espace remarquable ou une autre fonction assurée par les bois et forêts objet du défrichement ou le massif qu'ils complètent (C. for., art. L 143-5 ). Enfin, le défrichement peut être autorisé moyennant l’accomplissement de travaux visant à réduire les risques naturels, notamment les incendies et les avalanches.
La loi "biodiversité" a assis sa politique sur divers principes dont celui de solidarité écologique qui consacre l’importance des liens entre la préservation de la biodiversité et les activités humaines, la première étant à l’épreuve des secondes. La notion de « patrimoine naturel » s’intègre parfaitement dans ce concept puisqu’elle fait appel à l'idée d'un héritage laissé par les générations qui nous ont précédés, et que nous devons transmettre intact aux générations qui nous suivent. La richesse que représente la biodiversité doit traverser le temps pour s’inscrire dans la durée.
Dans cet esprit, la loi a modifié l’article L 341-6 du code forestier afin de soustraire au dispositif de compensation le défrichement qui répond à un « motif de préservation ou de restauration du patrimoine naturel ou du patrimoine paysager ». Des conditions sont évidemment posées pour que cette exemption soit reconnue. L’opération de défrichement doit d’abord être indispensable à la bonne mise en œuvre du document de gestion ou du programme auquel est soumise la forêt concernée. Egalement, le défrichement doit être réalisé dans l’un des espaces listés à l’article L 341-6 du code forestier. Les sites concernés sont ceux reconnus, protégés et gérés conformément aux dispositions contenues dans le code de l’environnement, soit les parcs nationaux, réserves naturelles classées, parcs naturels régionaux, sites inscrits ou classés, sites natura 2000, conservatoires régionaux d’espaces naturels et, dernières nées hébergées quant à elle par le code forestier : les réserves biologiques.
Cette exemption au dispositif du défrichement vise à alléger la charge de travail des gestionnaires d’espace naturel, dès lors que leur action est orientée en faveur de la conservation ou de la restauration du site qu’ils gèrent. Elle ne les dispense pas de solliciter une autorisation de défrichement, qui peut ainsi toujours être refusée, notamment si « la conservation des bois et forêts (…) est reconnue nécessaire (…) à l'équilibre biologique d'une région ou d'un territoire présentant un intérêt remarquable et motivé du point de vue de la préservation des espèces animales ou végétales et de l'écosystème ou au bien-être de la population » (C. for., art. L. 341-5).
 
Remarque : le livre IV du code de l’environnement est consacré au patrimoine naturel qui fait l’objet d’un inventaire depuis la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité. Cet inventaire recense les «richesses écologiques, faunistiques, floristiques, géologiques, pédologiques, minéralogiques et paléontologiques » (C. env., anc. art. L.411-5 ; nouv. art. L. 411-1 A). Et le législateur fait profiter le patrimoine paysager de ce dernier dispositif de faveur. Le paysage est reconnu comme élément de patrimoine s’il présente « un intérêt historique, artistique, archéologique, esthétique, scientifique ou technique » (C. patrim., art. L. 1).
Stéphanie De Los Angeles, Rédactrice d'actes à la SAFER Aquitaine Atlantique

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