Le choix de la thérapeutique la plus appropriée n'appartient pas au patient mais au corps médical

08.09.2017

Droit public

Selon le Conseil d'État, le droit du patient d'accepter ou de refuser un traitement n'emporte pas celui de choisir son traitement et de l'imposer au corps médical.

Atteint d’une leucémie aiguë et récidivante, un enfant, âgé d’une dizaine d’années, tombe dans un état comateux à la suite d’une encéphalite. Pris en charge par le service de réanimation d’un hôpital marseillais, il est ensuite transféré, après être sorti du coma, et compte tenu des séquelles neurologiques subies, vers un hôpital montpelliérain où l’équipe médicale décide de ne pas réaliser une chimiothérapie à visée curative mais d’assurer plutôt une prise en charge palliative. Ce choix de traitement est confirmé lors d’une réunion de concertation pluridisciplinaire interrégionale par trois équipes médicales hospitalières différentes, mais contesté par les parents de l’enfant qui réclament la mise en place en urgence d’un traitement de chimiothérapie à visée curative.
 
Confrontés à un refus, ils saisissent le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’une demande tendant à ce qu’il soit enjoint au centre hospitalier de mettre en place sans délai une chimiothérapie à visée curative au profit de leur fils. Leur demande est rejetée et, sur appel de cette décision, le Conseil d’Etat, statuant comme juge des référés, les déboute à son tour de leur demande par une ordonnance du 26 juillet 2017 (n° 412618).
 
Les parents invoquaient une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie de leur fils mineur ainsi qu’au droit au respect de leur volonté au motif que l’absence de mise en place d’une stratégie thérapeutique à visée curative allait conduire à son décès, en méconnaissance des dispositions des articles L. 1110-5 et L. 1111-4 du code de la santé publique, et des articles 371-1 et 375 du code civil.
 
Le Conseil d’Etat fait une autre lecture des dispositions précitées. Selon lui, si elles accordent bien à toute personne le droit de recevoir les traitements et les soins les plus appropriés à son état de santé sous réserve de son consentement libre et éclairé, en revanche, elles ne consacrent pas, au profit du patient (ou des titulaires de l’autorité parentale en cas de minorité), un droit de choisir son traitement. En l’occurrence, le litige ne concernait pas la suspension d’un traitement ou le refus d’en entreprendre un au sens de l’article L. 1110-5-1 du code de la santé publique mais le choix d’administrer un traitement plutôt qu’un autre, au vu d’un bilan qu’il appartenait aux médecins d’effectuer en tenant compte des risques encourus et du bénéfice escompté. Or, et au vu du bilan effectué par les équipes médicales en cause, il apparaissait qu’une chimiothérapie curative ne constituait pas le traitement le plus approprié, compte tenu de la très forte probabilité de son inutilité et des grandes souffrances ainsi que des risques élevés qu’il devait entraîner pour l’enfant.
 
Juridiquement, la solution posée est convaincante. Sans doute la loi fait-elle à la volonté du malade une place importante en consacrant son droit au consentement et même son droit au refus des traitements. Il n’en reste pas moins que l’appréciation de la stratégie thérapeutique la plus appropriée à l’état du patient appartient, par définition, au corps médical, sous sa responsabilité du reste en cas de faute. Mais humainement, on imagine aisément la résonnance douloureuse qu’une telle lecture de la loi peut avoir pour des parents confrontés à la mort prochaine ou probable de leur enfant et prêts à tout pour tenter d’échapper à cette issue.

 

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Daniel Vigneau, Agrégé des facultés de droit, professeur à l'université de Pau et des Pays de l'Adour, conseiller scientifique honoraire du DP Santé, bioéthique, biotechnologies
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