Le gouvernement annonce sa volonté de relever les seuils d'audit légal au niveau européen

Le gouvernement annonce sa volonté de relever les seuils d'audit légal au niveau européen

20.04.2018

Gestion d'entreprise

La suppression de l'obligation de nommer un commissaire aux comptes dans les petites sociétés sera inscrite dans le projet de loi Pacte, présenté a priori le 30 mai. Bruno Le Maire s'est déclaré ouvert à des aménagements sur les délais de mise en oeuvre. Des compensations, notamment en termes de nouvelles missions pour les Cac, sont également à l'étude.

C'est désormais officiel. Dans un PDF iconcommuniqué commun publié hier, la Chancellerie et Bercy ont affirmé leur volonté d'aligner la France sur le droit européen concernant les seuils d'audit légal des comptes. La désignation d'un commissaire aux comptes (Cac) ne serait ainsi plus obligatoire dans les sociétés ne dépassant pas deux des trois seuils suivants : 4 millions d’euros de bilan, 8 millions d’euros de chiffre d’affaires et 50 salariés. "Je veux qu'on applique strictement le[s] seuil[s] européen[s]", a déclaré Bruno Le Maire, le matin même, au micro de BFMTV, citant ces limites de CA et d'effectif. A noter que la directive comptable européenne permet même aux Etats membres d'aller plus loin, avec des seuils pouvant s'élever à 6 millions d’euros de bilan et 12 millions d’euros de chiffre d’affaires (et toujours 50 salariés).

Objectif du gouvernement : alléger les obligations pesant sur les petites entreprises et faciliter leur développement. Car selon lui, la nomination d'un Cac, notamment, entrave leur croissance. Aujourd'hui, les PME "paient 5 500 euros en moyenne pour faire certifier leurs comptes", affirme le ministre de l'économie et des finances. Qui s'appuie sur les évaluations de l'inspection générale des finances, dans son fameux rapport sorti le mois dernier. La Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) estime à 150 000 le nombre de mandats concernés par ce projet de réforme.

Aménagements et compensations

Si la position du gouvernement est ferme sur la remontée des seuils  - "ma détermination (...) est totale", insiste Bruno Le Maire -, Bercy se déclare ouvert à d'éventuels aménagements de calendrier. "Je vois bien les réticences des commissaires aux comptes, je les écoute, je vais discuter avec eux. Je suis prêt à faire des propositions sur les délais", indique Bruno Le Maire. Toutefois, "ne sous-estimons pas l'incertitude qui va régner une fois que le texte sera présenté", prévient Jean Bouquot. Notamment en terme d'emplois dans les cabinets. "Colère, incompréhension et angoisse" sont les trois sentiments qui prédominent au sein de la profession, rapporte le président de la CNCC.

Des compensations sont également envisagées. La mise en place d'une commission spéciale "sur l'avenir de la profession de commissaires aux comptes" annonce déjà la suite. Elle est chargée de proposer "des perspectives de développement nouvelles à la profession comptable", avec notamment la définition de "missions nouvelles pouvant être confiées aux commissaires aux comptes", indique le communiqué publié jeudi. Elle étudiera également "les moyens de renforcer l’attractivité de la profession de commissaire aux comptes et de permettre le maintien d’un maillage territorial suffisant de la profession en France". "Nos arguments ont frappé les esprits", réagit Jean Bouquot, qui fustige "l'ignorance" - jusqu'à récemment - du gouvernement sur la profession et les conséquences d'une remontée des seuils. Les ministres "ont pris conscience" de l'impact de la réforme annoncée, notamment les possibles déserts de commissariat aux comptes, et du fait que les professionnels ne sont pas alternativement Cac ou experts-comptables, précise-t-il. Ce comité d'experts devrait rendre ses conclusions mi-juin. La profession, elle, a déjà suggéré des pistes nouvelles de présence du commissaires aux comptes (par exemple, la Compagnie nationale dans un livre blanc).

Présentation du projet de loi Pacte le 30 mai

Le relèvement des seuils d'audit légal sera intégré dans le projet de loi Pacte (plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises) - porté par Bercy - qui pourrait être présenté en conseil des ministres le 30 mai 2018, selon les dernières précisions de Bruno Le Maire jeudi matin. La profession comptable compte sur la discussion parlementaire - un "temps long" selon Jean Bouquot - pour infléchir ce projet. Entre temps, une grande manifestation nationale est prévue le 17 mai. "Il n'est pas trop tard pour revenir sur ce sujet", PDF iconassure la CNCC.

Et le vent qui souffle sur la profession du chiffre n'est peut-être pas prêt de tourner. Dans le communiqué conjoint de Bercy et de la Chancellerie, une phrase sibylline laisse entendre de possibles changements à venir du côté, cette fois, de l'expertise comptable. En effet, le comité d'experts mis en place pourra également "formuler des propositions visant à favoriser le développement de l’expertise comptable".

Céline Chapuis

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