Introduction dans le code civil d'un mécanisme de mise en demeure du créancier

16.09.2016

Gestion d'entreprise

L'ordonnance portant réforme du droit des contrats crée, au 1er octobre 2016, un mécanisme permettant au débiteur de mettre en demeure son créancier dans les cas, exceptionnels, où celui-ci refuse de recevoir le paiement qui lui est dû.

Mise en demeure du créancier

La création d’un mécanisme permettant au débiteur de mettre en demeure son créancier est une nouveauté. Il n’existait, jusqu’alors, pas de pendant à la mise en demeure de payer du débiteur dans le code civil. Les dispositions relatives à la mise en demeure du créancier par le débiteur figurent désormais aux nouveaux articles 1345 à 1345-3 du code civil. Elles ont pour but de régler la situation dans des hypothèses, peu fréquentes, où le créancier fait obstruction au paiement.

Formalisme limité

En cas de refus du créancier de recevoir le paiement qui lui est dû, l’ordonnance innove en permettant au débiteur, qui entend se libérer de son obligation, de le mettre en demeure.

Selon le nouvel article 1345, alinéa 1er, lorsque le créancier refuse, à l’échéance et sans motif légitime, de recevoir le paiement qui lui est dû ou l’empêche par son fait, le débiteur peut le mettre en demeure d’en accepter ou d’en permettre l’exécution.

Ce nouveau dispositif est moins contraignant que celui des offres réelles de paiement auquel il se substitue. Les offres réelles permettaient au débiteur de réitérer son offre de paiement lorsque le créancier avait refusé l’offre de paiement initiale et, en cas de refus renouvelé, de consigner la somme ou la chose proposée (C. civ. anc., art. 1257). Mais elles devaient satisfaire à sept conditions de validité, énumérées à l’ancien article 1258 du code civil et notamment être faites par l’intermédiaire d’un officier ministériel (C. civ. anc., art. 1258, 7°). La nouvelle procédure se limitant à une simple mise en demeure du créancier permet donc de vaincre plus facilement l’obstruction de celui-ci. Cette procédure a également un champ d’application plus large que la précédente, puisqu’elle s’applique non seulement aux obligations de sommes d’argent, mais aussi aux autres obligations (C. civ., art. 1345-2).

Effets de la mise en demeure du créancier

Sauf faute lourde ou dolosive du débiteur, la mise en demeure du créancier arrête le cours des intérêts dus par le débiteur et transfère les risques de la chose à la charge du créancier (C. civ., art. 1345, al. 2). Auparavant, en cas de refus d’une offre de paiement par le créancier, le débiteur pouvait, de lui-même, se dessaisir de la somme ou de la chose offerte, en la consignant avec, le cas échéant, les intérêts jusqu’au jour de la consignation (C. pr. civ., art. 1428, al. 1er) ; les risques liés à la chose consignée pesaient alors sur le créancier (C. civ., art. 1257, al. 2).

Il est désormais précisé que la mise en demeure du créancier n’interrompt pas la prescription (C. civ., art. 1345, al. 3).

Cas de l’obstruction persistante

Les nouveaux articles 1345-1 et suivants prévoient les suites de l’obstruction persistante du créancier, au-delà d’un délai de 2 mois suivant la mise en demeure, en distinguant selon l’objet de l’obligation en cause :

- si l’obligation porte sur une somme d’argent, le débiteur peut la consigner à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) (C. civ., art. 1345-1, al. 1er). La consignation libère le débiteur à compter de sa notification au créancier (C. civ., art. 1345-1, al. 3) ;

- si l’obligation porte sur la livraison d’un bien, le débiteur peut le séquestrer auprès d’un gardien professionnel (C. civ., art. 1345-1, al. 1er). Si le séquestre est impossible ou trop onéreux, il peut demander au juge l’autorisation de vendre le bien à l’amiable ou aux enchères publiques, le prix étant alors consigné à la CDC, déduction faite des frais de vente (C. civ., art. 1345-1, al. 2). Comme la consignation, le séquestre libère le débiteur à compter de sa notification au créancier (C. civ., art. 1345-1, al. 3) ;

- si l’obligation porte sur un autre objet, comme une prestation à réaliser, la procédure est encore plus simple puisqu’il n’est plus besoin d’une consignation : le débiteur est libéré dès lors que l’obstruction n’a pas cessé dans les 2 mois suivant la mise en demeure (C. civ., art. 1345-2).

