Ehpad : front syndical uni pour stopper la catastrophe

Ehpad : front syndical uni pour stopper la catastrophe

20.10.2017

Action sociale

A l'invitation de l'association des directeurs AD-PA, les syndicats CFDT, CFTC, CGT, FO et Unsa ont envoyé un courrier commun au président de la République pour lui demander d'intervenir afin de donner de l'oxygène aux maisons de retraite menacées d'asphyxie. Les signataires souhaitent notamment la fin de la convergence tarifaire et des créations nombreuses de postes.

L'événement a déplacé la presse grand-public dans cette petite salle du 10e arrondissement de Paris. Des télés, RTL, Le Monde, etc. sont présents pour ce rassemblement rare de (quasiment) tous les acteurs (association de directeurs et syndicats de salariés) autour d'une cause commune : la défense des maisons de retraite menacées d'asphyxie financière et de délitement de la qualité de leur prise en charge.

"Dans les Ehpad, c'est l'usinage"

A la tribune, les mots sont durs. "Les salariés payent cher leur engagement au quotidien" (AD-PA). "Notre enquête auprès des salariés a révélé des résultats très préoccupants. Une terrible angoisse monte des établissements" (CFDT). "On va à l'inverse de ce qu'on devrait faire" (CFTC), "Dans les Ehpad, c'est l'usinage. L'humain ne rentre plus en ligne de compte (CGT). "On va dans le mur si la convergence tarifaire est appliquée" (FO). "La maltraitance fait des victimes parmi le personnel" (Unsa).

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L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.

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Tout le monde se retrouve pour noter une accélération des difficultés explosives pour les personnels, une montée des inquiétudes parmi les résidents et leur famille et une sorte d'indifférence des pouvoirs publics qui n'ont pas pris la mesure de l'urgence de la situation. Alors chacun a remisé ses divergences, ses nuances pour envoyer ensemble un courrier alarmiste au président de la République. L'heure n'est plus aux chicaneries, mais bien à l'union sacrée pour sauver le soldat Ehpad.

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"Un personnel non formé fait des soins"

A la tribune, la représentante de la CGT, Anne-Sophie Pelletier, raconte son quotidien d'AMP dans un établissement privé lucratif (elle a été leader de la grève de l'Ehpad des Opalines au centre de l'enquête diffusée sur France 3). "Le taux d'encadrement est totalement insuffisant. Un personnel non formé, comme celui affecté au ménage, est appelé à faire des soins. On fait prendre des risques incroyables aux salariés et aux personnes âgées."

Montée des maladies professionnelles

Cette employée d'un Ehpad témoigne, les yeux embués de larmes, de l'état de stress dans lequel évolue le personnel. "Vous qui êtes totalement valide, lance-t-elle à l'assistance, essayez de vous lever, vous laver, vous habiller, prendre votre petit déjeuner en un quart d'heure. C'est ce qu'on nous demande de faire avec des personnes totalement dépendantes. C'est impossible de bien faire." Pas étonnant, dès lors, que les statistiques de l'assurance maladie fassent apparaître un "indice de fréquence des accidents du travail trois fois plus important que la moyenne". Les maisons de retraite et l'aide à domicile sont les seuls secteurs où le nombre de maladies professionnelles augmente quand partout ailleurs, ces taux ont tendance à baisser.

Point de rupture ?

Dans leur courrier au chef de l'Etat, l'AD-PA et les cinq syndicats expliquent la situation grave du domicile et des établissements. "Tout cela va conduire, au-delà du point de rupture, à la dégradation d'une situation que tous les professionnels et les organisations syndicales considèrent comme explosive et intenable, comme l'attestent les conflits de cet été dans plusieurs établissements et le rapport de la mission parlementaire rendu public le 13 septembre".

Sommes-nous proches de ce "point de rupture" ? Les syndicats considèrent que si des décisions importantes ne sont pas prises rapidement, tout peut arriver dans les établissements tellement la fatigue, l'exaspération et le désespoir sont légion. Ils appellent, d'une certaine manière, Emmanuel Macron à l'aide pour faire plier Bercy et financer la création de milliers de postes.

Une convergence tarifaire... provocatrice

Dans les huit propositions qui concluent la lettre, arrêtons-nous sur les trois premières. Les organisations demandent d'abord, comme la Fédération hospitalière de France (FHF), de stopper la réforme de la convergence tarifaire qui devrait se traduire par des suppressions de postes (2 000 à 3 000 selon la FHF). Les signataires refusent le terme d'établissements plus riches - ce qui ne correspondrait pas à la réalité - et nie l'argument selon lequel la réforme permettrait aux Ehpad les plus pauvres d'avoir de nouvelles ressources. Alors que tout le monde, y compris les députés de la mission flash, parle d'un taux d'encadrement insuffisant dans les Ehpad, cette réduction de la voilure pour certains établissements est jugée provocatrice.

Des contrats aidés vitaux

Seconde proposition : le maintien de tous les postes de contrats aidés dans un contexte de pénurie de postes. Les établissements qui ont dû se serrer la ceinture ces dernières années seraient dans l'incapacité de "tourner" s'ils devaient se passer de ces emplois aidés.

S'inspirer du plan Solidarité grand âge

Enfin, les signataires reviennent sur ce que prévoyait le plan "Solidarité grand âge" du temps de Philippe Bas pour la période 2007-2012. Il s'agissait alors de passer d'un ratio de 0,57 soignant pour un résident à 0,65 et de porter ce chiffre à 1 pour les "personnes âgées les plus malades et les plus dépendantes". Selon les syndicats, le taux a eu, depuis cette époque, tendance à se réduire alors même que le niveau de dépendance s'est accru. Tout le monde n'est pas d'accord sur le taux exact à atteindre : pour l'AD-PA, l'objectif serait de le porter à 0,8 soignant pour un résident (comme en Allemagne) alors que FO et la CGT, par exemple, plaident pour un rapport de 1 à 1, en considérant que la grande majorité des personnes âgées entre dans la catégorie des malades et des personnes dépendantes.

Grève dans les Ehpad ?

Les organisations promettent de continuer l'action de façon unitaire pour faire pression sur les décideurs. Et si rien ne bouge dans les prochains mois, certains syndicats envisagent de mettre sur la table un appel à la grève dans les Ehpad. Histoire que la prise en charge par la collectivité du vieillissement devienne un vrai sujet dans l'agenda politique.

Noël Bouttier
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