"La co-construction des parcours professionnels via le CPF va connaître un franc succès"

"La co-construction des parcours professionnels via le CPF va connaître un franc succès"

07.03.2018

Gestion du personnel

Cyril Parlant, directeur associé du cabinet Fidal, responsable du pôle "Economie de la connaissance", et Claire Van Campo, responsable de mission, décryptent les mesures clefs de la réforme. Pour les deux experts, sa réussite réside dans l’accompagnement des individus, la certification des organismes et la mobilisation du CPF dans le cas d'un co-investissement avec l'entreprise.

Que vous inspire cette réforme de la formation ?

Cette réforme constitue une modification d’une ampleur inédite pour les entreprises. D’une part, la contribution formation (1,68% pour les entreprises de plus de 11 salariés et 1,23% pour celles de moins de 11 salariés) ne sera plus collectée par les Opca mais par les Urssaf au même titre que les contributions sociales (chômage, maladie, allocations familiales). D’autre part, les grandes entreprises n’auront plus accès aux fonds affectés jusqu’ici aux périodes de professionnalisation. C’est là un point clef pour les employeurs puisqu'il s’agissait d’une manne importante, complémentaire du plan, pour boucler leurs budgets de formation. D’autant que les périodes de professionnalisation étaient assez facilement accessibles : tous les salariés en CDI pouvant être potentiellement bénéficiaires et toutes les actions de formation visant à favoriser le maintien dans l’emploi étaient accessibles.

 les grandes entreprises n’auront plus accès aux fonds affectés jusqu’ici aux périodes de professionnalisation

Demain, toutes les entreprises devraient verser une contribution mutualisée, selon la ministre du travail, Muriel Pénicaud, mais seules les sociétés de moins de 50 salariés pourront bénéficier de ce pécule, en complément de leurs dépenses propres. Il s’agira alors d’une mutualisation asymétrique, c’est-à-dire descendante, au profit des plus petites. C’est un geste extrêmement social.

Reste à savoir quel sera le comportement des entreprises de plus de 50 salariés. L’avenir nous dira si elles renoncent ou non à leur investissement formation ou si elles le réduisent significativement, en particulier les ETI (entreprises de taille moyenne). On peut craindre un trou d’air : on ferme les robinets sur les fonds mutualisés. La suppression du 0,9% au titre du plan de formation avait d’ores et déjà lancé le mouvement. D’où la nécessité de responsabiliser les partenaires sociaux afin qu’ils se positionnent comme vigies en matière d’investissement formation.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

Découvrir tous les contenus liés
Un changement de taille par rapport à la loi de 2014 ?

Effectivement, même si le fléchage des fonds était très contesté par les TPE-PME. La CPME avait d’ailleurs refusé de signer l'accord national interprofessionnel de 2013, qui était à l’origine de la loi de 2014, considérant les TPE/ PME comme les grandes perdantes de la réforme. De fait, actuellement, les sommes collectées au titre du plan de formation ne donnent lieu qu’à une redistribution très limitée. En effet, la mutualisation est segmentée en quatre sous-catégories déterminées en fonction de la taille de l'entreprise (moins de 10 salariés, de 10 à 49, de 50 à 300, plus de 300). L'Opca avait toutefois la possibilité de s'affranchir, dans certains cas, de cette répartition. Mais de manière beaucoup trop restreinte pour la ministre du travail.

Quels seront les changements pour le plan de formation ?

La suppression des catégories au sein du plan de formation (actions d’adaptation, de maintien dans l’emploi, périodes de professionnalisation) ne signifie pas la fin de l’obligation de former pour les entreprises. La jurisprudence, en particulier depuis l’arrêt du 23 octobre 2007 portant sur l’Union nationale des opticiens, continue à s’appliquer. Mais l’employeur ou le responsable de formation n’aura plus à se poser de question sur ces éventuelles catégories.

Il est nécessaire de sortir du carcan actuel pour expérimenter de nouvelles méthodes pédagogiques

On attend toutefois des précisions sur définition de l’action de formation. Il est nécessaire de sortir du carcan actuel pour expérimenter de nouvelles méthodes pédagogiques, c’est-à-dire qu’il est nécessaire d’arriver à une définition plus souple afin de laisser la main aux entreprises. Il y a tout à inventer.

Comment dans ce contexte éviter les dérives ?

