Le code de l'urbanisme à nouveau épinglé : le champ de l'évaluation environnementale toujours insuffisant !

24.08.2017

Immobilier

Le Conseil d'État annule les articles R. 104-1 à R. 104-16 du code de l'urbanisme en ce qu'ils n'imposent pas la réalisation d'une évaluation environnementale dans tous les cas de modification du PLU et de mise en compatibilité avec un document supérieur.

Encore un effort. Seize ans après l'adoption de la directive CE du 27 juin 2001, et malgré les nombreux textes pris pour sa transposition, la France ne satisfait toujours pas aux exigences européennes en matière d'évaluation des documents d'urbanisme. Par un arrêt du 19 juillet 2017, le Conseil d'État écrit un nouvel épisode de cette saga, peu glorieuse. Il annule ainsi dix-huit articles réglementaires du code de l'urbanisme, R. 104-1 à R. 104-16, R. 104-21 et R. 104-22, ainsi que l'article 12, II, du décret  de recodification du 28 décembre 2015, relatif aux dispositions transitoires applicables à la carte communale (CE, 19 juill. 2017, n° 400420).

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L' évaluation environnementale est requise lors de la modification du PLU ...

Cette annulation n'est pas une première, le Conseil d'État ayant déjà condamné quelques dispositions dans ce domaine (CE, 26 juin 2015, n° 365876) : voir notre article "Annulation partielle du décret relatif à l'évaluation environnementale des documents d'urbanisme". La censure, cette fois-ci, est bien plus large. Elle porte, notamment, sur les articles R. 104-1 à R. 104-16 du code de l'urbanisme, soit pratiquement toute la section 1 de la partie réglementaire consacrée au champ d'application de l'évaluation environnementale (seul subsiste l'article R.104-17 relatif au schéma d'aménagement de plage). Ces dispositions, réécrites lors de la recodification du Livre Ier du code de l'urbanisme, énumèrent pour chaque document (DTADD, PLU, SCOT, carte communale, SDRIF ...) les cas dans lesquels l'évaluation est systématique, et ceux où elle relève du cas par cas. L'association requérante reprochait au décret de restreindre l'obligation de réaliser une évaluation environnementale à deux hypothèses seulement de modification du PLU :

-  lorsque celle-ci permet la réalisation de travaux, aménagements, ouvrages ou installations susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000 (C. urb., art. R. 104-8) ;

-  et lorsqu'elle porte sur la réalisation d'une unité touristique nouvelle dans les zones de montagne (C. urb., art. R. 104-12).

Les évolutions des PLU peuvent se faire par la voie de la modification lorsqu'elles ne relèvent pas des cas où une révision s'impose. Or, souligne le Conseil d'État, le champ d'application de la procédure de révision ne peut être regardé comme couvrant l'ensemble des changements apportés au PLU susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement. Ainsi, "en ne prévoyant pas les conditions dans lesquelles une évaluation environnementale doit obligatoirement être réalisée dans les autres situations où le recours à la procédure de la modification du plan local d'urbanisme est légalement possible, alors qu'il n'est pas exclu par principe que les évolutions ainsi apportées à ce plan soient susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement au sens de l'annexe II de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001, les dispositions attaquées ont méconnu l'article L. 104-3 du code de l'urbanisme".

...et de la mise en compatibilité des documents d'urbanisme avec une norme supérieure

Dans le collimateur également, les procédures de mise en compatibilité des PLU, POS, SCOT ou encore du SDRIF avec une norme supérieure. Si la loi ALUR et son décret d'application (intégré directement au décret de recodification du 28 décembre 2015) ont récemment étendu le champ de l'évaluation aux procédures de mise en compatibilité des documents effectuées dans le cadre d'une DUP ou d'une déclaration de projet, d'autres ont été omises. Aucune disposition, en effet, n'impose la réalisation d'une évaluation lors "des mises en compatibilité, prévues notamment par les articles L. 123-18, L. 131-1 et L. 131-4 du même code, des documents d'urbanisme avec des documents supérieurs, en particulier dans le cas où elle est réalisée d'office par le préfet en application des articles L. 123-20, L.143-42 et L.153-51". Or, ces procédures sont susceptibles, en raison de leur ampleur, d'avoir des incidences sur l'environnement. La Haute juridiction estime le requérant fondé à demander l'annulation, à ce titre, des articles R. 104-1 à R. 104-16 du code de l'urbanisme. Elle procède à une annulation globale de ces dispositions, contraignant ainsi le ministère à compléter plus précisément la liste des procédures concernées.

Un retard injustifié pour la carte communale

Avant la loi Grenelle II, le droit de l'urbanisme ne soumettait pas les cartes communales à l'obligation générale d'évaluation environnementale. Un décret du 9 avril 2010 a partiellement remédié à cette lacune dans la transposition de la directive en l'imposant aux communes comprenant un site Natura 2000 et à certaines communes limitrophes. Puis la loi ALUR a étendu le champ d'application de l'évaluation à l'ensemble des cartes communales susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement au regard, notamment, de la superficie du territoire auquel elles s'appliquent, de la nature, de la sensibilité et de l'étendue des territoires couverts par les secteurs qu'elles déterminent (C. urb., art. L. 104-2, al. 5). Les conditions d'extension de l'évaluation ont été précisées par le décret du 28 décembre 2015, entré en vigueur le 1er janvier 2016. Toutefois, l'article 12, II, de ce texte en a exclu l'application aux procédures d'élaboration et de révision en cours, lorsque l'avis prescrivant l'ouverture de l'enquête publique avait été publié à la date du 1er janvier 2016. Un nouveau report en somme, injustifié aux yeux du requérant. Le Conseil d'État valide cette analyse et annule la mesure transitoire qui laissait subsister en droit interne des dispositions contraires à la directive, dont le délai de transposition est écoulé. Il en résulte un risque contentieux potentiel pour les documents en question.

Désignation de l'autorité environnementale (Ae) compétente : un oubli réparé

Par ailleurs, le Conseil d'État censure deux autres articles du code de l'urbanisme, R. 104-21 et R. 104-22 issus du décret du 28 décembre 2015, en tant qu'ils désignent l'autorité administrative de l'État compétente en matière d'environnement (Ae) pour l'élaboration du chapitre individualisé du SCOT valant schéma de mise en valeur de la mer (SMVM) et la mise en compatibilité d'office par le préfet du PLU ou du SCOT avec des documents supérieurs. En effet, ils reprennent les alinéas 1 à 7 de l'ancien article R. 121-15 précédemment annulés par la Haute juridiction (voir décision précitée), une décision dont il n'a pas été tenu compte lors de la recodification. Toutefois, le décret n° 2016-519 du 28 avril 2016 a, depuis, corrigé cet oubli : voir notre article "Réforme de l'autorité compétente pour l'évaluation environnementale des documents d'urbanisme".

Enfin, le Conseil d'État ne manque pas de rappeler que " comme dans l'état antérieur du droit, les dispositions contestées doivent être interprétées comme étant en principe applicables aux procédures d'abrogation totale ou partielle des documents d'urbanisme qu'elles mentionnent".

 

Laurence Guittard, Dictionnaire permanent Construction et urbanisme
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