12 idées reçues sur l'absentéisme

12 idées reçues sur l'absentéisme

24.01.2017

Gestion du personnel

Gurvan Collin, président du comité scientifique du Référentiel de l’Absentéisme et directeur Pôle conseils de GPA Initiatives (Gestion et prévention de l’absentéisme) démêle, dans cette chronique, le vrai du faux sur l'absentéisme. Le point sur les actions à mener pour endiguer ce phénomène, bête noire des DRH.

1- L’absentéisme est une fatalité

Faux. Plus de la moitié (52%) de l’absentéisme en France est de l’absentéisme compressible, c’est-à-dire celui sur lequel on peut agir (source : Dares). Dans cette catégorie sont regroupées les absences maladie de courte durée, les accidents de travail et de trajet et les absences injustifiées.

Une problématique dont la moitié est réductible ne constitue donc pas une fatalité.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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2- L’absentéisme permet de faire des économies, les salaires étant pris en charge par la sécurité sociale

Faux. Ce raisonnement, quelquefois entendu de la part de chefs d’entreprises dans le privé, constitue une vision étroite à court terme.

Dans le secteur public l’auto-assurance ou le recours à une assurance qui répercute toute hausse de l’absentéisme sur les cotisations évite de facto l’énonciation de ce type de phrase.

Le coût de l’absentéisme sur la base des simples mouvements sur la paie (coût négatif donc gain puisque le salaire est soit suspendu soit compensé en grande partie par les IJSS) n’est pas le seul coût de l’absentéisme. Pour calculer le coût direct de l’absentéisme, il faut y rajouter d’une part le coût de gestion administrative (traitement des dossiers d’absences, de la subrogation, des dossiers des remplacements) et d’autre part les éventuels coûts de remplacement (CDD, heures supplémentaires, intérim).

Il ressort de nos interventions que le coût de gestion administrative est souvent l’équivalent, voire plus élevé, des coûts de remplacement. Bien sûr, l’entreprise peut ne pas remplacer les salariés absents, laissant les salariés présents supporter l’augmentation de la charge de travail liée aux absences.  Mais dans ce cas, un cercle vicieux s’installe car à force, cette surcharge de travail génère de l’absentéisme supplémentaire qui va ensuite impacter le nombre de plus en plus restreint de salariés présents. Et dans cette dégradation des relations sociales, ce souvent les meilleurs éléments, les plus performants, qui s’en vont à la concurrence.

Enfin, il faut tenir compte des coûts indirects de l’absentéisme : quelle est la baisse de productivité, de qualité, de service rendu au client, de marge, de fidélisation des clients générée par les absences répétées de collaborateurs de l’entreprise ? Selon les secteurs d’activité, les marges générées, les process d’organisation, ces coûts indirects varient d’une entreprise à l’autre mais d’après notre expérience, ils peuvent atteindre jusqu’à trois fois les coûts directs.

Bref, un dirigeant avec une vision d’ensemble de son entreprise et de son organisation ne prononcera pas la phrase citée ci-dessus ; par contre il sera conscient des leviers considérables en termes d’amélioration des conditions de travail et d’économies que constituent la gestion et la prévention de l’absentéisme.

3- Ce sont toujours les mêmes (salariés) qui sont absents

Faux. Lors d’échanges avec les DRH sur l’absentéisme, des cas de microabsentéismes multirécidivistes ou d’absences injustifiées concernant un nombre restreint d’individus sont souvent évoqués.

Concernant la deuxième catégorie, les absences injustifiées ne constituent en moyenne qu’entre 2% et 5% des absences selon le secteur d’activité (la restauration sera plus touchée par exemple). Il s’agit donc là d’une extrême minorité en nombre et en jours mais le fait que le contrat de travail ne soit pas respecté met immédiatement l’accent sur ce phénomène.

