Nouveau suivi médical : tous les changements en 20 questions

Nouveau suivi médical : tous les changements en 20 questions

25.01.2017

HSE

Le suivi médical des salariés se divise désormais en deux voies distinctes. Le suivi standard est jalonné par les VIP, visites d'information et de prévention, quand certains travailleurs, à commencer par ceux œuvrant sur des "postes à risque" listés par l'employeur, voient le médecin du travail plus souvent, pour un examen d'aptitude.

Ce décret, publié in extremis au Journal officiel le 29 décembre 2016, représente pour beaucoup l'aboutissement de la réforme de la médecine du travail. Elle a été lancée il y a maintenant plus de deux ans, lorsque le gouvernement annonçait vouloir revoir le dispositif de la visite médicale d'embauche, dans une salve de mesures de simplification (voir notre article et celui-ci). Certains y soulignent aussi la suite logique de la mise en place de l'équipe pluridisciplinaire, avec la réforme de 2011. Pris en application de la loi travail, le décret organise le nouveau suivi médical dont doivent bénéficier tous les salariés. Il est entré en vigueur au 1er janvier 2017.

1. Comment débute le nouveau suivi médical "standard", c'est-à-dire hors risque particulier ?

La visite médicale d'embauche est remplacée par une "visite d'information et de prévention", VIP de son petit acronyme. Elle peut être menée par le médecin du travail, le collaborateur médecin, l'interne en médecine du travail, ou l'infirmier/ière. Dans la pratique – et c'est l'esprit de la réforme, puisqu'il s'agit notamment de répondre à la pénurie de médecins du travail – la VIP sera faite par l'infirmier/ière.

Le décret fixe 5 objectifs à la VIP : interroger le salarié sur son état de santé, l'informer sur les risques éventuels auxquels l'expose son poste de travail, le sensibiliser sur les moyens de prévention à mettre en œuvre, identifier si son état de santé ou les risques auxquels il est exposé nécessitent une orientation vers le médecin du travail. Il s'agit enfin de l'informer sur les modalités de suivi de son état de santé par le service et sur la possibilité dont il dispose, à tout moment, de bénéficier d'une visite à sa demande avec le médecin du travail.

2. Quand doit-elle avoir lieu ?

À compter de la prise effective du poste de travail, l'employeur dispose de 3 mois pour planifier cette visite avec le service de santé au travail.

3. Dans le cadre de ce dispositif standard, y a-t-il un dispositif spécifique pour certains travailleurs, tels que les travailleurs de nuit ?

Oui, la VIP doit avoir lieu avant l'affectation au poste pour 4 types de salariés :

  • les travailleurs de nuit,
  • les jeunes travailleurs,
  • les travailleurs exposés à des champs électromagnétiques, lorsque les valeurs limites d'exposition fixées à l'article R. 4453-3 du code du travail sont dépassées, article entré lui aussi en vigueur au 1er janvier 2017, et créé par le décret d'août 2016 (voir notre article). S'il s'agit en plus d'une femme enceinte ou d'une personne équipée d'un dispositif médical, implanté ou non (type pacemaker), elle devra orienter "sans délai" vers le médecin du travail ;
  • les travailleurs exposés à des agents biologiques pathogènes (bactéries, virus, parasites, champignons de groupe 2, c'est-à-dire ceux qui peuvent provoquer une maladie chez l'homme et constituer ainsi un danger pour les travailleurs, même si leur propagation dans la collectivité est peu probable et qu'il existe généralement une prophylaxie ou un traitement efficace.
4. Dans quelles situations l'infirmier/ière menant la VIP doit-il/elle réorienter le salarié vers le médecin du travail ?

Lors de la visite d'information et de prévention, si le salarié indique qu'il est un travailleur handicapé ou qu'il est titulaire d'une pension d'invalidité, il doit voir le médecin du travail pour une visite médicale d'aptitude. Il en est de même pour les femmes enceintes, allaitantes ou venant d'accoucher. Le professionnel de santé qui mène la VIP peut aussi renvoyer le salarié vers le médecin du travail dès qu'il l'estime nécessaire, sans avoir besoin de le justifier.

