Renonciation « abusive » à une assurance vie : après les décisions de Versailles, celle de Paris

20.11.2017

Gestion d'entreprise

L'assuré qui s'empare de manquements de l'assureur au formalisme imposé par la loi dans l'unique but d'anéantir le contrat à la seule fin de ne pas supporter les pertes financières des placements choisis commet un abus de droit.

Dans un arrêt rendu le 2 novembre 2017, la cour d’appel de Paris reprend la formule de la cour d’appel de Versailles (v. Renonciation à une assurance vie : caractérisation de l’abus de droit par les juges) : « la finalité des dispositions législatives […] est d’imposer à l’assureur de fournir une information claire aux souscripteurs, de façon à ce qu’ils comprennent l’économie générale du contrat d’assurance vie et mesurent correctement ses avantages et ses risques » et la même définition de l’abus de droit, à savoir, « le fait pour une personne de commettre une faute par le dépassement des limites d’exercice d’un droit qui lui est conféré, soit en le détournant de sa finalité, soit dans le but de nuire à autrui ».
En l’espèce, l’assuré prétendait que « les fonctions successives de direction qu’il a occupées, non seulement à la Banque [X] où il a exercé diverses fonctions dont celles de directeur de réseau, de directeur des marchés et de responsable de la direction des risques du groupe [Y], mais également de président du directoire de la société [Z] qui a pour objet social la gestion de fonds communs de placements, ne réclamaient aucune connaissance approfondie des produits commercialisés mais seulement des compétences dans le management et la direction d’équipes ».
La cour retient « qu’au contraire son relevé de carrière démontre qu’il avait une expérience et des connaissances approfondies dans le domaine financier et était à même de peser les risques de ses placements au regard des bénéfices escomptés ; que les deux époux ont signé des contrats similaires le même jour, de sorte que l’expertise de l’époux a bénéficié à l’épouse ».
Après avoir relevé que les assurés avaient arbitré sur un support dynamique, reçu un relevé annuel d’information rappelant le risque de fluctuation, émis aucune doléance et attendu près de 10 ans pour renoncer, la cour d’appel a jugé qu’il était manifeste qu’ils n’avaient pas souffert d’un défaut d’information et qu’en réalité, ayant pris en toute connaissance de cause le risque d’une opération financière dans l’espoir d’un gain conséquent, ils se sont emparés de manquements de l’assureur au formalisme imposé par la loi dans l’unique but d’anéantir le contrat à la seule fin de ne pas supporter les pertes financières des placements choisis. Cette attitude caractérise un abus de droit. Le jugement ayant condamné l’assureur à leur restituer l’intégralité des primes versées par suite de leur renonciation est donc infirmé.
Stéphanie Couilbault-Di Tommaso, avocat au Barreau de Paris

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