Le congé signifié à une autre personne que le bailleur actuel équivaut à l'absence de congé

09.01.2018

Gestion d'entreprise

En l'absence de disposition du statut des baux commerciaux relative au destinataire du congé et de stipulation du bail, le locataire doit adresser son congé au bailleur ou à son mandataire lorsque celui-ci dispose d'un pouvoir spécial.

Un arrêt de cour d'appel de Paris de fin 2017 revient sur la personne à qui le congé doit être délivré et précise qu'en l'absence de disposition du statut des baux commerciaux relative au destinataire du congé et de stipulation du bail, le locataire doit adresser son congé au bailleur ou à son mandataire lorsque celui ci dispose d'un pouvoir spécial. La signification du congé à une autre personne équivaut ainsi à l'absence de congé.

La particularité de l'affaire tenait au fait que le preneur n'avait pas été mis au courant du changement de propriétaire bailleur. Aucune stipulation du bail ne mettait, en l'espèce, à la charge du bailleur l'obligation d'avertir le preneur en cas de vente du bien. Il importe donc peu que le vendeur se soit engagé à notifier au preneur, par lettre recommandée avec accusé de réception la mutation de l'immeuble en sa faveur, cette stipulation n'ayant d'effet qu'entre les propriétaires successifs et non dans les relations entre preneur et bailleur, en vertu de l'effet relatif des contrats.

Remarque : rappelons qu'en cas de changement de propriétaire, aucune disposition du statut des baux commerciaux ne prescrit au bailleur d'informer le locataire de ce changement, sans préjudice toutefois d'une stipulation contractuelle contraire. Nous conseillons donc fortement de prévoir ce type de clause lors de l'établissement du contrat de bail.

L'arrêt rapporté ici, même s'il est de solution constante, nous donne l'occasion de revenir sur quelques cas spécifiques qui déterminent la personne qui doit adresser le congé et à qui elle doit le délivrer.

En cas de vente du local
Lorsque l’immeuble a été vendu, le congé qui est donné après la vente, à la requête du propriétaire précédent, doit être déclaré nul sans que le demandeur à la nullité ait à justifier que l’erreur commise lui a causé un préjudice (Cass. 3e civ., 26 nov. 1986, n° 85-14.796).
Mais le congé signifié par le précédent propriétaire, avant la vente, profite à l’acquéreur après celle-ci (Cass. 3e civ., 15 mars 1989, n° 87-20.226). Le nouveau propriétaire couvre l’irrégularité de fond entachant un congé délivré par l’ancien propriétaire s’il manifeste par des actes positifs son intention d’exécuter ce congé, tels que l’émission de factures d’indemnités d’occupation et la convocation à un rendez-vous d’état des lieux de sortie (Cass. 3e civ., 9 juill. 2014, n° 13-16.655).
En cas de copropriétaires indivis
Dans ce cas, en principe, le congé doit être donné à la requête de tous les copropriétaires, sauf :

- en cas de mandat (C. civ., art. 1984 et s.) ;

- en cas de gestion d’affaires (C. civ., art. 1301 et s.) ;

- si l’un des indivisaires a été autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le consentement des coïndivisaires serait nécessaire si le refus de ceux-ci met en péril l’intérêt commun, et ce par application de l’article 815-5 du code civil (Cass. 3e civ., 18 avr. 1985, n° 84-10.083).

Le congé délivré par un seul indivisaire et donc entaché d’une irrégularité de fond peut être régularisé au moyen de la délivrance d’une assignation en validation dudit congé par tous les copropriétaires indivis (Cass. 3e civ., 3 nov. 2005, n° 04-15.381).

En cas de congé délivré à des époux

Si le bail a été consenti à deux époux, le congé doit être donné à chacun d’eux. Toutefois, le bailleur peut valablement donner congé à un seul des conjoints puis le rétracter, sans avoir à notifier ces deux actes à l’autre, à condition que les époux soient engagés solidairement (Cass. 3e civ., 21 oct. 1992, n° 90-21.738).

En cas de sous-location ou de multi locataires
Le congé est donné par le locataire principal au sous-locataire. Il n’a pas à être donné directement par le propriétaire au sous-locataire.
Lorsque le bail a été consenti à plusieurs locataires, le congé délivré à un seul d’entre eux est alors nul (Cass. 3e civ., 17 juill. 1991, n° 90-10.102). Mais le congé délivré à l’un des preneurs et la procédure exercée contre lui sont opposables aux autres preneurs lorsque le bail a été consenti à des copreneurs "conjoints et contractuellement solidaires" (Cass. 3e civ., 20 juill. 1989, n° 88-12.676).
Il est de jurisprudence constante qu’en cas de colocation d’un bail commercial, le congé donné par l’un des copreneurs ne libère pas l’autre. Le bail ne prend donc pas fin (Cass. 3e civ., 15 déc. 2016, n° 15-25.240 ; Cass. 3e civ., 18 févr. 2015, n° 14-10.510).
Remarque : une stipulation conventionnelle expresse contraire pourrait permettre de mettre fin au bail à l’égard de l’autre copreneur (Cass. 3e civ., 15 déc. 2016, n° 15-25.240).
En présence de copreneurs solidaires du bail, le décès de l’un des preneurs laisse subsister la solidarité entre les débiteurs originaires et les ayants droit du défunt. En conséquence, le refus de renouvellement signifié à la veuve est également opposable aux enfants mineurs en leur qualité d’héritiers (Cass. 3e civ., 19 févr. 2014, n° 12-17.263).
 
Stefano Danna, Dictionnaire Permanent Droit des affaires

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