Les frais de la mise en demeure et de la consignation ou du séquestre sont à la charge du créancier (C. civ., art. 1345-3), comme l’étaient les frais des offres réelles et de la consignation (C. civ. anc., art. 1260).

Mise en demeure du débiteur

Les dispositions relatives à la mise en demeure de payer du débiteur figurent désormais aux nouveaux articles 1344 à 1344-2 du code civil.

Simplification et réunion des dispositions

L’ordonnance simplifie et réunit au sein des nouveaux articles 1344 à 1344-2 du code civil les dispositions relatives à la mise en demeure du débiteur, lesquelles se trouvaient auparavant éparpillées dans les anciens articles 1139, 1146 et 1302. La formulation de ces dispositions est simplifiée, mais les principes restent les mêmes que précédemment.

Conformément à la suggestion formulée par l’Association française des docteurs en droit (AFDD), en mai 2015, en réponse à la consultation lancée en février 2015 par la Chancellerie sur le projet d’ordonnance, les nouveaux articles 1344 et 1344-1 précisent, désormais, qu’il s’agit de mettre en demeure « de payer » le débiteur.

Forme de la mise en demeure du débiteur

Le nouvel article 1344 énonce les différentes formes que peut revêtir la mise en demeure de payer. Ainsi, le débiteur est constitué en demeure, soit par une sommation, soit par un acte dont il ressort une interpellation suffisante, soit encore, lorsque le contrat le prévoit, du simple fait de l’exigibilité de l’obligation. Sur ce dernier point, le nouvel article 1225, alinéa 2 précise qu’en matière de résolution du contrat, les parties peuvent se dispenser d’une mise en demeure s’il est convenu que le seul fait de l’inexécution suffit.

D’une manière générale, la formulation du nouvel article 1344 est plus synthétique que celle de l’ancien article 1139.

Effets de la mise en demeure du débiteur

A/ Point de départ des intérêts moratoires

Le nouvel article 1344-1 énonce que la mise en demeure de payer une somme d’argent a pour incidence de faire courir l’intérêt moratoire, au taux légal, sans que le créancier ait à prouver un quelconque préjudice. Il généralise ainsi le principe posé par le nouvel article 1231-6 en matière d’inexécution contractuelle.

Le principe de liberté contractuelle consacré au nouvel article 1102, sous réserve toutefois de ne pas déroger aux règles qui intéressent l’ordre public, permet d’établir le caractère supplétif des règles de droit commun des contrats en l’absence de disposition contraire, comme le souligne le rapport remis au Président de la République. Les parties peuvent donc prévoir que la mise en demeure fera courir des intérêts à un taux fixé conventionnellement.

B/ Transfert de la charge des risques

Le nouvel article 1344-2 précise que la mise en demeure de délivrer une chose a pour effet de faire peser sur le débiteur non-propriétaire, les risques liés à cette chose. Cette dérogation au principe selon lequel le propriétaire supporte les risques liés à la perte de la chose est consacrée au nouvel article 1196, alinéa 3. Ainsi, l’acheteur de la chose, qui en est devenu propriétaire, n’a plus à en payer le prix si celle-ci a disparu par force majeure, sauf si le débiteur prouve que la perte serait également survenue si l’obligation avait été exécutée (C. civ., art. 1351-1).

Stéphanie Bourdin, Dictionnaire Permanent Recouvrement de créances et procédures d'exécution

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