Les agissements sexistes, un risque professionnel à prendre en compte

Les agissements sexistes, un risque professionnel à prendre en compte

13.09.2016

HSE

Avec la loi travail, l'employeur a une nouvelle obligation de prévention des risques professionnels vis-à-vis de ses salariés : il doit mettre en place des actions pour lutter contre les agissements sexistes sur le lieu de travail. Cela suffira-t-il à enrayer le phénomène ? Les derniers chiffres publiés par la Dares montrent en tout cas que le chemin sera long.

Le sexisme au travail fera-t-il un jour mauvais genre ? Parce que le sujet "piétine", au travail mais pas que, le ministère du droit des femmes vient de lancer un plan d'action et de mobilisation contre ce phénomène. Dans ce cadre, il est notamment proposé aux entreprises de signer une "lettre d'engagement" contre le sexisme, et de faire labelliser toute initiative visant à faire reculer le fléau. Le législateur, lui, est plus directif sur le sujet. Il y a un an, avec la loi Rebsamen, il introduisait dans le code du travail la notion d’agissement sexiste. Puis, avec la loi travail, il a imprimé ce concept dans plusieurs articles du chapitre santé sécurité du code du travail. "Logique", pour l’avocat Cyprien Pialoux, du cabinet Flichy Grangé, dans la mesure où "les agissements sexistes portent atteinte aux conditions de travail". Mais quelles conséquences pour les employeurs ? Et pour les 22 % de femmes ayant déclaré en 2013 à la Dares avoir déjà subi un comportement hostile au travail en raison de leur sexe dans les 12 derniers mois (pour 4 % d’hommes) ?

La loi du 8 août 2016

Ce fut le projet de loi travail ou El Khomri, c'est désormais aussi la loi du 8 août 2016, date de sa signature et veille de sa publication au Journal officiel.

De la réforme de la visite médicale aux changements sur la durée du travail, en passant par la réforme de l'inaptitude, nous vous détaillerons tous les changements ayant un impact sur la santé-sécurité au travail dans les semaines qui viennent.

Après avoir évoqué les diverses dispositions qui affectent les missions du CHSCT (voir notre article), le titre de loi qui concerne le travail détaché (voir notre article), les évolutions concernant l'expertise CHSCT (voir notre article), l'inspection du travail (voir notre article) et le régime probatoire du harcèlement (voir notre article), aujourd'hui nous abordons un "nouveau" risque professionnel dont l'employeur doit se soucier : l'agissement sexiste.

 
Un risque professionnel à part entière

Désormais, les agissements sexistes font partie des risques que l’employeur doit prendre en compte lorsqu’il planifie la prévention des risques professionnels. Au même titre que le harcèlement sexuel ou moral. Ce sont carrément les principes généraux de prévention que vient modifier la loi travail (article 5) avec cet ajout (article L. 4121-2 du code du travail). Sur le terrain, cela veut dire qu’il doit mettre en place des actions. De sensibilisation et de formation par exemple, ou de mise en place d’un système d’alerte dont les salariés pourraient se servir en cas d’agissement sexiste, explique maître Sarah Garcia, du cabinet SG avocats. "Certaines entreprises n'ont pas attendu la loi", signale-t-elle. Mais leurs actions concernent plus souvent le harcèlement sexuel que les agissements sexistes.

Le règlement intérieur évolue

D’autre part, l'article 4 de la loi travail oblige l’employeur à mentionner les dispositions légales concernant les agissements sexistes dans le règlement intérieur de l’entreprise (article L. 1321-2 du code du travail). "Certaines dispositions du règlement peuvent aussi être reproduites dans le contrat de travail", rebondit l’avocate. Outre ce levier, grâce à l'article 6 de la loi travail, l’employeur pourra aussi collaborer sur le sujet avec le CHSCT. De fait, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, en tant que contributeur à la promotion de la prévention des risques professionnels, peut désormais proposer des actions de prévention des agissements sexistes (article L. 4612-3 du code du travail). Cela encouragera-t-il les victimes d’agissements sexistes à solliciter les membres du CHSCT ? Dans les affaires que défend Alina Paragyios, du cabinet d’avocats A-P, c’est rarement le cas.

La division sexuée du travail

Toutefois, mieux vaut miser sur le CHSCT pour prévenir les agissements sexistes en entreprise que sur les facteurs organisationnels. D’après les résultats de l’enquête Conditions de travail 2013 de la Dares, ils n’influent presque pas sur la probabilité de subir une discrimination sexiste. Même s’il faut noter que les femmes obligées de respecter des objectifs chiffrés précis au travail déclarent plus souvent subir des comportements hostiles en lien avec leur sexe. L’enquête montre aussi que pour prévenir la survenue des comportements sexistes au travail, il faudrait "accroître la mixité des emplois". Car les femmes les plus touchées par le phénomène seraient celles dont les fonctions "ne correspondent pas aux stéréotypes sexués de la division du travail".

Harcèlement sexuel : quelle différence ?

On le voit : il faudra un peu plus que de l’action de la part de l’employeur pour endiguer les agissements sexistes au travail, même si le code du travail le lui intime désormais. En tout cas, Alina Paragyios a "des réserves quant à l’efficacité de la mesure". D’autant que, souligne-t-elle, la définition de l’agissement sexiste reste floue : "Sur le papier, quand la situation est figée, il y a une différence avec le harcèlement sexuel, mais sur le terrain, je ne suis pas sûre". Dans la loi Rebsamen, il est défini comme "tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant". Mais il est surtout ce qu’en feront les juges, prédit Sarah Garcia. Les femmes, elles, ne se l’approprieront pas, estime Alina Paragyios. "Quand on vient d’arriver dans une entreprise ou quand on a des responsabilités, est-ce qu’on signale l’agissement sexiste ? Non", demande et répond-elle. Les femmes qui occupent des postes à responsabilités sont précisément les plus expos��es aux comportements sexistes, d’après la Dares.

La fonction publique est concernée

"Aucun fonctionnaire ne doit subir d'agissement sexiste", dit l'article 7 de la loi travail. Qu'il s'agisse de recrutement, de titularisation, de rémunération, de formation, d'évaluation, de notation, de discipline, de promotion, d'affectation ou de mutation. Quid des employés du secteur qui ne sont pas fonctionnaires (plus de 930 000 personnes en 2013) ? Un décret paru fin août 2016, pris en application d'une modification de la loi de 1983 sur les droits et devoirs des fonctionnaires, les met à l'abri des agissements sexistes (voir notre brève).

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HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Claire Branchereau
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