Travail dissimulé, aide au séjour irrégulier, hébergement indigne : des infractions compatibles

01.09.2016

Droit public

Pour la Cour de cassation, les infractions de travail illégal, d'aide au séjour irrégulier et de soumission à des conditions d'hébergement indignes tendent à protéger des intérêts distincts et ne sont pas incompatibles entre elles.

Dans un arrêt du 26 juin 2016, la chambre criminelle de la Cour de cassation considère qu’un prévenu peut être reconnu coupable des infractions de travail illégal, d’aide au séjour irrégulier et de soumission à des conditions d'hébergement indignes, dès lors que n’ayant pas « les mêmes éléments constitutifs et tend[ant] à la protection d'intérêts distincts », ces infractions ne sont pas incompatibles entre elles. S’agissant de l’infraction de soumission à des conditions d’hébergement indignes, la Cour de cassation juge encore que l'article 225-14 du code pénal « ne subordonne pas la caractérisation de l'indignité des conditions d'hébergement à la preuve de la violation d'une norme d'hygiène ou de sécurité imposée par une disposition légale ou réglementaire spéciale ».  
Des infractions non incompatibles entre elles
En l'espèce, à l’issue d’une enquête de gendarmerie, une personne physique avait été condamnée à un an d'emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d'amende pour aide à l'entrée ou au séjour irréguliers d'étrangers en France, travail dissimulé, emploi d'étrangers non munis d'une autorisation de travail et soumission de plusieurs personnes vulnérables à des conditions d'hébergement indignes. Une personne morale était également poursuivie et condamnée à 5 000 euros d'amende pour complicité de soumission de plusieurs personnes vulnérables à des conditions d'hébergement indignes. Les deux prévenus forment un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel ayant confirmé leurs condamnations.
 
Devant les juges de cassation, ils soutenaient notamment que les différentes infractions retenues contre eux étaient « incompatibles entre elles » et que la cour d'appel aurait ainsi méconnu les exigences du droit au procès équitable garantit par l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme.
 
Toutefois, pour la chambre criminelle de la Cour de cassation, les quatre délits visés (aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'étrangers en France, travail dissimulé, emploi d'étrangers non munis d'une autorisation de travail et soumission de plusieurs personnes vulnérables à des conditions d'hébergement indignes) « n'ont pas les mêmes éléments constitutifs et tendent à la protection d'intérêts distincts, le premier participant de la police des étrangers, les deuxième et troisième, de la régulation du marché du travail ainsi que, pour le deuxième, de la garantie d'une égale et loyale concurrence entre entreprises supportant les mêmes charges, et le quatrième de la protection de la dignité de la personne humaine ».
 
Selon la Haute juridiction, la cour d'appel n'a donc pas déclaré le prévenu (personne physique) coupable d'infractions incompatibles entre elles.
Caractérisation de l’indignité de l’hébergement
Un autre moyen soulevé par les requérants est l’occasion pour la chambre criminelle de préciser comment caractériser l'indignité des conditions d'hébergement dans l’infraction de soumission à des conditions d’hébergement indignes prévu à l’article 225-14 du code pénal.
Remarque : l’article 225-14 réprime le fait de soumettre une personne, dont la vulnérabilité ou l'état de dépendance sont apparents ou connus de l'auteur, à des conditions de travail ou d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine.
Les requérants soutenaient en effet que la cour d’appel n’avait pas suffisamment caractérisé l’infraction, en retenant que les conditions d'hébergement au sous-sol du bâtiment, caractérisaient des contraventions multiples aux règles d'hygiène et de sécurité relatives à l'hébergement des salariés, mais sans préciser ces règles.
 
Toutefois, selon la Cour, l'article 225-14 du code pénal « ne subordonne pas la caractérisation de l'indignité des conditions d'hébergement à la preuve de la violation d'une norme d'hygiène ou de sécurité imposée par une disposition légale ou réglementaire spéciale ».
 
Ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision en relevant, pour déclarer les personnes physique et morale auteur et complice du délit de soumission de plusieurs personnes vulnérables à des conditions d'hébergement indignes, que « trois travailleurs marocains en situation irrégulière étaient logés dans un espace exigu, confiné et bas de plafond, n'offrant ni confort ni intimité, et présentant une absence de ventilation ainsi qu'un défaut de protection des câbles électriques ».

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

Découvrir tous les contenus liés
Véronique Baudet-Caille, Docteur en droit
Vous aimerez aussi

Nos engagements