5. Un document est-il délivré à l'issue de cette visite ?

Oui, une "attestation de suivi" sera délivrée, "au travailleur et à l'employeur", à l'issue de la VIP. Mais on ne sait pas encore ce qui devra y être inscrit, puisque cela doit être déterminé par un arrêté qui n'est pas encore paru. Le concept d'aptitude ne devrait pas y figurer, en toute logique, "mais il va bien falloir que les services de santé au travail expliquent qu'ils ont respecté la réglementation et expliqué au salarié quels sont les risques éventuels auxquels il est exposé, etc.", commente l'avocate Anne-Sophie Lefur-Leclair, associée au cabinet Cornet Vincent Segurel et spécialiste de ces questions.

De plus, lors de la VIP, un dossier médical en santé au travail est ouvert, sous l'autorité du médecin du travail, c'est-à-dire dans des conditions qui doivent être prévues par le protocole du service.

6. Certains salariés peuvent-ils être dispensés de la VIP lors de l'embauche ?

Oui, la VIP lors de l'embauche n'est pas nécessaire lorsque le travailleur a déjà bénéficié d'une VIP moins de 5 ans auparavant. Il faut néanmoins que quatre conditions soient remplies :

  • le travailleur "est appelé à occuper un emploi identique présentant des risques d'exposition équivalents",
  • le professionnel de santé est en possession de la dernière attestation de suivi ou du dernier avis d'aptitude,
  • au cours des 5 dernières années, aucun avis d'inaptitude n'a été rendu,
  • au cours des 5 dernières années, le médecin du travail n'a émis pour ce salarié aucune mesure individuelle d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail, ni d'aménagement du temps de travail, en raison de l'âge ou de l'état physique et mental du travailleur.

Pour les travailleurs handicapés ou invalides ainsi que pour les travailleurs de nuit, le délai de 5 ans permettant la dispense de VIP est ramené à 3 ans. Pour les intérimaires, il est de 2 ans.

7. Ensuite, quelle est la périodicité du suivi standard, une fois que l'on a sa première attestation de VIP ?

Finie la visite tous les deux ans : après la première VIP, le salarié reverra un professionnel de santé du service tous les 5 ans. Ce délai est la limite maximale fixée par le décret, car il appartiendra à l'infirmier/ière (ou au médecin collaborateur, ou interne en médecine du travail, ou médecin du travail), lors de la première VIP, de décider de la périodicité la mieux adaptée, en fonction notamment de son âge et des conditions de travail. Tous les travailleurs qui doivent faire une VIP avant leur prise de poste (voir la question 3), devront revenir au moins tous les 3 ans.

8. Parallèlement à la VIP, en quoi consiste le nouveau dispositif de "suivi médical renforcé" ?

L'esprit de la réforme est de réserver en priorité le temps du médecin du travail pour les travailleurs occupant des postes à risque. Le médecin du travail – ou le collaborateur médecin, si le protocole signé entre eux le permet – mènera ainsi l'examen médical d'aptitude.

Lors de cet examen, il aura pour but de :

  • "s'assurer que le travailleur est médicalement apte au poste de travail auquel l'employeur envisage de l'affecter, notamment en vérifiant la compatibilité du poste avec l'état de santé du travailleur qui y est affecté, afin de prévenir tout risque grave d'atteinte à sa santé ou à sa sécurité ou à celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l'environnement immédiat de travail", "rechercher si le travailleur n'est pas atteint d'une affection comportant un danger pour les autres travailleurs",
  • "proposer éventuellement les adaptations du poste ou l'affectation à d'autres postes",
  • "informer le travailleur sur les risques des expositions au poste de travail et le suivi médical nécessaire",
  • "sensibiliser le travailleur sur les moyens de prévention à mettre en œuvre".
9. Quels sont les postes à risques, comment sont-ils définis ?

Le décret définit les postes à risque. Tout d'abord, il faut inclure tous les postes qui peuvent exposer les travailleurs à l'amiante, au plomb, aux agents CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques), aux agents biologiques des groupes 3 et 4, aux rayonnements ionisants, au risque hyperbare et au risque de chute de hauteur lors des opérations de montage et de démontage d'échafaudages. Il faut ajouter à cette liste "tout poste pour lequel l'affectation sur celui-ci est conditionnée à un examen d'aptitude spécifique prévu par le présent code". Tous les 3 ans, le Coct (conseil d'orientation sur les conditions de travail) sera consulté pour une éventuelle mise à jour de cette liste.