Plusieurs garde-fous sont possibles pour assurer une traçabilité de l’action de formation. Mais le code du travail ne fait pas la GRH. En amont, l’accréditation des organismes de formation apparaît très judicieuse. En aval, de outils existent que ce soit via l’évaluation, les entretiens individuels ou le passeport formation.

L’ANI prévoit un co-investissement systématique de l’employeur en cas de co-construction du CPF. Qu’en pensez-vous ?

C’est une excellente nouvelle. Nous sommes convaincus que cette démarche va connaître un franc succès. Et ce de deux manières : de manière individuelle, entre salariés et employeur, à l'occasion de l’entretien professionnel notamment, durant lequel les questions co-construction et d’ingénierie de formation pourront être abordés. De manière collective, ensuite, à travers un accord d’entreprise, qui pourra définir la population ou les métiers cibles.

le CPF sera crédité de 5 000 euros tous les dix ans, soit 20 000 euros au cours d’une carrière 

Ces accords permettront de co-construire le parcours de formation d’un salarié, en proposant que la formation soit effectuée sur le temps de travail moyennant un abondement. Rappelons que le CPF sera crédité de 5 000 euros tous les dix ans, soit 20 000 euros au cours d’une carrière, ce qui est loin d’être négligeable.

Que pensez-vous de la monétisation du CPF ?

Nous y sommes favorables pour plus de clarté, d'abord (on paie en euros et pas en heures), plus de souplesse, ensuite (notamment pour financer des formations en e-learning) et plus d'égalité sans doute puisque de manière globale les formations pour cadres coûtent plus chères que pour les bas niveaux de qualification.Quant au risque inflationniste, il existe déjà dans la mesure où les organismes de formation ont pris l'habitude de caler leurs prix sur les niveaux de prises en charge des Opca. Il y a d’ores et déjà de nombreuses formations, notamment dans le cadre des périodes de professionnalisation, dont le coût est fixé à 9,15 euros de l’heure. Le marché de la formation s’est adapté à la prise en charge financière des Opca. Là, il va s’adapter à la demande. Mais l’essentiel ne réside pas dans la monétisation mais dans l’accompagnement, clef de voute du système : il ne faut pas laisser les individus seuls face à l’opérateur de formation. Cet accompagnement peut se faire dans l’entreprise, avec les RH, soit à l’extérieur par le biais du conseil en évolution professionnelle. Il faut par ailleurs certifier les organismes afin d’éviter les dérives en termes de qualité ou de prix.

Quid des abondements versés jusqu’ici par les Opca ?

Cette désintermédiation entraîne de facto la suppression des abondements des Opca. Or, ce système comporte des failles : car, dans ce contexte, comment recouvrer les contributions conventionnelles et les reverser : un tiers des branches prévoient des cotisations additionnelles au CPF, selon une étude de l’observatoire Fidal de 2016.

Cette désintermédiation entraîne de facto la suppression des abondements des Opca 

Quid des cotisations volontaires ? Cette suppression comporte des zones d’ombre : l’Opca est, en effet, le bras armé des politiques de formation de branches. Et la Caisse des dépôts n’a aucune compétence en matière d’appréciation d’une formation.

Les Opca vont être amenés à se restructurer ?

On peut le redouter. 6 000 personnes travaillent actuellement au sein de 21 Opca (y compris les deux interprofessionnels). Demain, moins de la moitié de ces postes seront maintenus. Les Opca sont d’ores et déjà organisés par filière : Opcaim pour les industries de la métallurgie, Opcalim pour l’alimentaire, Opcabaia pour les banques et assurances… Mais dans ce schéma, les deux principaux Opca, Agefos-Pme et Opcalia, pourraient disparaître puisqu'ils relèvent d'une logique interprofessionnelle... Or, ces deux réseaux apportent une réelle valeur ajoutée en termes de compétences et d’accompagnement.

 C��est extrêmement brutal, voire disruptif

C’est extrêmement brutal, voire disruptif. D’autant que les Opca sont des opérateurs de terrain. On peut comprendre le changement de gouvernance et la fusion des trois instances actuelles (Cnefop, Coparef et FPSPP) au sein d’une agence quadripartite, France compétences. Mais cette décision concernant les Opca va être lourde de conséquences.

Quels sont les points manquants ?

Il manque, à ce stade, une clarification des dispositifs de formation en alternance, contrat de professionnalisation et d’apprentissage, qui aurait pu fusionner en un contrat unique d’alternance en reprenant les points forts de chacun de ces dispositifs.

Anne Bariet
Vous aimerez aussi