Règles de compétence en matière de concurrence

04.04.2018

Gestion d'entreprise

La règle issue du revirement de jurisprudence permettant de retenir l'irrecevabilité d'un appel formé devant la cour d'appel de Paris en matière de concurrence, ne peut trouver application que si l'appelant la connaissait ou pouvait la prévoir.

Il résulte de la combinaison des articles L. 442-6, III, al. 5, et D. 442-3 du code de commerce que la cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à  l'application de l'article L. 442-6 du même code.

Mais aux termes d'une série d'arrêts rendus il y a un an, opérant revirement de jurisprudence, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a estimé que d'autres cours d’appel que celle de Paris pouvaient connaître des recours formés contre les décisions de première instance situées dans leur ressort, alors qu'elles ne sont pas spécialement désignées par l’article D. 442-3 du code de commerce (Cass. com., 29 mars 2017, n° 15-24.241 ; Cass. com., 29 mars 2017, n° 15-17.659 ; Cass. com., 29 mars 2017, n° 15-15.337).

Plus précisément, la chambre commerciale a jugé que seuls les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions du premier degré spécialement désignées doivent être portés devant la cour d'appel de Paris. Les autres cours d'appel, conformément à l’article R. 311-3 du code de l’organisation judiciaire, sont compétentes pour connaître des recours formés contre les décisions rendues par les juridictions situées dans leur ressort qui ne sont pas désignées par l'article D. 442-3 du code de commerce.
Il doit en être ainsi même dans l’hypothèse où celles-ci auront, à tort, statué sur l’application de l'article L. 442-6, auquel cas elles devront relever, d’office, l’excès de pouvoir commis par ces juridictions en statuant sur des demandes qui, en ce qu’elles ne relevaient pas de leur pouvoir juridictionnel, étaient irrecevables.

Dans cette affaire, la Cour de cassation se prononce sur les conditions d'application dans le temps de ce revirement de jurisprudence et estime que ce dernier ne peut s’appliquer à l’instance que si l’appelant pouvait le prévoir.

Il ne peut donc y avoir rétroactivité de la nouvelle jurisprudence. Car retenir l’irrecevabilité de l’appel formé devant la cour d’appel de Paris, aurait abouti à priver le concurrent (qui ne pouvait ni connaître, ni prévoir, à la date à laquelle il a exercé son recours, la nouvelle règle jurisprudentielle limitant le pouvoir juridictionnel de la cour d’appel de Paris) d’un procès équitable, au sens de l’article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

Remarque : dans cette affaire, un concurrent d'une société automobile avait assigné cette dernière en responsabilité contractuelle devant le tribunal de grande instance de Nanterre. Celle-ci avait alors invoqué les dispositions de l’article L. 442-6, I, 6° du code de commerce. La cour d’appel de Versailles avait déclaré irrecevable l’appel formé par le concurrent, qui avait alors relevé appel devant la cour d’appel de Paris. Cette dernière l'avait alors jugé recevable aux termes d'une décision antérieure au revirement et donc conforme à la jurisprudence antérieure. La Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l’arrêt d’appel.
Précisons également que le décret du 11 novembre 2009 relatif notamment aux pratiques restrictives de concurrence prévoyait que les juridictions saisies avant le 1er décembre 2009 demeuraient compétentes pour statuer. Plus précisément, aux termes de son article 8, compétence était réservée à la juridiction primitivement saisie pour statuer sur les procédures introduites antérieurement à la date de son entrée en vigueur, soit le 1er décembre 2009. Une procédure introduite par une assignation délivrée antérieurement au 1er décembre 2009 échappe donc aux dispositions de l'article D. 442-3 du code de commerce qui en sont issues (Cass. com., 24 sept. 2013, n° 12-21.089 ; Cass. com., 24 sept. 2013, n° 12-24.538).
Stefano Danna, Dictionnaire Permanent Droit des affaires

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