Validité de la clause d'indemnisation pour non poursuite d'un contrat en cours ?

22.02.2018

Gestion d'entreprise

Les dispositions de l'article L.622-13, V ne s'opposent pas à l'application d'une clause d'indemnisation du préjudice né de la résiliation du contrat, à condition que la clause prévoit la résiliation par décision de l'administrateur judiciaire en procédure collective.

Une banque, ayant signé trois contrats de location financière en vue de financer du matériel d’une union de mutuelles est confrontée à l’ouverture d’une procédure de sauvegarde au profit de cette dernière. Après mise en demeure de l’administrateur judiciaire sur la continuation des contrats, ce dernier refuse de les poursuivre. Les créances d’indemnités de résiliation des contrats sont déclarées par la banque et contestées par le mandataire judiciaire. Le juge-commissaire les rejette car la résiliation des contrats est la conséquence de l’application de la loi et non de l’un des cas de résiliation de plein droit prévues contractuellement. La banque ne peut donc prétendre au paiement de ces indemnités.

La cour d’appel confirme le jugement de première instance. Elle rappelle dans ses motifs que l’inexécution du contrat à l’issue de la décision de l’administrateur judiciaire peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit du contractant et qu’ils doivent être déclarés au passif de la procédure conformément à l’article L. 622-13, V du code de commerce.

Par ailleurs, la cour d’appel fait référence à une clause déterminant le montant de l’indemnité destinée à réparer le préjudice causé par la résiliation de la convention. En plus de chiffrer de lourdes indemnités, la clause prévoit une majoration à titre de clause pénale. L’application de cette clause réclamée par la banque n’est pas écartée par principe. La cour d'appel énonce que l’article L. 622-13, V du code de commerce ne s’oppose pas à ce qu’une clause détermine le montant de l’indemnité destinée à réparer le préjudice causé au bailleur.

L’application d’une clause pénale a déjà été envisagée à des conditions restrictives par la Cour de cassation sous l’empire de la loi du 13 juillet 1967 (Cass. com., 9 juill. 1991, n° 89-18.270, Bull. IV, n° 254) et de la loi de 25 janvier 1985 (Cass. com., 11 mai 1993, n° 93-11.379, Bull. IV, n° 181 ; Cass. com., 10 déc. 1991, n° 90-11.145). Elle précise que le principe de l’égalité des créanciers ne s’oppose à la validité au regard de la procédure collective d’une clause pénale convenue entre un créancier et le débiteur antérieurement à l’ouverture de la procédure collective que lorsqu’il résulte de cette clause une majoration des obligations du débiteur envers le créancier en cas de prononcé de son redressement judiciaire.

L’acceptation de la clause pénale, même sous conditions, peut-être comprise comme la possible mise en œuvre d’une clause d’indemnité. Cependant, il faut alors qu’elle prévoit, expressément, une résiliation du contrat consécutive à la décision de l’administrateur judiciaire de ne pas continuer le contrat en cours. La cour d'appel interprète strictement la clause invoquée par la banque. Cette dernière vise le non respect de l’un des engagements du présent contrat, notamment… le redressement judiciaire, la liquidation amiable ou judiciaire. Force est de constater que la sauvegarde n’est pas prévue (ce que ne relève pas la cour d'appel), que le contrat n’est pas continué mais qu’il n’est pas fait état d’une défaillance dans son exécution.

La cour d'appel en conclut que la clause ne prévoit pas la résiliation pour non continuation sur décision de l’administrateur judiciaire. Elle juge donc en application de l’article L. 622-13, V du code de commerce et confirme les ordonnances critiquées en appel par la banque.

Laurence-Caroline Henry, Professeur, faculté de droit de Dijon

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