Précisions sur la notion d'opération de crédit

24.04.2018

Gestion d'entreprise

L'abonnement à un service de téléphonie avec achat d'un téléphone mobile à prix attractif est une opération de crédit soumise aux dispositions du code de la consommation.

Pour l’application des règles protectrices du code de la consommation au crédit emprunteur, l’article L. 311-1, 6° dudit code définit l’opération ou le contrat de crédit comme le contrat en vertu duquel un prêteur consent ou s’engage à consentir à l’emprunteur un crédit sous la forme d’un délai de paiement, d’un prêt, y compris sous forme de découvert ou de toute autre facilité de paiement similaire. L’article réserve néanmoins le cas de certains contrats : ceux conclus en vue de la fourniture d’une prestation continue ou à exécution successive de services ou de biens de même nature, aux termes desquels l’emprunteur en règle le coût par paiements échelonnés pendant toute la durée de la fourniture. Ces contrats n’entrent donc pas dans le champ d’application des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation. Dans ce contexte, l’offre commerciale consistant, pour un opérateur de téléphonie mobile, à proposer l’acquisition d’un appareil téléphonique à prix réduit moyennant un abonnement à un tarif un peu plus élevé pendant une certaine durée, peut-elle être qualifiée de facilité de paiement au sens de l’article L. 311-1, 6° du code de la consommation ? Censurant le raisonnement mené par les juges du fond, la Cour de cassation répond par l’affirmative.

Entre le 15 juin 2011 et le 24 septembre 2012, une société de téléphonie mobile propose à ses clients un abonnement à un service de téléphonie associé à l’acquisition d’un téléphone mobile à un prix attractif, elle-même liée à un engagement d’abonnement à un tarif plus élevé pendant 12 ou 24 mois. Selon une société concurrente, cette formule caractériserait une opération de crédit à la consommation méconnaissant les dispositions relatives à l’information des consommateurs et, conséquemment, constituerait un acte de concurrence déloyale. La société concurrente l’assigne en réparation de son préjudice et cessation de cette pratique.

Pour les juges du fond, les deux contrats sont autonomes et il n’y a pas opération de crédit car les éléments inhérents à celle-ci ne sont pas réunis. Notamment, il n’y a pas d’avance, la propriété du téléphone mobile étant définitivement acquise à l’acheteur dès l’achat, et pas davantage de remboursement malgré la majoration du coût de l’abonnement.

A l’invitation du pourvoi, la Cour de cassation censure ce raisonnement. Au visa de l’article L. 311-1 du code de la consommation, tel qu’interprété à la lumière de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008, la Haute juridiction juge, d’une part, qu’une opération de crédit n’est pas incompatible avec le transfert immédiat de la propriété du bien financé à l’emprunteur. Elle retient, d’autre part, que, si sont exclues de la réglementation du crédit les opérations à exécution successive par lesquelles le consommateur règle de façon échelonnée un bien ou un service qui lui est fourni, et ce pendant toute la durée de la fourniture dudit bien ou dudit service, tel n’est pas le cas de l’hypothèse envisagée d’une opération consistant à livrer un produit dont le prix est payé par des versements échelonnés, intégrés chaque mois dans la redevance d’un abonnement souscrit pour un service associé. Enfin, et c’est sans doute ce que l’on retiendra le plus, la Cour de cassation rappelle qu’une opération de crédit peut résulter de toute facilité de paiement. Dès lors, elle reproche à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si le report du prix d’achat du mobile sur le prix de l’abonnement en cas d’acquisition d’un terminal mobile à un prix symbolique n’était pas établi par le fait que la majoration mensuelle du forfait imposée au consommateur était concomitante à la réduction substantielle du prix du mobile. La Cour de cassation relève qu’aucune autre explication rationnelle ne justifiait cette réduction et que l’opérateur de téléphonie mobile s’assurait ainsi, en principe, du remboursement des sommes avancées au moment de la vente du terminal mobile en obtenant de ses clients la souscription d’un forfait majoré pour une durée de 12 ou 24 mois.

Agnès Maffre-Baugé, Maître de conférences à la faculté de droit d'Avignon

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