"La gestion du risque est un tremplin pour la direction juridique", selon Jean-David Darsa

"La gestion du risque est un tremplin pour la direction juridique", selon Jean-David Darsa

03.02.2017

Gestion d'entreprise

Au-delà du risque juridique, les professionnels du droit dans l’entreprise ont toute légitimité à s’inviter dans la gestion des autres risques (industriels, sociaux, d’image, informatiques, financiers, etc). Rencontre avec Jean-David Darsa, dirigeant de Riskeal, et auteur de l’ouvrage "La gestion des risques en entreprise"*.

Qu’appelle t-on Risk management ?

Le Risk management est une fonction née dans le secteur bancaire, où l’appréhension du risque financier est forte (risque de crédit, risque de marché…), elle s’est étendue parallèlement à l’assurance (risque d’insolvabilité, etc). Aujourd’hui, chaque entreprise a une culture du risque propre, plus ou moins étoffée. Les entreprises industrielles ont ainsi coutume de traiter le risque de façon opérationnelle, en se conformant aux normes de leur métier. Dans le monde informatique, la gestion du risque est également très développée et fait partie du service rendu aux clients. La fonction de Risk manager consiste à identifier, comprendre et gérer les risques auxquels l’entreprise a été ou sera potentiellement exposée.

Quel rôle la fonction juridique joue-t-elle dans ce contexte ?

Les juristes sont habitués à gérer certains risques liés à leur métier : il s’agit classiquement du risque contractuel, dans la relation de l’entreprise à ses clients, fournisseurs, sous-traitants, mais aussi salariés, actionnaires, etc. Une attention particulière doit être portée au risque pénal, compte tenu de la pénalisation croissante du monde des affaires. Abus de confiance, infraction aux règles de la CNIL, contrefaçon de logiciels, pratique de taux usuraires, blanchiment, entente illicite, atteinte à la vie privée, etc… Tous ces risques sont à appréhender avec beaucoup de vigilance de la part des juristes, de même que la responsabilité pénale du dirigeant. Il appartient donc à la fonction juridique de dresser la cartographie des risques de l’entreprise, de mettre en œuvre la politique de compliance qu’exige notamment l’appartenance à un groupe, de mettre en place des règles d’intégrité et de déontologie qui s’appliquent à tous. Une fois identifiés, les risques doivent être classés, en fonction de leur impact potentiel sur l’entreprise et des enjeux. Ensuite, le dirigeant opère des choix, et détermine quels risques méritent plus d’attention que d’autres et l’attitude à tenir face à eux (réduction, contournement, affrontement, etc).

Comment la direction juridique peut-elle se valoriser par la gestion du risque ?

Il ne s’agit pas, pour un directeur juridique, de devenir Risk manager, car cela requiert des années d’expérience opérationnelle, acquise dans cette fonction auprès de plusieurs entreprises. En revanche, la direction juridique a toute légitimité à à entrer sur le terrain des autres services par le biais du risque. Le risque est même un moyen idéal pour les juristes d’apporter de la valeur ajoutée et d’acquérir une dimension transverse. En se positionnant dans la prévention, plutôt que dans un rôle curatif. Dans ce rôle de veille, la fonction juridique doit être particulièrement attentive au coût du risque, qui est complexe à déterminer : entre les notions de dommages à l’image de l’entreprise, les litiges effectifs… En ayant chiffré le coût du risque de façon précise, la fonction juridique conforte sa crédibilité. On peut même imaginer un poste de « référent risque » au sein des directions juridiques, une personne qui s’appuie sur la cartographie des risques, qu’elle fait vivre et dont elle se sert pour alimenter la stratégie. Vis-à-vis des autres services, la fonction juridique doit donc se montrer proactive et participer aux réflexions où est présente la notion de risque, c'est-à-dire dans la plupart des domaines couverts par l’entreprise. Sans se positionner comme un frein, mais plutôt comme un vecteur d’enrichissement, qui confronte les points de vue de ses pairs : directeur financier, directeur technique, etc. Le travail doit s’effectuer en amont, mais également en aval. Lorsqu’une crise éclate, les entreprises négligent trop souvent d’en faire le débrief, l’analyse, et préfèrent oublier ce mauvais moment. Là aussi, les juristes ont toute légitimité à rassembler leurs collègues autour d’une table pour provoquer et analyser les retours d’expérience. Par le biais du risque, la fonction juridique a donc l'énorme opportunité de se positionner comme vecteur de questionnement, de dialogue, d’enrichissement des connaissances, de façon pragmatique. Un véritable tremplin pour la prise de responsabilités et pourquoi pas, le siège de DG. A condition que le directeur juridique soit lui-même pertinent, légitime, avec une bonne dose de charisme et un certain sens politique.

*4e édition sortie en novembre 2016 aux Editions Gereso, 321 pages, 27 euros.

Propos recueillis par Olga Stancevic

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