Ordonnance Macron : accord de rupture conventionnelle collective

04.12.2017

Gestion d'entreprise

Afin d'encourager la rupture conventionnelle collective, nouveau mode de rupture du contrat de travail, l'ordonnance du 22 septembre 2017 clarifie son régime et précise les garanties apportées aux salariés dans le cadre de l'accord.

Ce nouveau dispositif tend à encadrer les pratiques consistant à supprimer des emplois en dehors des procédures de licenciement économique (plans de départs volontaires). L’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail intègre ce mécanisme dans le code du travail sous la terminologie de « rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif portant rupture conventionnelle collective ». Ce dispositif ne semble pas exclusif et ne devrait pas supprimer la possibilité pour l’employeur dans le cadre d’un PSE de mettre en place des départs volontaires selon les modalités antérieurement admises par la jurisprudence.

Il s'agit d'un nouveau mode de rupture du contrat de travail. L’acceptation par l’employeur de la candidature du salarié emporte rupture du contrat de travail d’un commun accord des parties. Pour les salariés protégés, une autorisation de l’inspection du travail est nécessaire. Dans ce cas la rupture conventionnelle ne peut intervenir que le lendemain du jour de l’autorisation (C. trav., art. L. 1237-19-2 créé par Ord. n° 2017-1387, 22 sept. 2017, art. 10).

Ce nouveau dispositif est applicable à compter de la publication de décrets d'application au plus tard le 1er janvier 2018 (Ord. n° 2017-1387, 22 sept. 2017, art. 40).

Finalité de l’accord

L’accord collectif peut déterminer le contenu d’une rupture conventionnelle collective excluant tout licenciement pour atteindre les objectifs fixés en termes de suppressions d’emplois (C. trav., art. L. 1237-19 créé par Ord. n° 2017-1387, 22 sept. 2017, art. 10). L’accord à négocier s’inscrit en dehors de toute procédure de licenciement économique même si la finalité est de permettre la suppression d’un certain nombre d’emplois.

Contenu de l’accord

Le contenu de l'accord défini dans le nouvel article L. 1237-19-1 du code du travail devra être scrupuleusement respecté sous peine de refus de validation par l’administration.

Il faudra apporter une attention particulière sur les mesures de l’accord qui pourraient avoir un caractère discriminatoire en privilégiant, par exemple, les départs en fonction de l’âge des salariés ou contraires au principe d’égalité de traitement. L’administration devrait rejeter tous dispositifs s’apparentant à des mécanismes de pré-retraite. Il sera nécessaire que l’accord définisse son périmètre d’application (entreprises, établissements, qualifications ou emplois concernés) et dans ce périmètre le nombre maximum de départs sans qu’un seuil minimum ne soit possible comme condition suspensive de mise en œuvre de l’accord.

Puisque les départs ne peuvent être totalement maîtrisé par l’employeur tant sous l’angle quantitatif que qualitatif, l’accord devra préciser le solde entre départs volontaires et suppressions d’emplois intégrant, le cas échéant, les recrutements si le nombre des départs est supérieur au nombre des suppressions d’emplois associés.

Ensuite, l’accord devra définir les modalités d’information des salariés, d’expression de leur consentement, d’examen des candidatures et des réponses de l’employeur. S’agissant des modalités d’examen, l’accord peut créer une commission ad hoc conditionnant l’acceptation par exemple à la présentation d’un projet personnel de reconversion.

L'accord devra également définir les modalités d’informations du comité social et économique et dans l’attente de la mise en place de cette instance ses attributions sont exercées par le comité d’entreprise (Ord. n° 2017-1387, 22 sept. 2017 art. 40  III). Ne s'agissant pas d’une consultation, l’information pourra être limitée à la présentation de l’accord et de ses mesures. Par la suite, le comité social et économique sera consulté sur le suivi de sa mise en œuvre (C. trav. art. L 1237-19-7 créé par Ord. n° 2017-1387, 22 sept. 2017, art. 10). Les avis sont transmis à la Direccte. Indépendamment de l’intervention du comité social et économique, l’accord peut aussi intégrer la création d’une commission de suivi.

Enfin, le  sort social et fiscal des indemnités de rupture du contrat devra être précisé.

