Le Coct ne veut pas de l'ISO 45001 pour manager la santé au travail

Le Coct ne veut pas de l'ISO 45001 pour manager la santé au travail

07.11.2016

HSE

Le groupe permanent du conseil d'orientation sur les conditions de travail estime que le management de la santé-sécurité au travail ne doit pas relever de la normalisation, mais du droit et du dialogue social. De l'élaboration au contrôle, pouvoirs publics et partenaires sociaux y voient "un important problème démocratique".

Que la santé au travail fasse une place "toujours plus importante aux travaux de normalisation", parce qu'"un certain nombre de domaines techniques réclament une régulation de ce type", c'est "le plus souvent légitime". En revanche, que la normalisation vienne se mêler de ce qui "relève du droit ou du dialogue social", est "plus contestable". L'avis du groupe permanent d'orientation du Coct (conseil d'orientation sur les conditions de travail), qui réunit partenaires sociaux et représentants des pouvoirs publics (1), rendu jeudi 3 novembre 2016, est clair : ils ne veulent pas de la norme ISO 45001 relative au management de la santé et sécurité au travail.

L'ISO travaille sur cette norme depuis 2013, avec l'ambition de supplanter le référentiel britannique OHSAS 18001, par le caractère international d'une norme ISO et en introduisant dans la norme la notion de participation active des salariés et de leurs représentants dans la prévention des risques (voir notre article). C'est cependant là la vision positive de la norme. Car derrière cette belle idée, il y a un effet pervers, qui tient à l'existence même d'une norme aussi transversale.

Les normes techniques, oui ; les normes de management, non

"Le 'management' de la santé au travail fait intervenir la réglementation et du dialogue social : il comporte une dimension humaine et sociale essentielle, et ne se range pas parmi les activités qui se prêtent à la normalisation", explique le Coct dans un communiqué publié avec l'avis.

Les normes "techniques", pour les produits, telles que celles relatives aux machines, équipements et lieux de travail, oui. "Ces normes ont un fort effet multiplicateur et permettent en pratique de réduire les risques professionnels." Les normes qui se développent dans des "domaines transversaux", tels que "le management, les relations sociales, les services et les aspects sociétaux", c'est non.

Les pouvoirs publics et les partenaires sociaux y voient un "facteur de complexité supplémentaire quant aux règles applicables". Surtout, ils estiment que cela soulève "un important problème démocratique".

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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De l'élaboration à l'application et au contrôle

D'abord, la procédure d'élaboration de la norme ne comporte pas, selon eux, "les garanties qui s’attachent à la production réglementaire et au dialogue social" et la légitimité et la représentativité des parties prenantes n'est pas assurée. Ensuite, dire que la norme est d'application volontaire revient à ignorer "la réalité de prescriptions liées aux chaînes d’approvisionnements, à la commande publique et aux exigences légales de 'reporting' des grandes entreprises pouvant impliquer une obligation de fait d’appliquer la norme pour les sous-traitants, alors même que l’accès aux normes est onéreux". D'aucuns voient dans cette diffusion un aspect positif ; le Coct y craint avant tout une menace pour "l’application des règles relatives aux conditions de travail portées par des sources de droit".

Et comment s'assurer de la mise en œuvre effective des principes prévus par la norme ? "Il existe peu de garanties […] et évidemment moins que dans le cas d’une réglementation soumise au contrôle de l’administration et du juge." Quant à la certification, elle n'assure pas le "respect du droit sur le fond".

Deux rejets

Le projet de norme ISO 45001 s'est heurté à deux rejets successifs, d'abord en 2014, puis plus récemment, en mai dernier (voir notre article). La France fait partie des États qui ont alors voté contre le projet. Elle n'a pas voulu approuver une norme qui n'est pas alignée sur les principes de l'OIT (organisation internationale du travail) – contrairement à ce que semble promettre l'ISO dans sa présentation de la 45001 – et qui n'affirme pas explicitement la nécessité de respecter d'abord les lois, avant même de s'attacher aux exigences de la norme.

"Cela ne remet pas en cause la parution de la norme, il y aura bien un ISO 45001", assurait cependant Olivier Graffin, responsable développement "responsabilité sociétale et développement durable" à l'Afnor, en juin 2016 (voir notre article), alors que l'ISO venait de relancer le travail.

"Une illusion de sécurité au travail"

Pour le groupe permanent du Coct, "l’exemple du projet de norme ISO 45001 est emblématique du développement de normes transversales" : en dépit de l'opposition, "à de multiples reprises" des pouvoirs publics et des partenaires sociaux français, la norme a de fortes chances de voir le jour. Au niveau européen, l'avis du Coct rappelle que le comité consultatif sur la santé et la sécurité au travail a lui aussi  indiqué "ses réticences vis-à-vis d’un projet de norme ISO 45001 risquant de donner une 'illusion de sécurité au travail' et générant une charge administrative importante, particulièrement préjudiciable aux PME/TPE".

Un nouveau projet de norme devrait être présenté dans quelques semaines – ou mois, les délais pour cette norme ne cessant de s'étirer. En France, l'Afnor aura la responsabilité de le soumettre à enquête publique.

 

(1) Le groupe permanent d’orientation est composé :

  • des organisations syndicales et professionnelles représentatives au niveau national : organisations syndicales (CGT, CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT-FO) et organisations professionnelles (Medef, CGPME, UPA, UNAPL, FNSEA) ;
  • des services de l’Etat : ministère chargé du travail (direction générale du travail) et ministère chargé de l’agriculture (service des affaires financières, sociales et logistiques),
  • de la CnamTS (direction des risques professionnels).
Élodie Touret
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