Concernant la première catégorie, il est d’une part nécessaire d’affiner les analyses pour déterminer le degré de dispersion de l’absentéisme afin de mesurer l’impact du microabsentéisme multirécidiviste et d’autre part des outils très efficaces comme la mise en place des entretiens de ré-accueil (qui de par la jurisprudence nécessitent une information des salariés et une formation des cadres) réduisent significativement cette typologie d’absentéisme.

4- Arrêts maladies "de convenance" : tous les médecins en donnent !

Faux. Dans un rapport de 2012, la Cour des Comptes faisait ressortir les éléments suivants (pour l’année 2010) :

  • Le nombre moyen de jours d’arrêts prescrits par un médecin en France s’élève à 2 700 (arrondi à la centaine) ;
  • 30% des médecins prescrivent moins de 1 100 jours d’arrêts ;
  • 1 000 médecins prescrivent plus de 10 000 jours d’arrêts.

Il s’agit donc d’une minorité de médecins qui génèrent un nombre considérable d’arrêts maladie (mais ces médecins sont bien souvent connus des salariés en microabsentéisme multirécidiviste).

5- L’absentéisme est plus élevé chez les jeunes

Faux. D’après les dernières études de la Dares, les "jeunes" (moins de 25 ans) ne se mettent pas plus en arrêt en fréquence que les plus de 55 ans. En revanche, la durée moyenne d’un arrêt pour les plus de 55 ans va être plus élevée, environ d’un rapport de 1 à 3.

Cela donne la courbe suivante :

Maintenant, de plus en plus de remontées terrain nous interpellent sur un absentéisme croissant chez les jeunes (impact de la génération Y ?) ; les prochaines études de la Dares à ce sujet risquent d’être intéressantes.

6- Notre entreprise a un taux d’absentéisme moins élevé que la moyenne en France

Faux. Se situer par rapport à un taux d’absentéisme moyen en France est impossible, tout simplement parce que ce taux moyen n’existe pas. Il existe presqu’autant de manières pour les entreprises de calculer leurs taux d’absentéisme que d’entreprises elles-mêmes (pour celles qui suivent cet indicateur, indispensable mais pas suffisant).

Nous avons même collaboré avec une grande entreprise, cotée au CAC 40, qui inclut les heures de délégations syndicales dans le calcul de son taux d’absentéisme !

Bref, recueillir un taux moyen auprès d’entreprises ayant des modes de calcul n’a pas de sens, en attendant l’avènement (hypothétique ?) d’une définition normée de l’absentéisme.

7- Absentéisme et turn-over sont liés

Vrai et faux. Il existe souvent une corrélation entre absentéisme et turn-over, les deux phénomènes représentant des symptômes de dysfonctionnement des organisations et de mal-être des salariés. Néanmoins, il faut prendre en compte le contexte de l’entreprise et de son secteur d’activité. Dans les métiers du numérique, avec la pénurie actuelle de talents (développeurs, webdesigners …), le turn-over peut être élevé sans que cela soit lié à l’absentéisme. Cependant, ce turn-over sera moins élevé dans une entreprise qui a mis en place une vraie politique de Santé Qualité de Vie au Travail, ce qui explique le nombre croissant d’entreprises dans des secteurs NTIC, finance, … qui cherchent à retenir leurs talents à travers cette recherche du mieux-être des salariés.

8- Pour le suivi de l’absentéisme, un seul indicateur suffit : le taux d’absentéisme

Faux. Beaucoup d’entreprises ne suivent et n’analysent leur absentéisme qu’au travers de l’évolution de leur taux d’absentéisme. Or, pour une analyse correcte de l’absentéisme, il est nécessaire de compléter le taux d’absentéisme au minimum par 3 autres indicateurs :

  • Le nombre de jours d’arrêts par salarié ;
  • La proportion de micro-absentéisme ;
  • Le % de sans/sans.