10. Qui détermine quels sont les postes à risque ?

Le médecin du travail peut, en fonction de ses constatations dans l'entreprise, décider de classer certains postes en "postes à risque". Mais la responsabilité de cette liste revient d'abord et surtout à l'employeur, et il devra la mettre à jour tous les ans. Il peut décider d'ajouter des postes qui ne rentreraient pas dans les critères définis par le décret, s'il estime que certains postes "présent[ent] des risques particuliers pour la santé ou la sécurité du travailleur ou pour celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l'environnement immédiat de travail". Ces ajouts devront être faits, après avis du médecin du travail, du CHSCT ou des délégués du personnel, "en cohérence avec l'évaluation des risques […] et, le cas échéant, la fiche d'entreprise". Une décision qu'il devra motiver par écrit. "Pour l'employeur, la prudence s'impose ! N'oublions pas son obligation de sécurité de résultat", conseille l'avocate Anne-Sophie Lefur-Leclair. "En cas de doute, autant classer le poste comme étant à risque."

11. Certains travailleurs doivent-ils d'office bénéficier d'un examen médical d'aptitude ?

Oui, pour trois types de travailleurs, l'employeur devra dès le départ prévoir avec le service de santé au travail un examen médical d'aptitude, l'inscrivant ainsi dans le dispositif de suivi médical renforcé. C'est le cas pour :

  • les jeunes de moins de 18 ans affectés à des travaux dangereux ;
  • les travailleurs titulaires d’une autorisation de conduite d'équipements présentant des risques (type Caces), délivrée par l’employeur ;
  • les travailleurs ayant une habilitation électrique.
12. Certains salariés peuvent-ils être dispensés de cette visite médicale, dans le cadre du suivi renforcé ?

Lorsque le travailleur a eu une visite médicale d'aptitude dans les 2 ans précédant son embauche, il peut être dispensé de voir à nouveau le médecin du travail. Il faut néanmoins que plusieurs conditions soient cumulées : "emploi identique présentant des risques d'exposition équivalents", "le médecin du travail intéressé est en possession du dernier avis d'aptitude du travailleur", et aucun avis d'inaptitude ni aucune mesure d'aménagement du poste de travail ou du temps de travail en raison de la santé du travailleur n'a été émis au cours des deux années précédentes.

13. À quel moment la visite médicale sur un poste à risques doit-elle avoir lieu  ?

Elle doit se dérouler avant l'affectation sur le poste.

14. Cette visite fait-elle l'objet d'une attestation ?

Oui, le médecin du travail délivre un avis d’aptitude ou d’inaptitude. Il est transmis au travailleur et à l’employeur, et est versé au dossier médical en santé au travail de l’intéressé, qui est, le cas échéant, ouvert à ce moment-là.

15. À partir de la première visite médicale d'aptitude, quelle est la périodicité des visites, dans le cadre de ce suivi renforcé ?

À l'issue de l'examen médical d'embauche, le médecin du travail détermine quand est-ce qu'il reverra le travailleur. Le délai maximum est fixé à 4 ans par le décret, pour un nouvel examen d'aptitude. Durant ce laps de temps, et au plus tard dans les deux ans qui suivent la première visite médicale, "une visite intermédiaire" est organisée avec l'infirmier/ière, le collaborateur médecin ou l'interne en médecine du travail.

Pour les salariés exposés aux rayonnements ionisants de catégorie A, rien ne change : ils auront toujours un examen médical au moins annuel, débouchant le cas échéant sur un avis d'aptitude.

16. Les travailleurs saisonniers affectés à des postes à risque doivent-ils bénéficier du suivi renforcé ?

Les travailleurs saisonniers, même affectés à des postes à risque, ne bénéficient du suivi médical renforcé, avec un examen d'aptitude, que s'ils sont recrutés pour au moins 45 jours de travail effectif. En deçà des 45 jours – comme pour ceux affectés à des emplois qui ne sont pas considérés "à risque", le service de santé au travail organise des "actions de formation et de prévention". Ces actions peuvent être communes à plusieurs entreprises, et le CHSCT doit être consulté.

