La Commission européenne envisage une directive sur les professions réglementées

La Commission européenne envisage une directive sur les professions réglementées

15.09.2016

Gestion d'entreprise

L’exécutif européen songe à imposer un cadre précis pour que chaque Etat membre justifie selon les mêmes critères ses règlementations sectorielles. Sont concernées notamment les activités comptables et juridiques.

Il n’existe pas de véritable marché européen des professions réglementées. Entre 72 et 409 professions réglementées sont recensées dans chaque Etat membre avec des justifications qui diffèrent considérablement d’un pays à l’autre. Pour la Commission européenne, cette situation freine la création d’emplois et la croissance économique. Les services, qui représentent une partie importante de ces métiers, restent peu intégrés. Les échanges intra-communautaires dans ce secteur ne représentent que 6 % du PIB (produit intérieur brut) contre 22 % en matière de biens (voir l'étude). L’exécutif européen y voit un problème car les services représentent environ les deux tiers des emplois et de la valeur ajoutée de l’Union européenne.

Des réglementations motivées par les professionnels

Ce constat n’est pas fondamentalement nouveau. Mais il pourrait donner lieu, d’ici la fin de l’année, à une proposition de directive spécifique aux professions réglementées, soit 10 ans après l'aboutissement de la fameuse directive services. C’est l’une des options envisagées dans un PDF icondocument officiel de la Commission européenne (voir aussi un autre PDF icondocument récent sur ce sujet). Passée inaperçue depuis sa publication en juin dernier, cette note rappelle que les Etats membres peuvent, en principe, imposer une réglementation sectorielle à trois conditions : qu’elle soit justifiée par une impérieuse raison d’intérêt général, qu’elle soit proportionnée et qu’elle ne soit pas discriminatoire. Or, les dernières informations obtenues par la Commission européenne montreraient que les deux premières exigences sont appréciées de façon insuffisamment étayée. "L'expérience récente des évaluations de proportionnalité et des plans d'action nationaux soumis par les États membres pour l'évaluation mutuelle a révélé une absence d'examen robuste, reposant souvent sur une opinion plutôt que sur la preuve et citant souvent que les demandes des professionnels eux-mêmes est le facteur motivant certaines barrières érigées. Cela est du au manque de clarté de l’article 59 (3) [de la directive sur les qualifications professionnelles] en ce qui concerne les critères qui devraient être examinés lors de la réalisation de l’évaluation de la proportionnalité", analyse l’exécutif européen.

Une série de critères d’évaluation

L’option qu’il semble privilégier consiste à imposer aux Etats membres une méthodologie d’analyse de la réglementation, existante comme à venir, sur la base d’une série de critères : les raisons d’intérêt général qui justifient la disposition, l’évaluation de la nature des risques encourus par les parties prenantes, l’évaluation de la nécessité d’exiger des compétences et de la formation spécialisées, l’analyse des activités réservées, l’analyse des approches alternatives, etc.

Manque d'harmonisation fiscalo-comptable

Une fois de plus, cela revient à dire que tous les pans de la réglementation française de l’expertise comptable sont concernés — l’audit légal en est en principe exclu puisque cette profession est réglementée à l’échelle de l’Union européenne. Et ce d’autant plus que la Commission européenne cite régulièrement le secteur comptable, avec celui juridique, parmi ceux où l’examen de la réglementation est essentiel. D’une façon générale, on ne peut s’empêcher de se poser la question de l’issue de ce dossier si souvent abordé. Et pour le secteur comptable, cela renvoie à la souveraineté fiscalo-comptable des Etats membres. "J’ai dit à plusieurs reprises à la Commission européenne que les professionnels libéraux indépendants de matière comme la nôtre pourront facilement passer une frontière et exercer dans un autre Etat membre le jour où la matière sera harmonisée, rapportait dans nos colonnes Philippe Arraou. Et je me suis permis de dire qu’on mettait la charrue avant les bœufs car la matière n’est pas harmonisée. La matière c’est quoi ? C’est la comptabilité et la fiscalité", résumait le président du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables. Or, la Commission européenne a relancé l’année dernière une pièce importante de ce dossier : le projet d'assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés (Accis). Une proposition de directive devrait être publiée dans les semaines à venir. Reste à savoir si les Etats membres trouveront un consensus.

Ludovic Arbelet

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