Droit des étrangers en France : les décrets d'application publiés, la loi du 7 mars 2016 entre en vigueur

02.11.2016

Droit public

Le gouvernement publie au Journal officiel du 30 octobre 2016 une série de textes réglementaires (sept décrets et huit arrêtés) en vue de l'application des dispositions de la loi relative au droit des étrangers en France à compter du 1er novembre 2016.

Depuis le 1er novembre 2016, la loi du 7 mars 2016 est applicable dans sa totalité, à quelques exceptions près. Après une première série de textes réglementaires publiés au cours de l’été pour l’application de la loi au 1er juillet (dispositions relatives aux nouvelles modalités de déclaration de nationalité française et au contrat d’accueil républicain), le gouvernement a parachevé l’édifice réglementaire de la réforme en publiant sept décrets et huit arrêtés au Journal officiel du 30 octobre 2016. Il rend ainsi, in extremis, opérationnelles les dispositions de la loi dont l’entrée en vigueur avait été fixée par le législateur au plus tard… le 1er novembre 2016.
 
Nous vous proposons ici un premier tour d’horizon de ces textes qui regroupent tout à la fois des précisions procédurales, des dispositions de coordination et de nombreuses listes de pièces à fournir. Chacune de ces nouvelles dispositions fera ensuite l’objet d’un commentaire spécifique dans le cadre de la « Veille permanente ».
Remarque : certaines dispositions de la loi du 7 mars 2016 ne semblent pas avoir fait l’objet de textes règlementaires pour leur application (par exemple s’agissant de l’interdiction de circulation sur le territoire pour les citoyens de l’Union ou la visioconférence pour les audiences « soixante-douze heures »). Il sera donc nécessaire de vérifier la précision de la loi et de surveiller l’éventuelle publication de nouveaux textes au Journal officiel.
Dispositions relatives à l’entrée, au séjour et au travail
La première partie du décret n° 2016-1456 modifie les « dispositions générales » de la partie réglementaire du Ceseda, relatives à la procédure de demande ou de renouvellement des titres de séjour.
 
Un grand nombre de dispositions du code sont ainsi modifiées par insertion en référence aux nouveaux titres de séjour, pluriannuels notamment, ou parfois complétées, quant aux pièces exigées pour l’examen ou la délivrance des autres titres de séjour.
 
Les modalités d’examen des demandes de la carte de séjour pluriannuelle font l’objet d’une nouvelle section dans le Ceseda, comprenant les articles R. 313-39 à R. 313-82. Les articles R. 314-1 à R. 314-4, relatifs aux cartes de résident, sont modifiés en conséquence.
 
De même, les modalités d’examen des demandes de titre de séjour « ICT » (stagiaire, famille, stagiaire mobile (Intra corporate transferees), « travailleurs temporaire », « entrepreneur/profession libérale » sont désormais définies par les articles R. 313-6 à R. 313-20 du Ceseda (D. n° 2016-1456, art. 8). Les modalités d’examen des demandes de renouvellement des cartes de séjour mention « salarié » et « entrepreneur/profession libérale » sont précisées à l’article R. 313-36-1 (D. 2016-1456, art. 9).
 
Une série de décrets et d’arrêtés fixent, de manière spécifique, les conditions de délivrance de certains titres de séjour, telles que :
 
- les modalités de notification à l’autorité administrative des projets de mobilité au soutien d’une demande de carte de séjour « Stagiaire mobile ICT » (Arr. 28 oct. 2016, NOR : INTV1629582A) ;
 
- le salaire brut moyen annuel de référence pour la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent », fixé à 35 891 euros (Arr. 28 oct. 2016, NOR : INTV1629577A) ;
 
- la liste des domaines pour lesquels un étranger qui entre en France afin d’y exercer une activité salariée pour une durée inférieure ou égale à trois mois peut être dispensé d’une autorisation de travail (D. n° 2016-1461) ;
 
- la liste des pièces à fournir pour l’obtention de la carte de séjour « entrepreneur/profession libérale » et de la carte de séjour pluriannuelle « passeport talent » (Arr. 28 oct. 2016, NOR : INTV1629756A).
 
Les dispositions réglementaires du code du travail sont également modifiées ou précisées pour adapter les conditions d’emploi des salariés étrangers à la nouvelle législation. Elles prévoient notamment :
 
- les conditions de dispense des autorisations de travail ainsi que les documents assimilés à ces autorisations compte tenu, notamment, des nouveaux titres de séjour (D. n° 2016-1456, art. 20, 2°) ;
 
- la liste des pièces à fournir pour l’exercice d’une activité professionnelle salariée (autorisation de travail, carte de séjour « passeport talent » et « salarié détaché ICT ») (Arr. 28 oct. 2016, NOR : INTV1629674A) ;
 
- s’agissant des étudiants souhaitant bénéficier d’un changement de statut, la liste des diplômes complétée par « les diplômes de niveau I labélisés par la Conférence des grandes écoles » et le « diplôme de licence professionnelle » (D. n° 2016-1463, art. 1) et le seuil de rémunération exigée pour bénéficier de la non-opposabilité de la situation de l’emploi (D. n° 2016-1463, art. 2).
Remarque : ce n'est qu'à compter du 1er janvier 2017 que les demandes de titre de séjour pour raisons de santé devront être instruites selon les modalités prévues aux articles R. 313-22 et suivants du Ceseda (qui modifient en profondeur aussi bien les autorités compétentes que les règles procédurales) (D. n° 2016-1456, art. 8, 21°). Les dispositions spécifiques aux demandes d’autorisation provisoires de séjour pour soins, en application de l’article L. 311-12 ne seront également applicables qu’au premier jour de l'année 2017 (D. n° 2016-1456, art. 31).
Les règles d’admission au séjour des conjoints de titulaires d’un statut de résident longue durée-UE dans un autre État membre et admis au séjour en France sont également précisées (D. n° 2016-1456, art. 8, 26°).
 