17. Comment est-ce que cela se passe pour les travailleurs en CDD ou intérimaires ?

La loi travail renvoyait à un décret les "adaptations" nécessaires du suivi médical pour les salariés temporaires ou en CDD. Mais elle précise bien que "ces adaptations leur garantissent un suivi individuel de leur état de santé d'une périodicité équivalente à celle du suivi des salariés en CDI". Elle renvoie aussi au décret la charge de déterminer "les modalités d'information de l'employeur" ainsi que les "modalités particulières d'hébergement des dossiers médicaux en santé au travail et d'échanges d'informations entre médecins du travail". Et c'est là que le bas blesse. Car en pratique, "un travail important d'interopérabilité entre les systèmes d'information reste à mener", alerte le Cisme (centre interservices de santé et de médecine du travail en entreprise). L'organisme représentatif des Sist (services de santé au travail interentreprises) voudrait que les services de santé au travail puissent utiliser le numéro de Sécurité sociale des salariés. "On aurait maintenant besoin d'être soutenus par les pouvoirs publics pour utiliser ce numéro, sinon nous serons obligés d'en créer un autre, peut-être moins efficace", défend Martial Brun, directeur général du Cisme.

18. Qu'il s'agisse du suivi standard ou renforcé, le salarié ou l'employeur peuvent-ils décider de la périodicité du suivi ?

La décision de la périodicité revient au médecin du travail ou au professionnel de santé qui mène la VIP. En pratique, elle résultera sans doute d'un échange avec le salarié, mais ni lui ni son employeur n'ont la main sur cette décision. En revanche, à tout moment, le salarié peut demander à voir son médecin du travail. Une demande qui peut aussi venir de l'employeur. Ou du médecin du travail.

19. À partir de quand s'organise la nouvelle périodicité ?

Le décret ne prévoit pas de période transitoire. "Ce qui change immédiatement – et donc depuis le 1er janvier – ce sont les visites d'embauche. Pour les visites périodiques, on part sur une force d'inertie", tente d'explique Martial Brun, reconnaissant le flou du décret. Ce qui signifierait que l'employeur doit, pour une nouvelle embauche, déterminer s'il s'agit de pouvoir un poste à risque ou pas. En pratique, les médecins du travail vont sans doute continuer quelque mois à faire des visites médicales avec un examen d'aptitude à la clé pour des postes qui ne seront finalement pas listés "à risque". "Une circulaire serait la bienvenue pour gérer ces aspects très pratiques", fait remarquer Anne-Sophie Lefur-Leclair, "au risque que cela soit la jurisprudence qui nous dise dans deux ans comment il fallait faire dans le flou de la parution du décret".

20. Les services de santé au travail sont-ils prêts et formés ?

Pour leurs nouvelles missions, et notamment la VIP, les infirmiers/ières, collaborateurs médecins ou internes en médecine du travail, interviennent sous l'autorité du médecin du travail. Chaque service de santé au travail doit donc signer un nouveau protocole, dans l'esprit de celui qui préside déjà au travail de l'équipe pluridisciplinaire. "La protocolisation est en cours", témoigne un médecin du travail. Pour ce qui est des enjeux de formation, médecins comme infirmiers/ières estiment qu'ils ont déjà toutes les compétences pour cette nouvelle organisation. Selon l'avocate Anne-Sophie Lefur-Leclair, "il est important que les services de santé au travail s'imprègnent bien des enjeux de la réforme, de façon à bien avoir conscience de leurs responsabilités juridiques".

 

Puisque les visites médicales seront moins systématiques, les cotisations des entreprises vont-t-elles baisser ?

Il y a peu de chances. "La surveillance de l'état de santé n'est qu'une des quatre missions des Sist", rappelle incidemment le Cisme, citant l'action en entreprise, le conseil, la traçabilité et la veille sanitaire, qui "requièrent également des infrastructures et des moyens humains importants", sachant que "les salaires constituent environ 80% du budget". Le Cisme dit aussi constater que le nombre des visites non périodiques "ne cesse d'augmenter". Les Sist sont des associations "loi 1901" à but non lucratif, dotés d'une autonomie financière. Leur conseil d'administration est présidé par un employeur, et composé à parité de représentants d'employeurs et de salariés issus des entreprises adhérentes. L'organisation et la gestion des Sist sont placées sous la surveillance d'une commission de contrôle, présidée, elle, par un salarié, et dont les membres sont à deux tiers des représentants des salariés et à un tiers des représentants des employeurs. Ce sont ces organes qui décideront des cotisations adaptées.

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HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Élodie Touret
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