Opposabilité de la cession Dailly : inefficacité des conditions contractuelles

17.10.2017

Gestion d'entreprise

Une cession de créance professionnelle est opposable aux tiers ainsi qu'au débiteur cédé dans les conditions prévues par les dispositions légales, auxquelles aucune autre condition ne peut être ajoutée dans le contrat générateur de la créance.

En application d’une convention d'escompte de créances professionnelles, une société (le cédant) a cédé par bordereau de cession de créances à une banque (le cessionnaire) les créances qu'elle détenait sur son débiteur correspondant à trois factures. Cette cession est notifiée à ce dernier par lettres recommandées. Puis, après avoir payé les factures au cédant, le débiteur cédé est assigné en paiement par le cessionnaire. Il invoque la nullité de la cession et soutient, à titre subsidiaire, que lui est inopposable cette cession effectuée en méconnaissance des stipulations du marché conclu avec le cessionnaire selon lesquelles “toute cession de créance à une banque ou à une société de factoring intervenant et présentée sans le préavis minimal d’un mois sera réputée nulle et non avenue” et qui ne lui a pas été notifiée au domicile qu’elle avait élu selon d’autres stipulations de ce marché.

La Cour de cassation se prononce sur la validité du bordereau, de la notification et sur l’opposabilité de la cession.

Echec aux exigences excessives en matière de bordereau Dailly

En premier lieu, le débiteur cédé conteste la validité du bordereau de cession au motif qu’il contiendrait des mentions erronées quant aux textes applicables.

En effet, l’article  L. 313-23 du code monétaire et financier énumère les mentions que doit comporter impérativement le bordereau. Parmi ces mentions obligatoires, l’acte doit préciser qu’il « est soumis  aux dispositions des articles L.313-23 à L. 313-34 du code monétaire et financier ». Pour être opposable aux tiers une cession de créance doit respecter le formalisme des mentions obligatoires du bordereau (Cass. com., 25 févr. 2003, n° 00-22.117, n° 359P).

En l’occurrence, le bordereau comportait bien la mention des articles L. 313-23 à L. 313-34 du code monétaire et financier, exigée par l’article L. 313-23, 2° dudit code, mais aussi celle, non exigée, des articles R. 313-15 à R. 313-18. Pour la Cour de cassation l'ajout de ces textes réglementaires n’a pas d’incidence sur la validité de la cession et cela même s’ils avaient été abrogés comme le prétendait le pourvoi.

En second lieu, le débiteur oppose que la simple connaissance que peut avoir le débiteur cédé de l’existence de la cession ne vaut pas notification. En outre,l a  notification de la cession aurait dû être faite au siège social du débiteur cédé. La Cour de cassation rejette ce moyen, au motif que le débiteur cédé avait eu une connaissance effective de la notification de la cession et ne pouvait se méprendre sur les conséquences de celle-ci. Par conséquent, il importait peu que cette notification n’ait pas été effectuée au domicile élu par le débiteur cédé dans le marché de travaux. En effet, il est établi par la jurisprudence que la notification peut être faite par tous moyens (Cass. com., 21 sept. 2010, n° 09-11.707, n° 867 P + B).

Opposabilité de la cession méconnaissant les stipulations contractuelles

Le débiteur cédé soutient aussi dans son pourvoi qu’en cas de cession de créance, le débiteur peut invoquer contre le cessionnaire les exceptions inhérentes à la dette. En ajoutant qu’il importait tout aussi peu que le cédant n’ait pas respecté les stipulations du marché prévoyant que toute cession de créance devait être précédée d’un préavis à peine de nullité dès lors que le débiteur cédé avait réglé les créances litigieuses, la cour d’appel a violé L. 313-27 du code monétaire et financier.

Pour la Cour de cassation, une cession de créance professionnelle effectuée selon les modalités prévues par les articles L. 313-23 et suivants du code monétaire et financier est opposable au débiteur cédé dans les conditions prévues par ces dispositions légales. La Cour de cassation ajoute qu’aucune autre condition ne peut résulter du « contrat générateur de la créance ».

Olfa René-Bazin, Dictionnaire Permanent Difficultés des entreprises

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