Enfin, le gouvernement met à profit cette importante refonte pour actualiser les montants des taxes dues pour la délivrance ou le renouvellement de titre de séjour (D. n° 2016-1462).
Dispositions relatives à la lutte contre l’immigration irrégulière
Consacré aux dispositions relatives à la lutte contre l’immigration irrégulière, le décret n° 2016-1457 fixe principalement :
 
- les modalités de saisine du juge des libertés et de la détention par l’autorité administrative tendant à l’obtention de l’autorisation de visite domiciliaire concernant les étrangers faisant l’objet d’une interdiction administrative du territoire (C. étrangers, R. 221-4 et s.) ou faisant l’objet d’une reconduite à la frontière en exécution d’un arrêté d’expulsion (C. étrangers, R. 523-9) ;
 
- les modalités de contestation des arrêtés de placement en rétention devant le juge des libertés et de la détention (C. étrangers, R. 552-10-1) ;
 
- les conditions de rejet par ordonnance, sans audience, des déclarations d’appel formées devant le premier Président de la Cour d'appel (C. étrangers, R. 552-13 et s.) ;
 
- l’accès des journalistes aux zones d’attente ou aux centres de rétention, accompagnants ou non des parlementaires (C. étrangers, R. 221-4 et s. et R. 553-15 et s.) ;
 
- les obligations des étrangers assignés à résidence en vue de l’exécution de la mesure d’éloignement dont ils font l’objet (C. étrangers, R. 513-5 et s.) ;
 
- le droit de communication de documents au bénéfice de l’administration auprès des autorités et personnes priv��es (C. étrangers, R. 611-41-1 et s.) ;
 
- les amendes sanctionnant les entreprises de transport ne respectant pas leur obligation de réacheminement (C. étrangers, R. 625-17 et s.).
Remarque : le montant et la procédure d’établissement de la contribution forfaitaire infligée à l’employeur d’un étranger non autorisé a travaillé sont précisés pour Mayotte (D. n° 2016-1459.).
Dispositions relatives au contentieux des OQTF et à la rétention
Le décret n° 2016-1458 modifie le code de justice administrative dans ses dispositions réglementaires relatives au jugement des obligations de quitter le territoire français (OQTF).
 
L’article R. 776-2 du code reprend ainsi les dispositions législatives qui opèrent une distinction entre les OQTF devant être contestées dans un délai de trente jours de celles devant l’être dans un délai de quinze jours. L’article R. 776-4 rappelle que le délai de recours contre les décisions est porté à quarante-huit heures lorsque la personne est assignée à résidence ou placée en rétention administrative.
 
Lorsque la personne ne fait pas l’objet d’une mesure de surveillance, la procédure est donc distincte en fonction de la base légale de l’OQTF, laquelle détermine le délai de recours.
 
Les articles R. 776-10 à R. 776-12 (relatif à la procédure habituelle concernant les OQTF avec délai) sont applicables aux OQTF prononcées lorsque :
 
- la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour ont été refusés à l’étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (C. étrangers, L. 511-1, 3°) ;
 
- le récépissé de la demande de carte de séjour ou l’autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l’étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé (C. étrangers, L. 511-1, 5°) ;
 
- le comportement de l’étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l’ordre public (C. étrangers, L. 511-1, 7°) ;
 
- l’étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu l’article L. 5221-5 du code du travail (C. étrangers, L. 511-1, 8°).
 
Les articles R. 776-13-1 organisent la procédure spéciale prévue pour les OQTF pour lesquelles le délai de recours est de quinze jours et le délai de jugement de six semaines, prononcées lorsque :
 
- l’étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu’il ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité (C. étrangers, L. 511-1, 1°) ;
 
- l’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d’un premier titre de séjour régulièrement délivré (C. étrangers, L. 511-1, 2°) ;
 
- l’étranger n’a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire ou pluriannuel et s’est maintenu sur le territoire français à l’expiration de ce titre (C. étrangers, L. 511-1, 4°) ;
 
- la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire ont été définitivement refusés à l’étranger ou si l’étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l’article L. 743-2, à moins qu’il ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité (C. étrangers, L. 511-1, 6°).
Remarque : Le délai de quinze jours n’est susceptible d’aucune prorogation (C. étrangers, art. R. 776-5).
Lorsque l’étranger est en détention, de nouvelles dispositions sont applicables (C. étrangers, art. R. 776-29 et s.), notamment en ce qu’elles soumettent la procédure au régime de la procédure de soixante-douze heures.
 
Enfin, en application du nouvel article R. 553-9 du Ceseda (D. n° 2016-1457), un arrêté actualise le modèle de règlement intérieur pour les centres et locaux de rétention (Arr. 28 oct. 2016, NOR : INTV1631264A).

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Christophe Pouly, avocat
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