L'abus de l'état de dépendance limité par la nouvelle réforme du droit des contrats

22.05.2018

Gestion d'entreprise

La loi ratifiant l'ordonnance portant réforme du droit des contrats restreint, de manière rétroactive, le domaine de l'abus de l'état de dépendance, qui est désormais limité à la relation entre les contractants.

La loi du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations précise, en le restreignant, le périmètre de l’abus de dépendance consacré par l’article 1143 du code civil.

L’ordonnance du 10 février 2016 a, on le sait, introduit dans le code civil, au titre de la violence, l’abus de l’état de dépendance. L’article 1143, dans sa rédaction issue cette ordonnance, s’étendait à toute forme de dépendance, économique ou non, contrairement à la jurisprudence de la Cour de cassation qui n’avait reconnu, dans ses arrêts antérieurs, que la seule violence économique (Cass. 1re civ., 3 avr. 2002, n° 00-12.932). C’est notamment à propos d’une transaction que la haute juridiction avait, pour la première fois, admis la contrainte économique : « la transaction peut être attaquée dans tous les cas où il y a violence et [...] la contrainte économique se rattache à la violence » (Cass. 1re civ., 30 mai 2000, n° 98-15.242).

La loi de ratification du 20 avril 2018, malgré le souhait des sénateurs, n’a finalement pas restreint le champ d’application de l’article 1143 à la seule dépendance économique (Projet de loi Sénat, n° 5, 17 oct. 2017) mais le cantonne à la seule dépendance envers le cocontractant (C. civ., art. 1143, mod. par L. n° 2018-287, 20 avr. 2018, art. 5, 2°). Cette modification ayant un caractère interprétatif, elle s’applique rétroactivement à la date d’entrée en vigueur de la disposition interprétée et donc aux actes conclus depuis le 1er octobre 2016 (L., art. 16, al. 3) L’article 1143 est désormais ainsi rédigé : « ll y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif ». Cette modification a pour but d’empêcher que le texte ne se transforme en un vice général de faiblesse et que la seule vulnérabilité d’un contractant (en raison de son âge, de sa santé, …) puisse permettre de constituer une dépendance. En exigeant une dépendance d’un contractant vis-à-vis de l’autre, le nouvel article 1143 fermerait aussi la question de la dépendance à l’égard d’un tiers. Reste à savoir comment il sera appliqué par la Cour de cassation.

Marianne Cottin, Maître de conférences à l'université Jean Monnet de Saint-Etienne

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