Epilation au laser : les complices sanctionnés

04.10.2016

Droit public

Le médecin qui fait réaliser une épilation au laser par des esthéticiennes ou des secrétaires médicales n'ayant reçu que quelques heures de formation et sans qu'aucune surveillance médicale sérieuse ne soit exercée, se rend complice d'exercice illégal de la médecine.

Bien que très répandue, la pratique de l’épilation au laser par un non médecin constitue un exercice illégal de la médecine. Cette solution est rappelée par la Cour de cassation dans un arrêt du 13 septembre 2016 (Cass. crim., 13 sept. 2016, n° 15-85046).

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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En l’espèce, il s’agit d’une société exploitant du « matériel médical et paramédical d’esthétique notamment lié à l’utilisation de la lumière intense pulsée et la lumière laser ». Parmi ses activités, se trouve l’épilation au laser, pratiquée par des esthéticiennes et des secrétaires médicales ayant suivi une formation de quelques heures au maximum. Sur plainte d’une cliente ayant subi des brûlures cutanées et des muqueuses entraînant une incapacité de travail, la personne morale, son gérant et le médecin, responsable médical, sont poursuivis pour complicité d'exercice illégal de la médecine. Le praticien est également poursuivi pour complicité de blessures involontaires.
 
Le tribunal les déclare coupables des faits reprochés. Les prévenus et le ministère public interjettent appel. La cour d’appel de Paris condamne le médecin censé superviser les actes d’épilation, la société et son gérant, à respectivement 8000 euros, 10 000 euros et 4000 euros d’amende.
 
La chambre criminelle confirme l’arrêt d’appel et considère que l’épilation au laser ne peut être pratiquée que par un docteur en médecine ou sous sa responsabilité.
Une solution qui se veut à la fois traditionnelle…
Cette décision désormais traditionnelle repose sur :
- l’article L. 4161-1-1° du code de la santé publique, réprimant l’exercice illégal de la médecine, notamment la réalisation par un non médecin d’actes inscrits dans la nomenclature des actes réservés aux médecins ;
- l’article 2 de l’arrêté du 6 janvier 1962, réservant aux médecins « tout mode d'épilation, sauf les épilations à la pince ou à la cire » ;
- l’article 2 de l’arrêté du 30 janvier 1974 portant réglementation concernant les lasers à usage médical, selon lequel « les lasers à usage médical sont des appareils devant être utilisés par un médecin ou sous sa responsabilité ».
 
De nombreuses assistantes ou esthéticiennes ont déjà été condamnées pour exercice illégal de la médecine, sur le fondement de ces textes (Cass. crim., 8 janv. 2008, n° 07-81193 ; CE, 28 mars 2013, n° 348089).
… et novatrice
Plus novatrice est, en revanche, la sanction non de celui ou celle qui, sans être médecin, réalise les actes d’épilation mais de celui ou ceux à qui profite le délit, via la notion de complicité. C’est en ce sens qu’a statué la chambre criminelle de la Cour de cassation.
 
Les auteurs du pourvoi prétendent que la cour d’appel n’a pas caractérisé les éléments de leur prétendue complicité.
 
La chambre criminelle rejette le pourvoi. Elle considère que « se rendent complices d'exercice illégal de la médecine le médecin qui, sans encadrement ni formation, fait pratiquer à des esthéticiennes ou secrétaires médicales de l'épilation laser, et le gérant de la société qui, agissant pour le compte de celle-ci, met à disposition de l'établissement des lasers à usage médical et fait pratiquer des séances d'épilation au moyen de ces appareils par des employés non titulaires du diplôme de docteur en médecine ».
 
La Cour de cassation met ainsi la responsabilité pénale en adéquation avec la responsabilité morale, en sanctionnant non l’auteur matériel des brûlures mais ceux qui lui ont fait manier un laser médical sans être qualifié ni suffisamment encadré à cet effet. L’un, le médecin, aurait en effet dû veiller à la formation de ce personnel et l’encadrer, notamment, semble-t-il, en étant présent dans les locaux lors de la réalisation des séances (ce qui laisse entendre que l’épilation au laser peut être réalisée par un non médecin lorsqu’elle est supervisée par un médecin, présent sur place). Les deux autres, à savoir la société et son gérant, ont fourni les moyens matériels du délit.
Une solution à valeur dissuasive ?
Cet arrêt est intéressant en ce qu’il vise ceux qui ont le plus intérêt à la commission du délit et a sans doute ainsi une valeur dissuasive, bien davantage que les décisions sanctionnant les employés des salons d’esthétique. Il faut rappeler en effet que, comme dans le présent cas d’espèce, les lasers médicaux ne sont pas sans risque puisque maniés par des personnes insuffisamment qualifiées, ils occasionnent des brûlures parfois importantes.
 
Une telle solution mériterait certainement d’être étendue pour mieux lutter contre les cas en tous genres d’exercice illégal de la médecine, de plus en plus nombreux. Ainsi, les pseudo-écoles qui forment des étudiants à des pratiques illégales en leur faisant croire le contraire pourraient être sanctionnées pour complicité par instigation, ce qui serait probablement plus efficace que de sanctionner les étudiants une fois sur le marché.

 

Maïalen Contis, Docteur en droit, avocat au barreau de Toulouse
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