Dans le BTP, on mise sur les apprentis pour diffuser la culture de la prévention

Dans le BTP, on mise sur les apprentis pour diffuser la culture de la prévention

25.10.2016

HSE

Ils devraient être parmi les plus protégés. Ils sont au moins parmi les mieux formés. Dans ce CFA, les jeunes maîtrisent les risques professionnels. "Vous êtes la première génération à qui ces principes sont transmis, à vous de vous en faire les ambassadeurs", leur a lancé Clotilde Valter. Sur les chantiers, ce n'est pas si simple.

Regroupés entre deux murs en parpaings à moitié montés, les apprentis observent les mouvements de Bébert, le mannequin articulé. "Vous voyez, quand il se relève sans plier les genoux, sa colonne vertébrale supporte l’équivalent de 375 kilos", explique leur professeur d’éducation physique et sportive, Christophe Ernault. "Quand il se place correctement en revanche, la charge n’est plus que de 75 kilos." Sur le paperboard, l’enseignant a listé les sept principes du port de charges lourdes : pieds écartés de chaque côté de l’objet, bras tendus, poussée des genoux… Suspendue à un crochet, une réplique de colonne vertébrale lui permet de montrer les dégâts physiologiques causés par une mauvaise posture. Un peu plus loin, dans la zone travaux publics, un autre groupe se prépare à se mettre au travail. Appuyés sur leurs pelles et leurs balais, les apprentis font mouliner leurs pieds lestés par les chaussures de sécurité. Augmentation du rythme cardiaque, assouplissements, étirements… les exercices s’enchaînent, comme dans toute préparation à l’effort physique.

Formation à tous les niveaux

À Blanquefort, en Gironde, depuis une dizaine d’années, le CFA (centre de formation d’apprentis) du BTP a fait de la prévention des risques professionnels un axe central de son enseignement. Une démarche qu’est venue saluer hier, lundi 24 octobre 2016, Clotilde Valter, secrétaire d’État chargée de la Formation professionnelle et de l’Apprentissage, en visite dans l’établissement. "Chaque année, le centre forme un millier d’apprentis – menuisiers, couvreurs, zingueurs, peintres, plaquistes… ­–, du niveau V au niveau III. La formation santé-sécurité fait partie du cursus de chacun dès son premier jour, explique David Labarbe, le directeur. Tous reçoivent au minimum un enseignement sur la prévention des risques liés à l’activité physique. À partir du niveau IV (titres et brevets professionnels), l’approche se fait plus précise : appropriation du document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP), sensibilisation au risque amiante, exercices de conduite d’un véhicule utilitaire… "Chaque semaine, un apprenti est désigné chef d’équipe santé-sécurité", expose David Labarbe : "À lui de diriger l’échauffement, de vérifier le port des équipements de protection individuels, d’observer les postes de travail…".

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Transmettre les pratiques

L’établissement compte également un référent santé-sécurité pour l’établissement, Christophe Ernault. Formateur de formateurs pour le réseau du CCCA-BTP (comité de concertation et de coordination de l’apprentissage du BTP), il assure la veille réglementaire, conseille ses collègues, identifie les risques sur les différents ateliers, pilote l’actualisation du DUERP et la mise en œuvre du plan d’action annuel. "La prévention des risques doit faire partie intégrante des pratiques professionnelles, et devenir un réflexe", a martelé Clotilde Valter, avant de s’adresser aux apprentis : "Vous êtes la première génération à qui ces principes sont transmis, à vous de vous en faire les ambassadeurs". Une incantation pas toujours évidente à mettre en pratique. "Lors de mon premier stage, mon collègue m’a demandé de tirer une baladeuse branchée sur du 220 volts, alors que nous travaillions dans un vide sanitaire et dans l’humidité. Sa seule consigne était de ne pas tomber !, a ainsi raconté un apprenti monteur en installation du génie climatique et sanitaire. Difficile de protester, au risque de mettre en péril son cursus. "Dans les grosses entreprises, c’est assez répandu, mais dans les petites, il faut souvent se cacher pour faire son échauffement sans susciter de moqueries", glissait en aparté une jeune peintre, qui échauffe chaque matin ses articulations.

Menace sur l’attractivité

La prise de conscience s’effectue petit à petit, estime Céline Sanhaji, directrice adjointe chargée de la pédagogie au CFA : "Les connaissances et les réflexes acquis par les jeunes ont le mérite de susciter la discussion au sein de l’entreprise. C’est un sujet qui revient fréquemment lorsque les formateurs rencontrent les maîtres d’apprentissage". En Aquitaine, en 2013, un accident de travail sur quatre survenait dans le BTP, générant en moyenne 46 jours d’interruption, et un accident mortel sur trois se produisait sur un chantier ou dans un atelier, selon les chiffres de l'OPPBTP. "Si nous ne faisons pas quelque chose, un jour, nous n’aurons plus d’ouvriers", a regretté devant la secrétaire d’État un couvreur, maître d’apprentissage. "La dernière fois que j’ai vu un accident sur un chantier, le Samu a dû  venir chercher trois gars. Le lendemain, tous les apprentis avaient rompu leur contrat."

Clémence Dellangnol
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