Ainsi, nous sommes intervenus dans une entreprise de 90 personnes qui ne disposait d’aucun indicateur sur l’absentéisme, pas même le taux. En trois ans, le taux d’absentéisme a baissé de 32%, à la faveur du départ pour inaptitude de 3 personnes précédemment en arrêt maladie long. Dans le même temps, le nombre d’absences est passé de 68 à 165 sur une année. L’absentéisme avait changé de forme, passant d’un absentéisme de longue durée à un microabsentéisme désorganisant la chaîne de production.

Se baser sur la seule évolution du taux d’absentéisme aurait conduit à des conclusions inadéquates quant à l’absentéisme (et en totale contradiction avec le ressenti sur le terrain).

9- L’absentéisme, cela concerne surtout les secteurs d’activité où le travail est dur physiquement

Vrai et faux. Il est vrai que des secteurs comme la logistique, le transport, la grande distribution, l’hôtellerie restauration sont touchés par un absentéisme de l’ordre de 4,5-5%. Pourtant, des secteurs comme le BTP et une partie de l’industrie présentent des taux d’absentéisme moins élevés que le secteur banques assurances, secteur dans lequel bien souvent le taux d’absentéisme dépasse les 5,5%. Pour le BTP, un travail formidable de prévention et de sensibilisation a été effectué par l’OPPBTP depuis 15 ans sur cette problématique qu’est l’absentéisme, en particulier sur les accidents du travail et les TMS.

Les résultats obtenus montrent encore une fois que l’absentéisme n’est pas une fatalité.

10- Il existe un outil (miracle) pour réduire l’absentéisme

Faux. Cette demande est quelquefois formulée par les DRH que nous rencontrons. L’absentéisme est une problématique multifactorielle, donc elle nécessite un ensemble d’analyses qui constitueront un diagnostic sur lequel s’appuyer pour mettre en place des actions ciblées et efficaces dans un schéma cohérent de traitement et prévention.

Ainsi, pour une même entreprise, l’absentéisme lié à une forte accidentologie au niveau des quais d’expédition ne sera pas traité de la même manière qu’un absentéisme lié aux TMS sur la chaîne de production ou que le microabsentéisme dans les bureaux de support administratif. Pour chacun de ces absentéismes, des solutions existent mais n’amèneront des effets durables que si le diagnostic a été correctement effectué en amont.

11- L’absentéisme augmente en France

Vrai. Même s’il n’existe pas de taux moyen en France, toutes les études effectuées sérieusement au sein d’une même branche professionnelle tendent à montrer que depuis 2009, l’absentéisme est une problématique qui s’accroît. Nous ne pouvons que le déplorer alors que des solutions et des outils existent pour mener une gestion et prévention de l’absentéisme.

12- Les salariés de telle ou telle région (souvent la région voisine …) sont plus absents que chez nous

Vrai et faux. Lorsque l’on parle d’absentéisme et de répartition géographique sur le territoire, il faut bien distinguer les données brutes des données retraitées. Le retraitement des données permet une analyse "toutes choses égales par ailleurs", en particulier en prenant compte la composition des salariés. Par exemple, les données brutes de l’absentéisme en Ile de France sont brouillées vis-à-vis des autres régions d’une part à cause du poids plus grand des cadres (à l’absentéisme plus faible) et d’autre à cause de l’importance des secteurs de l’informatique, secteur où l’absentéisme est très faible.

L’absentéisme par région et département en France, selon une étude de la Dares (1) en 2013 nous donne les cartes suivantes, données brutes et à composition salariée égale :

 

Nous pouvons donc constater une hétérogénéité forte et l’absence de clivage nord-sud, si souvent évoqué dans les conversations.  Ce qu’il y a également d’intéressant dans ces cartes est le fait qu’entre deux départements voisins comme la Mayenne et l’Orne, les différences peuvent être très importantes, en brut comme en net.

En termes de géographie comme pour les autres paramètres, l’absentéisme se révèle donc une problématique complexe dont seule une analyse fine permet la mise en place d’actions ciblées et efficaces, qui nous permettent d’obtenir des résultats considérables.

 

(1) Dares Analyse n°9 Février 2013

Gurvan COLLIN
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