À la Ciotat, un IME révolutionne sa pédagogie grâce au numérique

À la Ciotat, un IME révolutionne sa pédagogie grâce au numérique

19.03.2018

Action sociale

Les enfants autistes ou déficients intellectuels n’échappent pas aux sirènes du numérique. Face à ce constat, l’iME la Pépinière, à la Ciotat, a adapté ses pratiques éducatives. Tableau interactif, tablettes, applications spécialisées, robots éducatifs, toutes les facettes du numérique sont sollicitées pour répondre à une nouvelle attente.

« Nao, il est pas comme nous. C’est un robot. Il faut le programmer sinon il fait rien. » Cet extrait du blog de l’institut médico-éducatif (IME) La Pépinière, à la Ciotat, a été rédigé par des enfants autistes engagés dans une expérimentation avec le célèbre petit robot humanoïde. Il illustre un des temps forts d’une transition, entamée en 2014, qui a conduit l’établissement à intégrer les technologies numériques au cœur de ses activités éducatives.

« Il était important de nous adapter à l’évolution des jeunes, car on constatait qu’ils passaient beaucoup de temps chez eux devant les écrans, notamment le soir sur Youtube, et qu’ils étaient attirés par les outils multimédias en dépit de leurs déficiences intellectuelles », explique Florian Ben Soussan, psychologue et coordinateur du pôle thérapeutique de l’établissement.

Le tableau numérique interactif a tout changé

Déjà conscient que l’ordinateur permettait aux élèves des sections d’enseignement spécialisé de se concentrer sur une tache plus longuement qu’avec d’autres supports, l’IME a tout d’abord investi dans un tableau numérique interactif (TNI). De plus en plus utilisé dans l’enseignement ordinaire, celui-ci consiste en un écran interactif de la taille d’un tableau d’école, fonctionnant avec un logiciel spécifique. Le TNI est capable de reconnaître une écriture maladroite puis de la mettre en forme, et ouvre sur de nombreuses possibilités de travaux en commun : rédaction collective d’un texte, découverte des pages préalablement numérisées d’un album, navigation sur Internet… �� La venue du tableau interactif a tout changé dans notre pédagogie, car on apprend à enseigner différemment et on motive aussi différemment, raconte Céline Pinchon, enseignante spécialisée. Après seulement 6 mois d’utilisation, nous avons observé de nombreux points positifs, tels qu’une meilleure attention des enfants en classe et une appropriation de l’internet. Une véritable révolution pour un IME ! »

Tablettes et capacités insoupçonnées

Les enfants sont également amenés à manipuler des tablettes tactiles, qui compensent leur maladresse avec la souris. Les applications gratuites sont sélectionnées par les enseignants en fonction du besoin des élèves. Elles permettent de travailler les prérequis français et mathématiques sous forme de jeux, ou de saisir du texte pour la rédaction du blog de l’IME. « Le numérique peut aussi pallier certains déficits, en particulier autour de l’écriture avec la difficulté à former des lettres. Les usagers de l’IME sont très en demande de ces outils interactifs qui gomment leurs différences avec les élèves du circuit ordinaire », ajoute Florian Ben Soussan. Il n’est d’ailleurs pas rare que des enfants parviennent à développer des compétences lexicales et phonologiques nouvelles via ces applications. Comme ce jeune autiste très lourdement handicapé qui avait appris par l’intermédiaire d’un jeu de mémoire visuelle à reconnaître les logos de l’ensemble des marques automobiles et à écrire leur nom, se souvient le psychologue. « C’était une capacité que nous n’aurions sans cela jamais soupçonnée chez cet enfant privé de toute expression. »

Nao : la découverte de la programmation

La mise en place de projets fédérateurs inter-établissements vient également élargir l’horizon des enfants. C’est dans ce cadre que l’IME a pu s’inscrire dans le programme d’expérimentation du robot Nao, développé par l’��ducation nationale à destination des lycées. En partenariat avec des élèves de terminal du lycée international de Luynes, les adolescents de l’IME ont eu à concevoir un jeu de l’oie sur le thème de la sécurité routière, dans lequel Nao intervenait en tant que monsieur Loyal lisant et interprétant à sa façon les fiches de questions pour avancer dans le jeu. « Les lycéens programmaient le robot, mais c’était aux jeunes de l’IME de donner les orientations et de définir ce qui allait ou n’allait pas. Par exemple, il a fallu ralentir le débit de parole du robot pour qu’ils puissent mieux le comprendre. Les ajustements se faisaient par Internet, mail, vidéo-conférence, ou lors de déplacements au lycée pour voir les élèves programmer », témoigne Céline Pinchon, qui a porté le projet. « À chaque venue de Nao au sein de La Pépinière, c’était l’effervescence, se rappelle-t-elle. Tous les jeunes voulaient l’approcher, le voir, le toucher, parfois lui parler ! ».

Le jeu finalisé a été présenté par les élèves de l’IME et du lycée en juin 2016, lors de journées du numérique organisées au Palais des congrès de Marseille. L’enthousiasme suscité par cette découverte de la robotique a conduit l’établissement à tenter l’expérience d’une séance de programmation. « Une action qui a été très positive pour nos jeunes puisqu’ils ont réussi à faire effectuer au robot des maneuvres simples, comme se lever, dire bonjour, ou marcher sur quelques mètres. Ce qui signifie qu’ils ont été capables de reproduire ce qu’ils avaient vu faire par des élèves ordinaires », se félicite Céline Pinchon.

L’enseignement de la programmation se prolonge aujourd’hui, en lien avec une classe ordinaire, sur l’utilisation de petits robots éducatifs adaptés aux élèves de maternelles et de primaires.

Une évolution qui a du sens

Dans une volonté de poser par écrit sa pratique (1), l’équipe évoque un « véritable plus » des outils numériques dans l’accompagnement des jeunes usagers. Se gardant des « représentations que l’on porte hâtivement sur la relation entre le numérique et la performance d’apprentissage », elle repère des effets positifs sur la motivation des enfants en classe liés au caractère ludique des outils numériques, mais aussi sur la concentration, l’estime de soi, la coopération entre élèves et la prise d’initiatives, tous synonymes d’une plus grande autonomie. Et de conclure : « pourquoi s’en passer ? »

Alors que l’établissement s’engage dans l’ouverture de groupes de parents pour la sensibilisation aux contenus d’Internet, une action devenue indispensable en raison de l’exposition de ces jeunes particulièrement fragiles aux images de violence et de pornographie, Florian Ben Soussan en est certain : « Il faut renouveler nos pratiques pour être au plus près des préoccupations et des nouveaux besoins qui émergent dans la société. Si nous restons figés, nous courrons le risque d’un décrochage avec les enfants et les familles. »

 

(1) Publié dans la revue du Creai PACA et Corse, « Transition digitale & médiations numériques dans les institutions sociales et médico-sociales », janvier 2018.

 

Tous les articles de notre série sur "le travail social à l'heure du numérique" sont rassemblés ici (lien à retrouver sur le site de tsa, dans la colonne de droite, rubrique "Dossiers").

 

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