Intervention de l’administration
L'administration est associée aux différentes étapes du processus. L’autorité administrative compétente est celle du lieu où l’entreprise ou l’établissement concerné par le projet du plan de départ volontaire est établi. Si le projet porte sur des établissements de la compétence d’autorités administratives différentes, le ministre chargé de l’emploi désigne l’autorité compétente (C. trav. art L. 1237-19-5 créé par Ord. n° 2017-1387, 22 sept. 2017, art. 10).
 
L’administration est, tout d’abord, informée sans délai de l’ouverture de la négociation de l’accord (C. trav. art L 1237-19 créé par Ord. n° 2017-1387, 22 sept. 2017, art. 10). Ensuite, l’accord lui est transmis pour validation, ce qui suppose un contrôle portant sur :
 
- la conformité à l’article L. 1237-19 du code du travail,
- la vérification de l’ensemble des mesures imposées par l’article L. 1237-19-1 quant au contenu de l’accord collectif,
- la régularité de la procédure d’information du comité social et économique.
 
L’administration notifie sa décision motivée à l'employeur dans un délai de 15 jours suivant la réception de l’accord collectif. La décision est également notifiée au comité social et économique ou au comité d'entreprise dans l'attente de la mise en place du comité social et économique (Ord. n° 2017-1387, 22 sept. 2017, art40, III) et aux organisations syndicales représentatives (C. trav., art. L. 1237-19-4 crée par Ord. n° 2017-1387, 22 sept. 2017, art. 10).
 
A défaut de réponse dans ce délai, l’accord est réputé validé. L’employeur transmet alors une copie de la décision de validation, accompagnée de  son accusé de réception au comité social et économique et aux organisations syndicales représentatives.
 
Les salariés sont informés par voie d’affichage sur leur lieu de travail ou par tout autre moyen permettant de conférer date certaine (C. trav., art. L. 1237-19-4 crée par Ord. n° 2017-1387, 22 sept. 2017, art. 10).
 
Accord invalidé : nouvelle proposition ou contestation
 
En premier lieu, en cas de décision de refus, l’employeur peut reprendre le projet et présenter une nouvelle demande après avoir apporté les modifications nécessaires et informé le comité social et économique (C. trav. art. L 1237-19-6 créé par ord. n° 2017-1387, 22 sept. 2017, art. 10). Cette rédaction ne devrait toutefois pas permettre à l’employeur seul de modifier le dispositif initial. Une nouvelle négociation complémentaire de l’accord parait nécessaire en fonction des observations de l’administration.
 
Ensuite, la décision de l’administration peut être contestée devant le tribunal administratif, selon la même procédure que celle prévue pour les licenciements économiques avec PSE (décision de validation de l’accord ou d’homologation du PSE). Cette contestation porte sur le contenu de l’accord ou la régularité de la procédure précédant la décision de l’administration.
 
Quant aux salariés, ceux-ci peuvent contester la rupture de leurs contrats de travail avant l’expiration d’un délai de douze mois suivant cette rupture. La contestation ne pourra probablement pas concerner le motif de rupture, mais comme en matière de rupture conventionnelle individuelle, les conditions du consentement du salarié.
 
Revitalisation du bassin d’emploi
 
Lorsque par l’ampleur des suppressions d’emplois résultant de l’accord collectif l’équilibre du ou des bassins d’emploi est affecté, certaines entreprises sont tenues de contribuer à la création d’activités et au développement des emplois, et d’en atténuer les effets de l’accord sur les autres entreprises du bassin d’emploi. Les entreprises en redressement ou liquidation judiciaires ne sont pas concernées (C. trav. art. L 1237-19-9 crée par Ord. n° 2017-1387, 22 sept. 2017, art. 10).
 
Pour répondre à ces obligations une convention est signée dans un délai de six mois suivant la validation par l’administration de l’accord de ruptures conventionnelles. Un décret doit définir le contenu de cette convention qui peut être négociée par un accord collectif de groupe ou d’entreprise dès lors qu’il comporte les mêmes engagements, notamment s’agissant de la contribution financière de l’entreprise, que ceux contenus dans la convention avec l’administration. Cet accord tient alors lieu, à la demande de l’entreprise, de convention avec l'administration, sauf en cas d'opposition motivée de l’administration dans un délai de deux mois suivant la demande de l’entreprise.

 

Michel Morand, Avocat, conseil en droit social

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